Le Portail de l’IE reproduit la tribune d’Alexandre Medvedowsky et Alain Juillet publiée le dimanche 22 février 2015 dans le Journal du Dimanche.
Alain Juillet est le président du Club des directeurs de sécurité des entreprises, ancien haut responsable à l'intelligence économique. Avec Alexandre Medvedowsky, le président d'ESL & Network et président du Synfie, il milite pour plus de sécurité contre l'espionnage industriel.
Sous la pression de la presse et des ONG, essentiellement anglo-saxonnes, Emmanuel Macron a retiré de son projet de loi "croissance et activité" la disposition prévoyant d'instaurer le secret des affaires en vue de protéger les entreprises françaises contre l'espionnage industriel. Ce recul est un mauvais coup porté à la sécurité de nos entreprises et à l'emploi de demain.
Le débat sur la liberté d'informer, dont la légitimité ne fait aucun doute et dont le respect était clairement inclus dans les dispositions envisagées, a fini par occulter le premier enjeu de cette affaire : comment protéger nos entreprises contre l'espionnage industriel, le harcèlement juridique, le vol de données confidentielles ou de brevets, l'atteinte à l'image ou encore le détournement de savoir-faire.
La révolution des technologies de l'information et le dévoiement des pratiques concurrentielles les exposent en permanence au risque de voir leurs données détournées, leurs programmes de R&D captés, leur patrimoine immatériel pillé. Imprimantes 3D, Internet des objets, applications pour mobile, procédés marketing innovants sont autant de secteurs où nous comptons parmi les acteurs mondiaux les plus en pointe ; autant d'entreprises exposées par l'absence de législation nationale sur le secret des affaires.
"Dans la quasi-totalité des pays occidentaux, les sociétés disposent de protections plus efficaces"
Grâce aux lois rigoureuses mises en place dans la quasi-totalité des grands pays occidentaux, beaucoup de leurs concurrents disposent de protections autrement plus efficaces. Dans le même temps, les moins éthiques peuvent faire leur marché chez nous sans risque et sans contraintes. Certaines se sont même octroyé un droit de regard sur leurs concurrents : les lois américaines obligent les entreprises européennes et les filiales de sociétés américaines installées à l'étranger ayant une activité outre-Atlantique à divulguer toute information susceptible de faciliter l'établissement de preuves en cas de procès. Mieux encore, elles permettent d'y implanter un contrôleur pour vérifier l'application de leurs lois comme l'ont découvert, à leurs dépens, Total, BNP Paribas, Alstom…
Au nom d'un libéralisme naïf n'ayant plus cours hors de nos frontières, la France ne dispose pas à ce jour, en dehors de la Défense, d'un dispositif de protection de son patrimoine technologique à la hauteur des enjeux mondiaux posés par la compétition économique. Entre janvier 2012 et mai 2013, une évaluation au sein de l'UE a montré qu'au moins 20 % des entreprises européennes auraient subi une tentative d'appropriation illicite de secret d'affaires. Et 25% ont signalé un vol d'informations confidentielles en 2013, contre 18% en 2012.
Le gouvernement a indiqué qu'il allait présenter un nouveau texte. Il va devoir pour cela réussir à définir rapidement un nouvel équilibre acceptable, tout en restant efficace, entre le souci légitime de préserver la transparence et la nécessité absolue de protéger les intérêts des entreprises. C'est la clé de la pérennité de notre industrie, du développement de notre capacité d'innovation et surtout de l'emploi de demain.