La guerre des monnaies

Lors de la dernière réunion du G20 à Moscou, un sujet à fait l’objet de vifs débats et provoqué un mouvement de panique : la guerre des monnaies.

«Le monde ne doit pas faire l’erreur d’utiliser les devises comme instrument de guerre économique », a déclaré le ministre britannique des Finances George Osborne, lors de cette réunion des grands argentiers des vingt principaux pays riches et émergents, qui s’est achevé samedi 16 février. Une guerre des monnaies a pour champ de bataille les marchés monétaires et pour objectif d’acquérir un taux de change plus bas que les autres pays, cela pour favoriser leurs exportations. La dernière vraie guerre monétaire date des années 1930 et a mis à terre l’économie mondiale ; d’où l’inquiétude actuelle de l’intelligentsia économique.

Le 1er Ministre japonais Shinzo Abe a déterré la hache de guerre en dévaluant le yen de 20% par le rachat massif de dette publique nippone. Les États-Unis ne sont pas en reste: la Réserve fédérale américaine fait tourner la planche à billets depuis trois ans pour inonder l'économie de liquidités, ce que son président, Ben Bernanke, appelle "jeter de l'argent du haut d'un hélicoptère". Cette dévaluation du dollar est une des causes de la relance de l’économie américaine car elle a permis de booster les exportations américaines ; et plus insidieusement, elle a favorisé la production domestique en rendant plus cher les produits importés.

Inquiet de la remontée rapide du taux de change de l'euro (1,31), François Hollande a évoqué à Bruxelles le risque que l'Europe ne soit victime de dévaluations compétitives de ses concurrents. D’autant plus que les entreprises françaises qui exportent hors UE sont pénalisées par un euro fort. L’industrie aéronautique par exemple est fortement touchée par une perte de change dollar/euro. Une hausse de dix centimes d’euro, c’est un milliard de chiffre d’affaires en moins pour EADS. C’est pourquoi Eurocopter, filiale d'EADS, a d’ores et déjà investi 350 millions d'euros dans une usine au Mexique pour ne plus subir ces pertes de change. Seul avantage pour l’économie française, un euro fort permet de réduire la facture des importations d’hydrocarbures libellée en dollar.        

Aujourd’hui la monnaie est la dernière arme dont disposent les économies avancées pour améliorer leur compétitivité face à la rigidité de leur marché du travail. Or François Hollande aura beau plaider pour une politique de change européenne, il devra faire face à l’inertie de la BCE et aux réticences d’Angela Merkel. L’Allemagne dont les exportations sont à 63% destinées au marché européen, poursuit sa stratégie de domination par la monnaie. En effet, un euro fort confère aux Allemands, dont la balance commercial est excédentaire, une toute-puissance grâce à ses réserves de changes accumulées (en €) ; à l’inverse des pays qui ont une balance commerciale déficitaire – 67 milliards d’euros de déficit commercial pour la France en 2012-qui souffrent d’une perte de compétitivité. Ainsi comme le décrit Louis Gallois dans son dernier rapport sur la compétitivité, un euro fort renforce les forts et affaiblit les faibles.

Tristan Brasseur-Kermadec