Suite à la chute des cours du pétrole amorcée en 2014, les pays membres de l’OPEP et autres pays producteurs non membres se sont réunis à Doha, au Qatar, le 17 avril 2016 afin de trouver une issue à cette crise, paralysant leurs économies.
La réunion du 17 avril intervenait un an après celle des membres de l’Association des Producteurs de Pétrole Africain (APPA), hautement concernés par cette situation et ses impacts. Largement dépendant de l’or noir, les membres de l’APPA doivent faire face à une économie déclinante.
Les raisons de la chute du prix du baril
En novembre 2014, alors que la production de pétrole non conventionnel, dont le pétrole de Schiste américain, connaît une forte augmentation, pour des raisons essentiellement géopolitiques, l’OPEP décide de ne pas réduire sa production de pétrole, conduisant à une situation de surproduction sur le marché mondial. L’objectif dans cette stratégie est de défendre la part de marché de l’OPEP et particulièrement de l’Arabie Saoudite, face au retour de l’Iran sur le marché et face au pétrole de Schiste américain, véritable concurrent. La surabondance de l’offre a entrainé une baisse des prix considérables avec un prix du baril aux alentours de 100$ début 2014 pour un prix à 30$ à la fin 2015.
Cette stratégie a fait très mal aux producteurs ayant les coûts techniques les plus élevés, et par conséquent besoin d’un prix élevé du baril pour maintenir un certain taux de rentabilité. Tel est le cas des Etats-Unis ou du Canada, obligés de fermer des puits et réduire les investissements. Cette politique a également eu des conséquences sur ses initiateurs. Les pays du Moyen-Orient peinent à couvrir leurs dépenses. Mais ce sont aussi et surtout tous les pays exportateurs de pétrole qui sont touchés par cette situation, notamment les pays africains.
Les impacts sur les pays africains
Les économies africaines se sont depuis quelques décennies largement tournées vers l’exportation d’hydrocarbures du fait des progrès d’exploration, d’une fiscalité attractive et d’une compétitivité mondialisée de la part des groupes pétroliers.
Le continent regroupe à lui seul 1/3 des nouvelles découvertes sur les cinq dernières années avec dix-huit pays enregistrés comme exportateurs nets de pétrole. La production de pétrole africaine représente environ 12% de la production mondiale.
Créée en 1987 à Lagos (Nigéria), l’APPA compte 18 pays membres, détenant presque la totalité des réserves et de la production de pétrole et de gaz du continent. Son objectif est la coopération et la collaboration en matière de politiques et de stratégies de gestion dans tous les domaines de l’industrie pétrolière.
Face à la chute des prix de l’or noir, les pays membres de l’APPA, réunis en avril 2016, ont appelé à une baisse de la production de pétrole afin de stabiliser les cours sur le marché mondial, dont la chute a des conséquences néfastes sur leurs économies. En effet, pour ces pays, la manne pétrolière représente une part de revenus importantes et souvent nécessaires à leur croissance économique.
La chute des prix du pétrole a entrainé une baisse de la croissance économique de tous les pays africains pétroliers. Ayant des économies peu diversifiées, les membres de l’APPA sont davantage touchés par les chocs exogènes qui impactent les cours du pétrole. Dans les 18 pays, la baisse des prix a eu des effets récessifs. Ces pays subissent la chute des devises, le recul de leurs ressources budgétaires et donc de leurs niveaux d’investissement dans les infrastructures, BTP, hôtellerie, mais aussi dans la transition énergétique, induisant un ralentissement de la croissance de leur PIB.
L’agence de notation Moody’s estime par exemple, qu’en pourcentage du PIB, les recettes du Gabon ont chuté de 4,5 points entre 2013 et 2015, passant ainsi d’un excédent budgétaire de +1,8 % du PIB en 2013 à un déficit de -2,2 % en 2015.
La baisse des cours les a contraint à revoir leurs projections budgétaires, lancer des réformes économiques et restreindre les dépenses nationales dans le secteur, par mesure de prudence, ce qui s’avère plutôt positif.
Les autorités nigérianes ont lancé une opération anti-corruption dans le secteur pétrolier engendrant la dissolution du conseil d’administration de la compagnie pétrolière nationale (NNPC) et l’ouverture d’une enquête sur la disparition de 19 milliards USD que l’Etat aurait dû percevoir de la NNPC.
Au Gabon, le gouvernement a mis un terme à la subvention des hydrocarbures raffinés dont la charge représentait 200 à 300 milliards FCFA dans le budget de l’Etat. Toutefois, le choc est rude et persiste. Malgré l’appel de l’APPA, la production n’a pas baissé et les cours du pétrole restent très bas.
Pesant pour la majorité des recettes publiques, la chute des cours du pétrole pourra certainement entrainer des risques de crise sociale, si elle se poursuit. Un maintien durable des niveaux actuels des cours, entrainerait certainement une augmentation du taux de chômage, la baisse du pouvoir d’achat des ménages et donc un recul de la consommation et enfin une dégradation des services sociaux.Anticipant des effets dévastateurs, le Nigéria, premier pays producteur et exportateur d’Afrique en est venu à demander, début janvier, une réunion extraordinaire de l’OPEP pour réduire la production et faire remonter les prix.
Avec un accord en février, l’Arabie saoudite, chef de file de l’OPEP, ainsi que la Russie, le Qatar et le Venezuela s’étaient entendus sur le fait que la guerre des prix était devenue ingérable et qu’il fallait y mettre un terme. Ce changement de politique, bénéfique pour la relance des prix (hausse de 50% suite à l’annonce) et donc pour l’économie des pays pétroliers africains, devait être confirmé à Doha.
L’échec de Doha
Réunis à Doha le 17 avril 2016, les pays membres de l’OPEP ainsi que les pays producteurs non membres ne se sont pas entendus sur une issue à la crise des prix du pétrole. La solution prévoyant un gel jusqu’à octobre de la production de brut à ses niveaux de janvier, à même de relancer les prix, n’a pas été retenue.
La tenue de cet événement et le bon déroulement des négociations pour mettre un terme à la situation dépendaient largement de la présence de l’Iran, rival inconditionnel de l’Arabie Saoudite, de retour sur le marché pétrolier. Le vice-prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, avait d’ailleurs assuré que le royaume ne gèlerait sa production que si l’Iran le faisait également. L’Iran a néanmoins fait savoir qu’il n’enverrait aucun représentant à la réunion, limitant ainsi la portée d’un tel événement.
Enfin délivré des sanctions internationales à son égard, l’Iran désire retrouver sa place sur le marché pétrolier, et en ce sens ne renoncera pas à son quota de production historique, à l’époque élevé.
Dans ces conditions de blocage, le Sommet de Doha s’est soldé par un échec provoquant une rechute des prix de l’or noir à environ 2,5% avant de reprendre timidement en fin de journée le 18 avril. Le baril WTI (type de pétrole brut d’Amérique du Nord, utilisé comme standard dans la fixation du prix du brut) perdait plus de 5% par rapport au jour précédant la réunion.
Cette situation durable aura des conséquences d’autant plus importantes sur les pays africains qui doivent désormais prendre en compte et faire face à de nouveaux défis pour se redresser économiquement face à ces déconvenues. Le meilleur remède face aux fluctuations des cours semble être la diversification des économies de ces pays.
Enjeux pour les pays africains
Un consultant pour le Programme des Nations Unies (PNUD) l’affirme, « c’est peut-être le moment d’assurer au continent davantage d’indépendance structurelle face au marché pétrolier » et de lancer l’Afrique dans un développement qui passera au vert.
L’importance de la diversification étant démontrée face à cette situation, le potentiel en la matière, et la nécessité pour les pays africains de faire face aux enjeux climatiques, donnent aux gouvernements le moyen de saisir une occasion extraordinaire, permettant d’assurer une croissance à long terme, contrairement à ce qui pourrait être envisagé.
Dans les pays africains exportateurs de pétrole, le resserrement des dépenses doit se concentrer sur les dépenses non prioritaires, bien qu’une baisse de l’investissement public soit inéluctable. Chaque gouvernement doit en outre travailler à la mise en place de protections sociales afin de prévenir le déclenchement de crises pouvant avoir un impact sur la stabilité des Etats.