Le « Made in America » : priorité d’Obama, une leçon pour la France

L’été dernier, des millions d’Américains ont été blessés en découvrant que les uniformes de leur équipe olympique avaient été fabriqués en Chine. Cet incident a posé la question de l’avenir industriel de la plus grande puissance manufacturière mondiale qui produit 18% des biens industriels mondiaux, 17 millions d’emplois dépendent, aux États-Unis, de l’industrie. Redresser ce secteur est désormais la priorité du pays.

La priorité de l’administration Obama

« Notre première priorité est de faire de l’Amérique un aimant pour les nouveaux emplois et les nouvelles industries. […] Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour rapatrier des emplois industriels dans votre pays et votre pays fera tout pour vous aider à réussir ». Dans son dernier discours de l’Union, le Président Obama a rappelé que l’industrie américaine avait créé 500 000 emplois ces trois dernières années, il a aussi annoncé le lancement de trois pôles industriels où les entreprises seraient liées aux ministères de la défense et de l’énergie. Le président a aussi demandé au Congrès son soutien dans la création de 15 pôles supplémentaires pour garantir que la prochaine révolution industrielle s’effectue aux Etats-Unis. En rappelant les succès de la restructuration de l’industrie automobile aux Etats-Unis, le président américain a ainsi proposé une série de mesures pour soutenir la production industrielle, éviter les délocalisations et encourager les relocalisations :

–    la suppression des crédits d’impôts pour les entreprises qui s’implantent à l’étranger et en retour offrir un soutien à celles qui relocalisent ;
–    la fusion des aides existantes pour soutenir la production aux Etats-Unis sur les seules entreprises industrielles ;
–    la multiplication par deux des déductions d’impôts dans le domaine de la production avancée ;
–    la création d’un nouveau crédit d’impôt pour encourager les investissements dans les collectivités les plus affectées par les pertes d’emploi ;
–    la création un crédit d’impôt  pour attirer 20 milliards de dollars d’investissement dans des systèmes de production d’énergie propre ;
–    l’amortissement à 100% de l’investissement dans des usines et équipements de production ;
–    la correction de la réglementation qui permet aux entreprises de transférer leurs profits à l’étranger.

Dans un registre plus offensif, Obama a annoncé la création d’une Unité de Contrôle Commercial qui sera chargée de déterminer les pratiques commerciales déloyales de certains pays, notamment la Chine et qui contrôlera les biens contrefaits ou ne respectant pas les normes nationales entrant aux Etats-Unis. Le Congrès sera aussi chargé de veiller à ce qu’aucune compagnie étrangère n’ait un avantage face aux entreprises américaines pour entrer sur de nouveaux marchés, comme la Russie.

Les représentants et les sénateurs démocrates soutiennent cette démarche

Le jour précédant ce discours présidentiel, Kirsten Gillibrand, sénatrice de l’Etat de New York, parfois présentée comme une possible candidate démocrate à la Présidence des Etats-Unis, avait présenté sa nouvelle proposition de loi : the Made in America Manufacturing Act. Cette législation soutenue par les milieux d’affaires (Le Center State Corporation for Economic Opportunity et la Manufacturers Association of Central New York) établirait une compétition, entre les entreprises, pour délivrer des prêts à faibles taux d’intérêt pour des industriels développant de nouvelles productions sur le sol américain. La sénatrice  souhaiterait créer plusieurs fonds fédéraux pour lancer des programmes de formations professionnelles et soutenir les industriels cherchant des salariés qualifiés. Selon une enquête américaine, 600 000 emplois industriels sont vacants parce que les entreprises ne trouvent pas de salariés disposant des compétences exigées. « Il est temps que « le Made in America » se renouvelle à New York. Les grandes industries de New York sont bien placées pour rivaliser avec la concurrence mondiale, innover, créer de la croissance dans les secteurs industriels d’avenir, lancer de nouvelles entreprises et créer des emplois ici, où nous avons besoin d’elles » a déclaré la sénatrice.

Les actions locales pour le renouveau industriel

Au niveau local, il y a déjà plusieurs résultats de cette politique industrielle. Dans l’Ohio certaines prévisions indiquent que d’ici 2020, la valeur des marchandises fabriquées, dans l’Etat, augmentera de presque 40 %, en distançant le taux de croissance national grâce aux nouvelles industries de la région, celles liées aux produits chimiques notamment. En Caroline du Nord, malgré quelques licenciements récents, l'emploi industriel de l'Etat continue d’augmenter  et atteint son record, après 16 ans de perte d’emplois. La réduction de la part de l’industrie à faible valeur ajoutée a été compensée par une augmentation de la part des industries de haute technologie. La Géorgie ou l’Etat de New York voient leur économie industrielle croître pour la première fois depuis sept mois.

Les Démocrates et les Républicains rassemblés

Les Républicains partagent largement cet objectif. Le représentant républicain Lee Terry, Président de la Sous-commission de la Chambre des représentants pour l’énergie, le commerce et l’industrie, même s’il critique la politique fiscale de l’Administration Obama, en parlant du fardeau des taxes, défend avec vigueur le « made in america ».  « En tant que président de la commission [il] veut trouver des solutions bipartisanes pour améliorer le climat industriel, aux Etats-Unis, assurer la croissance économique, attirer les investissements et créer des emplois américains. Le « Made in America » doit être la fierté de tous les américains. », affirme-t-il. Le représentant souhaite définir une nouvelle stratégie gagnante pour l’industrie, pour maintenir le leadership des Etats-Unis et le retour des emplois industriels sur le sol national. Cette stratégie devrait inclure un système de taxe plus compétitif, des salariés mieux formés, et une politique commerciale pour ouvrir les marchés étrangers et diminuer les barrières douanières. Dans le secteur énergétique, la production nationale doit être valorisée pour faire en sorte de diminuer le cout de l’énergie. Pour les Démocrates comme pour les Républicains, l’industrie créé des emplois rémunérés, permet les innovations technologiques, et renforce la sécurité nationale et génère plus d’activité économique qu’aucun autre secteur. Les Républicains et les Démocrates considèrent le soutien à l’industrie américaine comme leur priorité politique.

Au-delà de la question fiscale qui divise les deux partis américains, il y a une volonté commune de renforcer l’industrie américaine. Pour les Républicains comme pour les Démocrates la priorité, est la promotion du « made in america ». En France, la situation est inversée, les deux partis sont divisés sur des questions secondaires ou sociétales, parlent de réindustrialisation, mais limitent souvent le débat de l’avenir industriel à la fiscalité ou au cout du travail. Les initiatives d’Arnaud Montebourg, peut-être maladroites mais qui ont pour ambition de promouvoir le « made in France », ont été moquées par plusieurs responsables politiques. Si la France veut une réelle stratégie de réindustrialisation, ses élites politiques doivent se rassembler sur l’essentiel : la puissance économique par l’industrie.

Rémy Berthonneau