« La Compétitivité de la France », intervention de Louis Gallois à l’IHEDN

Compte-rendu de la conférence de Louis Gallois à l’IHEDN du lundi 17 juin 2013. Celle-ci a eu lieu dans le cadre du cycle « Les lundis de l’IHEDN ».

Constat préliminaire

Louis Gallois a commencé son intervention par le constat suivant : l’industrie française souffre de son positionnement sur des produits moyen/bas de gamme. De par ce positionnement, l’industrie française se trouve en compétition avec des industries en provenance de pays émergents où les coûts de production sont nettement inférieurs à ceux de la France.

La conséquence pour l’industrie française est une guerre des prix qui a entraîné l’érosion lente mais certaine des niveaux de marge des entreprises.

Or, sans marges, pas d’investissement, pas de recherche, pas d’innovation, et pas de montée en gamme sur des produits innovants et performants. L’industrie française se trouve donc aujourd’hui dans un cercle vicieux duquel elle ne parvient pas à sortir.

La clé, pour Louis Gallois, est de positionner l’industrie française sur le terrain de la différenciation hors coût, sur le terrain de la qualité, de la fiabilité, de l’image de marque, et non plus sur celui du prix. Faute de quoi les entreprises françaises continueront à s’opposer à des concurrents issus de pays émergents, et dont les pratiques en terme de positionnement prix sont beaucoup plus offensives.

Mais quelles sont les causes de cette situation ? Quels facteurs expliquent les maux actuels de l’économie française ? Louis Gallois en relève cinq.

1- Une instabilité réglementaire

Louis Gallois appelle de ses vœux le « choc de simplification » énoncé récemment par le Président de la République. Pour lui, la prolifération des normes est un des freins au développement de l’économie en France.

L’instabilité fiscale est également un élément défavorable jouant contre la compétitivité des entreprises françaises.

2- Une faible coopération des acteurs de l’économie

Louis Gallois a regretté l’absence d’intégration et de coopération entre la  recherche et l’industrie, l’éducation et l’entreprise, les grandes entreprises et les PME, les entreprises et les banques.

Il soutient qu’une coopération plus étroite entre ces différents acteurs permettrait à notre économie d’être plus dynamique, réactive, créative, et donc compétitive.

3- Une insuffisance d’Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI)

Louis Gallois déplore la faible présence des ETI dans notre tissu économique.

En France, les PME sont nombreuses, plus nombreuses qu’en Allemagne. La France jouit d’un plus grand nombre de création d’entreprises qu’en Allemagne. Mais à la différence des PME allemandes qui croissent, se développent et deviennent des ETI, les PME françaises demeurent des PME.

Il y a donc une incapacité des PME françaises à atteindre la taille critique d’une ETI qui leur permettrait d’investir, d’innover, d’exporter et de s’implanter à l’étranger.

4- Un dialogue social non productif

Selon Louis Gallois, le dialogue social français est un dialogue de posture, fictif et non constructif.

Il l’oppose au dialogue social allemand où existe un consensus autour de la création de richesse, et où le débat se focalise ensuite sur les modalités de répartition de cette richesse.

5- Un coût du travail élevé

Louis Gallois suggère ici de comparer ce qui est comparable : la France et l’Allemagne.

Ayant exercé pendant six ans la présidence du groupe EADS (entreprise dont les salariés sont répartis de façon à peu près égale de part et d’autre du Rhin), Louis Gallois constate que si le coût des « cols bleus » est la même en France et en Allemagne, en revanche le coût des ingénieurs est plus élevé en France qu’en Allemagne, et celui des ouvriers beaucoup plus élevé en France qu’en Allemagne.

Cette différence repose sur le fait qu’en Allemagne, huit millions de travailleurs ont un revenu inférieur au SMIC. Selon Louis Gallois : « En Allemagne, les travailleurs pauvres sont une alternative au chômage ». « Ces faibles rémunérations permettent à certaines industries de produire à bas coût et donc d’être plus compétitives ».

Louis Gallois constate ce choix de société effectué par l’Allemagne, mais craint les risques de fractures sociales qui pourraient être, à long terme, coûteuses pour l’Allemagne.

Les facteurs clés de la réussite

Malgré ces maux dont souffre l’économie française, Louis Gallois tient à rester optimiste et dessine trois facteurs clés de réussite.

1- Le Pacte de Compétitivité (35 mesures)

Louis Gallois se dit confiant dans le potentiel de certaines mesures :

  • Mise en place du Crédit Impôt Compétitivité      Emploi (CICE)
  • Rôle accru de la Banque Publique      d’Investissement (BPI)
  • Développement de l’apprentissage
  • Présence de chefs d’entreprises au Conseil      d’Administration des Universités
  • Développement et individualisation de la      formation tout au long de la vie

Il concède que les 35 mesures du Pacte de Compétitivité sont disparates, mais il se félicite que les 2/3 de ces mesures soient déjà mis en places par le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Il se réjouit que le Gouvernement soit mobilisé autour du Pacte de Compétitivité mais rappelle que cette mobilisation ne peut s’évanouir avec le temps.

« Les Ministères sont mobilisés autour de ce Pacte, c’est bien. Mais il faut qu’ils restent mobilisés encore dix ans (comme en Allemagne). Les différents gouvernements vont devoir rester cohérents et persévérer sur cette même ligne et ce malgré les alternances politique. On ne peut pas repartir à zéro à chaque élection. La compétitivité est une affaire de long terme. »

2- Le rétablissement des comptes publics

Pour Louis Gallois, maîtriser les recettes et les dépenses publiques est une obligation. Cela requiert de la discipline. Il regrette cependant le manque de débats en amont des prises de décision budgétaire.

Si la réduction des déficits publics lui semble indispensable, il souligne cependant que « nous faisons les réformes au pire moment », alors que le pays connaît une croissance nulle et que l’Euro est à un niveau élevé (deux facteurs rendant difficile toute réforme structurelle). Il craint que les réformes actuelles n’aient un effet récessif en France, et rappelle que l’Allemagne de Gerhard Schröder a mené ces réformes alors que le pays connaissait une certaine croissance économique et un Euro faible.

3- La recherche de la croissance

Le rétablissement des comptes publics ne peut se faire sans croissance. Mais comment créer de la croissance, où aller la chercher ?

La consommation interne ?

Ici, Louis Gallois rappelle que la France importe une grande quantité des produits qu’elle consomme et que par conséquent, une hausse de la consommation correspondrait à une hausse des importations et donc à un accroissement du déséquilibre de la balance commerciale.

L’idéal serait de consommer des produits français, mais le processus de relocalisation que connaissent aujourd’hui les Etats-Unis n’a pas son équivalent en France.

L’investissement ?

L’investissement privé des entreprises est une solution, encore faudrait-il que celles-ci aient confiance dans l’avenir et dans le cadre règlementaire dans lequel elles évoluent.

L‘investissement publique, oui mais à condition qu’il se porte sur des projets d’avenir. Les taux d’intérêt actuels sont particulièrement bas (2%) et offrent des possibilités.

L’Europe ?

La croissance peut venir de l’Europe. Louis Gallois note que les salaires allemands ont progressé pour la deuxième année consécutive, plus vite qu’en France, et plus vite que la productivité. Cette évolution peut être annonciatrice d’une reprise grâce aux partenaires voisins.

Louis Gallois voit dans les grands projets européens des leviers de croissance. Il cite quatre grands chantiers permettant d’insuffler de la croissance au continent :

  • L’interconnexion électrique
  • Le très haut débit
  • Les énergies renouvelables
  • L’éducation

Par ailleurs, il demande à la Banque Centrale Européenne (BCE) d’aller plus loin et d’aider les PME européennes par le refinancement de crédits.

Enfin, il déplore l’absence de politique de change de la zone Euro. Alors que le dollar « file », que le Japon et la Suède ont dévalué, il regrette que l’Euro soit à un niveau aussi élevé.

Conclusion

Louis Gallois souligne qu’aucun changement ne sera possible sans confiance : confiance en l’avenir, dans les institutions, dans le cadre réglementaire, etc. Il insiste sur le fait qu’il y ait trop de méfiance en France, trop de pessimisme. Deux facteurs qui selon lui paralysent l’activité économique. Il critique l’ « autodénigrement français » et nous invite à plus d’optimisme et de dynamisme. Et de conclure : «  Un zeste de patriotisme ne nous ferait pas de mal ».

Julien Vaillant