Peut-on croire à l’ouverture de l’économie cubaine ?

Arrivé au pouvoir en 2008, Raul Castro a remanié le gouvernement de l’île et lancé le pays dans des réformes économiques. Pourtant le pays reste encore loin d’une transition vers l’économie de marché.

Depuis l’effondrement de l’URSS en 1991, Cuba a dû renoncer aux subsides soviétiques et compter sur ses propres forces. Se transformant en véritable « poumon économique », le tourisme a permis au  régime de  faire entrer des devises étrangères et de stabiliser l’économie. En le confrontant à un grave problème de liquidités, la crise de 2008 a également contribué à faire évoluer le modèle cubain. Remplaçant son frère à la tête de l’Etat la même année, Raul Castro opère un remaniement ministériel dès 2009 dans le but de définir une nouvelle politique économique sans remettre pour autant en cause les fondements du régime socialiste.

Les hommes forts du régime

Dans le paysage politique cubain, la plus haute autorité revient au conseil d’Etat que préside le frère du leader Maximo. Ayant pour mission de représenter l’Etat à l’assemblée nationale du pouvoir populaire et de proposer des projets de loi, cette instance définit les grandes orientations politiques de l’île et gouverne à  grand renfort de décrets-lois. Généralement très orthodoxes, les membres de la direction, issus pour la plupart de l’armée révolutionnaire comme José Machado Ventura (83 ans) et Ramiro Valdès Menendez (81 ans), sont tous des hommes de confiance de la famille Castro. Son vice-président, Miguel Diaz Canel Bermudez, numéro deux du régime et successeur potentiel de Raul, est réputé très hostile au libéralisme, ainsi qu’aux Etats-Unis, et n’hésite pas à marquer son opposition à l’encontre des réformes économiques.

Le conseil d’Etat, dont les membres ont la lourde tâche d’assurer la permanence idéologique du régime, n’est pas partie prenante dans les changements que connait l’île. La réforme progressive du modèle incombe aux membres du gouvernement qui siègent au sein du conseil des ministres, également dirigé par Raul Castro et Miguel Canel Bermudez.

Les acteurs du changement

Parmi les six vice-présidents du conseil des ministres figurent deux responsables économiques. Le premier, Marino Murillo, ancien ministre de l’économie (2009-2011), est en charge du développement de la politique économique. A l’origine des réformes, ce communiste réputé orthodoxe souligne la nécessité de la privatisation de certaines activités de services comme les salons de coiffure et les taxis. Insistant sur le caractère conjoncturel et exceptionnel de ces réformes, ce quinquagénaire a même déjà exprimé son hostilité à l’égard des économies mixtes comme le socialisme de marché à la chinoise ou l’ouverture commerciale du Vietnam. Au sein du conseil, il collabore avec Adel Yzquierdo Rodriguez (65 ans), ancien ingénieur, chef d’entreprise et responsable politique local aujourd’hui ministre de la planification.

La politique d’ouverture économique a été facilitée par l’action de ministères stratégiques, comme celui de l’investissement et du commerce extérieur (MINCEX), présidé par Roberto Malmierca Diaz, dont la mission consiste à organiser les relations économiques et commerciales avec l’étranger via le service de la direction générale du commerce extérieur et la direction générale de l’investissement étranger. A la tête de l’activité la plus stratégique pour l’île, Manuel Marrero Cruz (49 ans), est responsable du tourisme. L’ancien président de Gaviota, le plus grand groupe du secteur touristique cubain avec plus de 30% des chambres d’hôtel de l’île, a pour mission de favoriser les investissements étrangers dans ce secteur. Au sein du ministère du tourisme (MINTUR), il supervise trois vice-ministres respectivement en charge des investissements, des négociations et des relations internationales. Pour parfaire sa mission, le ministère possède un réseau d’agences implantées en Europe de l’ouest, au canada, au Brésil, en Argentine et en Russie.

Ernesto Medino Villaveiran, autre personnage central, a été également appelé à la tête de la banque centrale de Cuba en 2009. Cet ancien licencié en économie et directeur de la banque financière internationale de l’île remplace Francisco Soberon Valdès qui démissionne à 69 ans sans avoir réussi à conjurer les effets de la crise financière.

L’ouverture économique n’a pas remis en causes les principes du socialisme à la cubaine. Face à la crise financière que connait Cuba depuis 2008, la politique de libéralisation voulue par Raul Castro, et confirmée lors du 6ème congrès du parti communiste cubain, est synonyme de la survie du modèle. Le conseil d’Etat, dont la fonction relève à la fois du stratégique et du symbolique, tente de conserver les principes révolutionnaires de 1959, alors que dans le même temps le conseil des ministres met en place des politiques visant à ajuster le modèle aux nouvelles nécessités économiques.

Olivier CLEMENT