La Chine s’effondre-t-elle ?

Autrefois acclamée pour la rapidité de son développement et de sa croissance, la Chine doit faire face depuis 2014 à un ralentissement économique qui inquiète les spécialistes. L’avenir du pays sera-t-il aussi glorieux que prévu ?

Les prévisions concernant la croissance chinoise pour 2015 sont d’environ 7 %, soit le taux le plus faible depuis1990. La Chine subit l’environnement économique morose dans les autres pays mais aussi la faiblesse de sa demande intérieure, dont l’accroissement constitue un pilier important de sa politique. Pékin ne peut plus nier le net ralentissement de la croissance et tente de trouver un nouveau modèle de développement pour le pays qui semble à bout de souffle.

Une industrie en perte de vitesse

La croissance industrielle d’un pays est calculé par le PMI (Purchasing Managers Index, ou Indice des Directeurs d’Achats). Ce pourcentage reflète la confiance des directeurs d’achats et il est divisé en différents indices : celui de l’activité globale, des services, de la production manufacturière et de l’industrie manufacturière. Un indice supérieur à 50 indique une expansion de l’activité dans un secteur, et à l’inverse, un indice inférieur annonce une contraction de l’activité. Plus il s’éloigne de 50, plus l’expansion ou la contraction est importante. Le PMI est considéré comme l’indice économique le plus pertinent et permet également de prévoir les évolutions de PIB sur le court terme.

En avril 2015, l’indice manufacturier était de 48,9, son plus bas depuis avril 2014. Par ailleurs, depuis un an et demi, les emplois manufacturier sont en baisse. Cela résulte d’une diminution de la demande, qui elle fait suite aux difficultés économiques des autres pays. La Chine subit de plein fouet les conséquences d’une demande intérieure toujours trop faible. Cependant, on note depuis quelques mois l’amélioration du PMI des services : après 52,3 en mars, il passe à 52,9 en avril (données HSBC/Markit). Le secteur tertiaire est en effet devenu le plus important de l’économie chinoise.

Les importations ont également diminuées en avril, signe que la demande intérieure est toujours en baisse. Il en est de même pour les exportations, qui elles subissent les revers de la chute de l’euro, rendant les produits chinois plus chers pour l’Europe. En mars, le premier ministre a annoncé le repositionnement de l’économie sur les produits haut de gamme et l’amélioration de la consommation intérieure.

Une bulle immobilière bien présente

Après des années de surchauffe, le secteur immobilier en Chine subit en 2014 une chute vertigineuse. Le prix des logements neufs à diminué de 5,7 % sur un an en février, laissant sur le carreau plusieurs promoteurs. Certains annoncent même vouloir concentrer leur activité à l’international afin de s’éloigner des risques liés au marché intérieur.

Avec une bulle immobilière au bord de l’éclatement, la banque centrale chinoise use de mesures d’assouplissement du crédit, et allège les conditions d’achats d’un second logement (ou plus). Cependant, il est toujours difficile pour une grande partie de la population d’accéder à la propriété. La corruption reste également présente dans ce secteur, que ce soit au niveau des gouvernements ou des banques de l’ombre. 

Un modèle qui s’essouffle

Il s’avère que la Chine fait ce qu’elle a toujours su faire : la copie. Copier des produits innovants (smartphones, ordinateurs, voitures) n’entraîne pas de facto de l’innovation. Or, c’est ce qu’il faudrait à la Chine pour continuer sur la voie de la croissance et du « renouveau » économique : innover. Suite à de nombreux rachats d’entreprises étrangères et de multiples joint-ventures, la Chine a accès à un large panel de brevets, elle dispose d’ingénieurs qualifiés, de moyens financiers importants mais malgré cela elle innove peu par rapport à ses capacités technologiques et de main-d’œuvre. A voir les « fleurons » chinois : Alibaba, Tencent, Xiaomi, Lenovo, Haier, etc, le pays renouvelle à bas prix des technologies déjà existantes et qui ont fait leur preuve ou bien il se focalise sur le e-commerce, peu prometteur en terme d’innovation pure et qui reste encore difficle à exporter du fait de fortes disparités culturelles.

Un avenir incertain ?

Par ailleurs, en termes sociétal Pékin fait de plus en plus face à des contestations de la part de la population. Mais plutôt que d’accorder davantage de libertés, celles-ci sont toujours plus restreintes. En témoignent l’interdiction de véhiculer les valeurs occidentales, jugées inconstitutionnelles et illégales, ou encore l’accès à un internet limité et presque exclusivement chinois. Depuis quelques mois en effet, Google et Gmail ne sont plus du tout accessibles en Chine.

De plus, l’émergence d’une classe moyenne voyageant, emmenant ses enfants étudier à l’étranger fait apparaître chez cette tranche de la population, un esprit critique vis-à-vis de leur propre pays. Ce n’est pas anodin si les fonctionnaires hauts placés de l’État cherchent à obtenir des passeports américains ou australiens.

La banque centrale chinoise dispose des ressources financières nécessaires pour lutter contre les tensions déflationnistes et encourager l’investissement des entreprises. C’est un processus qui demande du temps, et la période de grande prospérité économique du pays est bel et bien terminée. Pékin tient à orienter la croissance sur le domaine des services et les exportations. Pour ce dernier objectif, il est important que le pays puisse proposer des produits haut de gamme et innovants, qui lui permettront de concurrencer d’autres puissances. Pour l’instant, de nombreux étudiants chinois partent étudier l’ingénierie, le commerce, les sciences à l’étranger. La question est de savoir s’ils rentreront au pays avec des idées brillantes ou s’ils mettront leurs compétences au profit des pays d’accueil.  

Elodie Le Gal