Union Européenne : Accroissement de puissance de la Chine via le FESF

En octobre 2011, alors que la crise de la dette souveraine européenne est révélatrice des dissensions entre états membres, la Chine s’est portée candidate à l’élargissement du Fond Européen de Stabilité Financière. Est-ce seulement là une volonté de participer à l’effort collectif ?

La possible faillite de la Grèce et la récente fragilité de la situation financière de l’Italie pose la question de l’élargissement du Fond Européen de Stabilité Financière. La Chine a fait connaître sa volonté d’être candidate à cet élargissement. La Chine en a les moyens. Ses réserves de change s’élèvent à 3 200 milliards de dollars et elle dispose d’un niveau de dette relativement faible. Mais quel peut-être son intérêt ?

Les exportations de biens et de services représentent un quart du PIB Chinois. Soutenir l’économie européenne serait un moyen pour la Chine de sauvegarder les importations européennes des produits issus de son économie domestique et donc de sauvegarder sa croissance.

C’est là généralement les seules raisons évoquées par les européens afin de justifier la participation de la Chine au FESF. Cependant, l’empire du milieu sait très bien où se trouvent ses intérêts et l’avantage que lui procure sa puissance financière via ses réserves de change. De fait, devenir un acteur important de la stabilité de la zone euro pourra l’amener en position de force dans les grandes institutions internationales comme le FMI ou la Banque Mondiale.

Les européens espèrent voir la Chine ouvrir ses marchés intérieurs à moyen terme. Pourtant, avec cette montée en puissance comme acteur majeur de sauvegarde des économies des pays développés, c’est la Chine elle-même qui obtiendrait un moyen de pression pour inciter les économies, européennes en particulier, à lui ouvrir ses marchés. Le gouvernement chinois débloquerait ainsi une opportunité stratégique pour s’inviter dans le processus législatif européen afin de veiller à ce que les dispositifs européens ne soient pas trop contraignants. Pékin aurait aussi un moyen de pression à l’ouverture  du capital des sociétés d’Etat.

Le gouvernement chinois a d’ailleurs déjà fait connaître ses exigences. Le premier ministre Wen Jiabao a proposé que la commission européenne reconnaisse le statut d’économie de marché à la Chine, sans attendre 2016 comme le prévoyait pourtant le calendrier de l’OMC. Ceci lui permettrait alors d’échapper aux mesures antidumping européennes. Pékin envisage aussi la levée de l’embargo de l’Union Européenne sur les ventes d’armes.

Les deux cents dernières années d’histoire chinoise ont laissé un profond sentiment d’humiliation vis-à-vis des occidentaux et une volonté certaine de revanche, comme le montre Sheila Melvin dans son ouvrage, The Little Red Book of China Business. Croire que la Chine ne fait que participer au FESF pour participer à l’effort global contre la crise de la dette est un manque d’anticipation stratégique qui aura obligatoirement des répercussions néfastes sur les entreprises européennes.

Amel Hamoum, Pierre-Yves Amiot et Sylvain Boivin