Un conflit juridique oppose Gazprom et l’Union Européenne.
Depuis septembre dernier, la Commission Européenne a lancé une enquête de grande ampleur, dans le cadre de sa législation anti-trust, contre le géant russe et ses actions en Europe. La Commission Européenne enquête sur trois cas de violation des règles de la concurrence en Europe:
- Gazprom aurait divisé les marchés du gaz en rendant plus difficiles les fournitures libres dans les pays de l'UE. La Russie fournit son gaz aux pays européens à des tarifs différents, favorables à l’Allemagne par exemple.
- La compagnie empêcherait une diversification des fournitures de gaz.
- Le groupe aurait pu fixer des tarifs injustes pour ses clients en les associant aux cours du pétrole.
S'il était prouvé que la compagnie a transgressé la législation de l'UE, l’Union européennepourrait exiger une amende (de 10 à 30 % du chiffre d'affaire annuel sur la vente du gaz dans les pays visés, ce qui se chiffre en milliards d’euros) ainsi qu’une révision des contrats à long terme pour la fourniture de gaz dans plusieurs pays européens.
En Russie, Gazprom est aussi critiquée. En septembre dernier, Igor Artemiev, le chef du service anti-monopole, l'a qualifiée de « compagnie inefficace », qui devrait« mettre de l'ordre dans ses affaires ». « Gazprom fait face à de sérieux problèmes financiers », soulignait récemment la banque VTB Capital.Ian Bremmerprésident de l’Eurasian Group, écrivait récemment, que 60% du gaz vendu par Gazprom l’est en Russie, et à pertes. En septembre, Vladimir Poutine a cependant pris un décret pour refuser que Gazprom ne donne des informations à la Commission Européenne sur ces activités en Europe, sans l’accord du gouvernement russe.[1]
Pour Gazprom, le lancement d'une enquête formelle ne signifie pas toutefois que le groupe est coupable d'une violation de la loi antitrust de l'UE. Gazprom s'est déclarée favorable à une coopération avec la Commission européenne et son ouverture à la poursuite du dialogue et parle d’une possible baisse des prix.
Cette initiative européenne contre Gazprom, se situe dans un contexte où les rapports de force énergétiques se complexifient, alors que l’exploitation des gaz de schiste pourrait réduire la dépendance de l’UE pour le gaz russe et le niveau du prix du gaz aujourd’hui lié à celui du pétrole. L’Union européenne estime ainsi être dans une position de force et pourrait dicter ses conditions à Gazprom.
Mais s’il s'avérait qu'il n'y ait aucun surplus de gaz, et que le système des contrats à long terme avec l'UE était rompu en raison des sanctions contre Gazprom, les contrats à court terme sur le gaz pourraient s'avérer plus chers pour l'UE que ne l'est aujourd'hui le gaz russe. Et cela alors que l’Union européenne reste soumise aux intérêts de ses Etats membres qui préfèrent pour certains, c’est notamment le cas de l’Allemagne, la signature de contrats bilatéraux profitables avec Gazprom plutôt que l’établissement d’un rapport de force avec le groupe russe.
Rémy Berthonneau
[1]Décret présidentiel du 11 septembre 2012, relatif à la défense des intérêts de la Russie dans l’économie internationale, http://www.kremlin.ru/acts/16463