La sylviculture (II) : une ressource française stratégique

Quel est l’état des forêts en France, en Europe et dans le monde ? Le bois est une ressource d’avenir. La France doit profiter de sa situation naturelle pour développer ses territoires et une industrie du bois.

La forêt en France, en Europe et dans le monde

En France, la forêt couvre 15,7 millions d'hectares, soit 28,6% du territoire, appartenant aux trois quarts à des particuliers. Le reste appartient à l’Etat, géré par l’Office National des Forêts, dépendant du ministère de l’Agriculture. L’essence majoritaire en France est le chêne pédonculé. La forêt Française est majoritairement feuillue, mais on y trouve des essences très variées, mais on note une forte croissance des résineux.
En Europe, les ressources forestières sont inégales. On trouve :
–    Au sud : les forêts méditerranéennes disposent peu de bois aux débouchés économiques importants. Des espèces plus intéressantes sont néanmoins introduites, mais le climat et les forts risques d’incendies restent des menaces sérieuses pour une gestion durable et rentable de la filière bois.
–    Au Nord : presque exclusivement composé de résineux, ce qui à terme représente une menace pour la qualité des sols. La gestion y est strictement encadrée.
–    En Europe Centrale : plusieurs pays ont connu les économies planifiées du bloc soviétique, la filière bois peut localement avoir une certaine importance et être bien gérée, mais plusieurs facteurs tendent à minimiser ce secteurs : l’urbanisation importante, les zones montagneuses, et le manque de poids politique des acteurs forestiers.

Le pays disposant de la plus importante réserve mondiale de bois est la Russie, dont les réserves de bois énormes ont été préservées depuis plusieurs décennies. Les bois présents sont majoritairement des résineux, s’étendant dans la toundra jusqu’aux régions polaires, ce qui complique néanmoins l’exploitation de la ressource.

Puis, les régions tropicales telles que l’Amazonie, l’Afrique et l’Asie, bien qu’encore confortablement dotées en ressources forestières, commencent à montrer des signes d’essoufflement. Les forêts ont été exploitées de façon inconsidérées, pour ne pas dire pillées, sans replantation ni autre forme de gestion. Ainsi, les ressources n’ont pas été pérennisées, et de multiples dommages collatéraux ont été occasionnés, par exemple sur la faune et la flore locales.
De fait, dans plusieurs pays occidentaux, est apparue une prise de conscience visant à freiner l’utilisation de bois exotique pour lutter contre la déforestation et autres mauvaises pratiques de ces pays souvent en voie de développement. Des labels ont été créés, permettant de distinguer les arbres exploités dans le cadre d’une gestion durable de la forêt de ceux de la déforestation déraisonnée.

L’avenir de la forêt

Le bois est ainsi devenu une ressource d’avenir en raison du progrès technique des filières de transformation et d’utilisation. La demande devrait donc très logiquement être en hausse. Surtout si l’appétit des pays émergents ou d’autres géants tel que la Chine se manifeste. Mais, comme un arbre demande plusieurs décennies pour parvenir à maturité, la gestion de la ressource peut devenir compliquée, voire hasardeuse, étant donné le manque de vision à si long terme. Le réveil de la Russie sur le marché du bois est certain, et lorsqu'elle ouvrira ses réserves considérables de bois dans un contexte de forte demande, la Russie sera dans une situation quasi monopolistique. Face à ce dernier cas, l’Europe, du fait de la faiblesse de ces surfaces boisées face au géant Russe, sera bien faible.

Pour une stratégie forestière de la France

Pour la France, afin de se prémunir des risques liés au marché et optimiser une ressource intérieure en vogue pour ses propres besoins, doit réagir rapidement. Néanmoins, il serait dangereux de tomber dans le piège de favoriser une essence unique, tel que le résineux, pour le simple prétexte de contrer une menace future. D’autres risques liés à la spécialisation d’une essence particulière  existent, tels que les maladies ou un changement climatique, qui pourraient ruiner des années d’effort. L’idéal serait pour la France de conserver, et même d’optimiser sa diversité forestière. Il faudrait conserver une part importante de résineux pour contrer la future offensive Russe dans ce domaine, et pour éviter de devoir  importer du résineux russe, puis exploiter le large panel des feuillus. Le « Robinier faux acacia » peut remplacer plusieurs essences tropicales, de même que le châtaignier avec ses riches propriétés pourrait être mieux valorisé. Les essences nobles et rares comme par exemple le merisier ou le noyer, et les essences traditionnelles locales telles que le chêne et le hêtre doivent aussi être exploitées et reconsidérées. Ceci dans le but de dominer des marchés de niche qui seront très probablement à forte valeur ajoutée, lorsque l’offre mondiale ou même européenne en bois ne sera composée de résineux.
Enfin, il faut se rappeller du rôle environnemental fondamental des forêts, concernant l'eau potable et les questions atmosphériques. Ces questions pourraient prendre plus d'importance dans les années futures.

Il ne faut pas perdre de vue les fluctuations du marché, liées à l’offre et la demande, qui varient bien plus vite que la croissance des arbres. Ainsi, le hêtre, essence française par excellence était très prisé il y quelques décennies, et ne vaut actuellement quasiment plus rien. Pourtant un arbre, dans l’immense majorité des cas, ne fait que se bonifier avec le temps – dans le pire des cas, on lui trouve toujours un débouché, même moins noble – donc le laisser sur pied ne coute rien en attendant une meilleure cotation. Nous ne devons pas oublier que la forêt française à été gérée par nos ancêtres depuis plusieurs centaines d’années, et que nous ne pouvons à l’échelle d’une vie humaine tout révolutionner pour  l’instantanéité d’une valeur boursière. Mais, comme il n’y a de modernité viable qu’enracinée dans la tradition, sachons tirer parti d’une ressource économique qui fait aussi la beauté de notre pays, en étant visionnaire et prudent.

Harold Blanot