Pour de nombreux experts, l’impression 3D sera une des grandes révolutions technologiques et industrielles de ces prochaines décennies, notamment au regard de nos méthodes de production et de consommation. Mais au-delà de l’aspect industriel, l’impression 3D pourrait être un formidable vecteur d’influence culturelle, notamment pour un pays à fort patrimoine comme la France.
L’impression 3D pourrait réorienter une économie intensive en travail, où le coût est central, vers une économie intensive en créativité où chacun pourra créer chez lui ce qu’il veut.
L’émergence d’une nouvelle économie de la créativité aura des répercussions sur les modèles économiques de demain, y compris à l’exportation.
Ainsi, un bon produit pourra rapidement voir son design exporté à l’autre bout du monde, par le biais non pas du produit fini lui-même mais de sa modélisation informatique virtuelle, révolutionnant du même coup les besoins en logistiques d’exportation. Un véritable marché de ces « schémas imprimables » constituerait une source de bénéfices exponentiels, et probablement un lieu de bataille futures au regard de la concurrence.
En termes purement esthétiques, le spécial deviendra la règle et les individus mettront probablement un point d’honneur à posséder des objets originaux chez eux. Une poignée de designers « stars » émergeront et exporteront de par le monde leurs créations. Etant constitué sur des modèles économiques de petites quantités, et dont les prix sont très élevés, ce marché offre des perspectives alléchantes notamment dans le luxe et le design.
La France jouit d’une image de marque à l’étranger dans le domaine de la culture, du luxe et du raffinement.
L’impression 3D pourrait être un nouveau vecteur d’expansion de ce « made in France ». Des couturiers ou orfèvres du luxe ont déjà saisi ces formidables opportunités, à la fois créatives et financières. Certains s’inscrivent dans une démarche volontairement participative. Par exemple, un magasin de meubles design à Amsterdam permet de choisir son meuble sur catalogue, avec de nombreuses possibilités de customisation. Ceux-ci sont ensuite imprimés sur place. Le choix dans l’offre pour ces enseignes est donc immense et faible en contraintes. En effet, si le produit ne plait pas, il ne sera jamais fabriqué. A l’heure où la standardisation envahit l’ameublement au travers des chaînes comme Ikea, ce positionnement pourrait ravir les clients et les designers.
Au-delà d’une diffusion du luxe et du design, source d’influence culturelle majeure tellement ces domaines sont liés à des images de marques, l’impression 3D pourrait aussi devenir un vecteur de diffusion de la culture.
Le concept d’e-musée prend ainsi de l’ampleur. De plus en plus d’institutions mettent en place des expositions virtuelles, mais également désormais des reproductions 3D d’éléments disparus. C’est le cas par exemple, de la Smithsonian Institution qui propose des schémas téléchargeables imprimables en 3D d’un grand nombre de pièces de musées d’art, de science et d’histoire. D’autres structures, comme l’atelier Lithias qui s’est récemment installé au cœur de l’abbaye de Cluny, participent à la sauvegarde de notre patrimoine et à sa préservation. Des pièces de collection abîmées sont ainsi remplacées par des modèles imprimés en 3D, le temps de leur restauration.
Permettre à chacun de télécharger et d’imprimer chez soi, ou par l’intermédiaire de Fab Labs, des pièces artistiques ou de collections, constituerait une voie nouvelle de promotion et d’expansion des patrimoines culturels, ainsi que de l’éducation des individus. L’art ne se cantonnerait plus à des salles d’exposition mais serait accessible à un bien plus large public, y compris dans le cadre de la sphère privée. Là encore, la France a une carte à jouer. Pouvant revendiquer une culture séculaire, qui rayonne toujours autant à l’international, elle devrait profiter des opportunités qu’offre la fabrication additive pour l’exportation et la promotion de sa culture.
Toutefois, ces opportunités peuvent entrainer l’émergence de nouveaux risques liés à la propriété intellectuelle
L’ouverture de l’impression 3D dans les musées est un bon exemple pour illustrer les problématiques liées à cette question. En effet, alors que les imprimantes 3D s’ouvrent au grand public, la sphère digitale propose de plus en plus d’outils numériques, notamment via les Smartphones, pour scanner les objets. Ces applications permettraient ainsi à terme de créer des banques de données personnelles d’objets à imprimer chez soi.
Si ces outils sont encore à leurs balbutiements l’on imagine bien les risques qu’ils peuvent représenter, notamment dans l’art et la contrefaçon. S’il devient aussi simple pour un faussaire de se rendre dans un musée, de scanner une œuvre, pour ensuite l’imprimer en toute sécurité chez lui, les perspectives sont inquiétantes. Bien-sûr, les experts décèleront très rapidement la copie.
Toutefois, cette technologie pourrait être étendue à des produits dérivés, qui ne se prétendent pas être une œuvre originale, mais qui s’en inspire. Les risques en termes de copyright et de droits d’auteur se rapprochent ainsi des problématiques de diffusion en ligne de certaines pièces des collections des musées.
L’inquiétude latente qui se profile, y compris dans l’industriel, est celle d’une propagation à grande échelle, des problématiques liées au copyright qui sont apparues dans le monde de la musique et du cinéma, avec l’avènement du MP3 et du téléchargement illégal. Pour l’heure, la création des plans nécessaires à l’impression 3D nécessite encore une certaine expertise dans le numérique et la modélisation informatique, ce qui limite les risques. Toutefois, le caractère quasi incontrôlable des plateformes d’échange sur Internet et la grande perméabilité de la sphère numérique avec tous les domaines de la société restent une source d’inquiétude.
Johan CORNIOU-VERNET
Pour aller plus loin :
– Impression 3D et marché de l’armement : un mariage à risques ?