La question du renouvellement du parc nucléaire français vieillissant est influencée par la catastrophe de Fukushima, par la loi sur la transition énergétique, les enjeux environnementaux, les énergies renouvelables, l’évolution technologique symbolisée par les smart grids et les avancées de la maîtrise de l’énergie nucléaire. Cet ensemble de facteurs influe les futurs choix du décideur politique.
État des lieux du parc nucléaire français et des choix gouvernementaux
La part d’énergie d’origine nucléaire était de 76,3 % en 2015 en France. La part des énergies renouvelables a atteint 16,2 %. La production d’électricité est dépendante et majoritairement dominée par l’atome.
La loi de transition énergétique va se traduire par une baisse de la part de l’électricité produite, de 75 % à 50 %, grâce à l’énergie nucléaire en France d’ici 2030. La France est dans l’immédiat confrontée au vieillissement de son parc nucléaire lequel nécessite un remplacement ou bien un rallongement de sa durée de vie. C’est le second choix qui l’emporte comme le rapporte l’actuel directeur D’EDF, Jean-Bernard Lévy. Le coût de cette opération est fixé à 51 milliards d’euros et devrait porter le rallongement de dix, vingt ans voire plus.
Une énergie garante de l’indépendance de la France
Le nucléaire présente de nombreux atouts que ce soit d’un point de vue économique, géopolitique ou écologique. Il ne paraît pas pertinent de s’attarder longuement sur les avantages économiques hormis sur le coût du kWh. Le coût du kWh assuré aux entreprises et particuliers est faible. Il permet un surplus de compétitivité des acteurs économiques non négligeable dans le contexte de guerre économique dans lequel sont plongés les pays industrialisés. Néanmoins, cet avantage a été progressivement mis à mal par la privatisation du secteur de l’énergie et par la Contribution au Service Public d’Electricité (CSPE). Cette contribution représentera en 2016 15 % de la facture d’un particulier (60 % de la CSPE sert à subventionner les énergies renouvelables). En d’autres termes, une part du surcoût de la facture d’un particulier sert à subventionner les énergies renouvelables.
L’énergie nucléaire permet de concourir à l’indépendance énergétique de la France. L’approvisionnement de l’uranium à l’étranger est sûr : les sources sont diverses et les partenariats fiables.
Enfin, l’énergie nucléaire ne dégage que très peu de CO2. On table entre 6 g de CO2 par kWhet 60g/KWh. Sur ce point les études divergent, mais les plus critiques quant à l’émission de CO2 classent le nucléaire un peu au-dessus de l’éolien et du photovoltaïque. Il est néanmoins permis de douter de leur crédibilité étant donné qu’elles proviennent d’associations résolument hostiles à l’énergie atomique.
Comparé aux énergies renouvelables, le nucléaire présente donc de nombreux avantages. Les énergies renouvelables (l’éolien et le solaire) présentent trois gros inconvénients à l’heure actuelle : l’intermittence de l’énergie (dépendance aux conditions climatiques) qui se traduit par la faible capacité de production c’est-à-dire que le facteur de charge — rapport entre l’électricité produite sur une période et la capacité de production optimale sur une période — est faible : de l’ordre de 25 % pour l’éolien et de 13 % pour le solaire [viii]. L’intermittence des énergies renouvelables ne leur permet pas de fournir suffisamment d’énergie aux heures de haute consommation (matin et soir). Enfin, le coût de l’énergie (énergie subventionnée) est supérieur aux autres.
De ce fait, vouloir à tout prix augmenter massivement leur part dans le mix électrique risque de provoquer des effets pervers comme : se retrouver contraint d’utiliser les énergies fossiles polluantes pour pallier le manque d’électricité produite. C’est exactement dans cette situation que se situe l’Allemagne avec la fermeture de ses centrales nucléaires et une augmentation massive des énergies renouvelables qui ont entraîné la réutilisation de centrales à charbon avec pour conséquence directe la pollution et les rejets massifs de CO2.
Perspectives pour l’atome face à un futur imprévisible :
Les prévisions de consommation d’électricité apparaissent critiquables : elles ne prévoient qu’une faible hausse de la consommation électrique, car elles n’anticipent qu’une croissance de l’ordre de 1,5 % à 1,8 % par an en moyenne. La consommation d’électricité reste fortement corrélée à l’évolution de la croissance économique malgré une volonté ancienne et continue des gouvernements successifs de réduire l’intensité énergétique finale (rapport entre la consommation d’énergie et la croissance économique nationale).
De plus, de nouveaux usages : le véhicule électrique, les transports urbains, l’électronique risquent de faire augmenter la consommation électrique dans les dix prochaines années. La croissance en France est faible depuis quelques années, rien ne permet de certifier avec certitude que cette décennie « molle » continue les prochaines décennies. Au contraire, la révolution technologique en cours, qui va s’immiscer dans l’ensemble des secteurs de l’économie et a déjà commencé à redéfinir les structures économiques, est porteuse d’un potentiel renouveau de la croissance. L’objet de cet article n’est pas de porter un jugement de valeur sur la croissance économique et ses externalités, mais d’essayer d’identifier le scénario le plus crédible dans le futur. Dans cette perspective, la réduction de la part du nucléaire n’est pas pertinente comme le souligne le député Christian Bataille, voire contre-productif pour l’industrie nucléaire française.
Une autre perspective pour le nucléaire français serait le développement de centrales fonctionnant au thorium. Il présente de nombreux avantages environnementaux : gestion du risque d’incident plus simple, radioactivité moindre, gestion des déchets comprise entre 10 ans (pour 80 % du volume des déchets) et 300 ans (le reste, les 20 % restants) ce qui divise par 1000 la durée de vie des déchets radioactifs. En outre, un programme nucléaire au thorium permettrait de moduler la production avec les énergies renouvelables et donc de réduire la contrainte de l’intermittence des énergies renouvelables. Cela dit, un tel projet ne pourra pas être réalisé avant longtemps, car le développement d’un prototype puis sa production en série dure au moins une décennie.
La transition énergétique et le développement continu des innovations technologiques permettent d’envisager une potentielle révolution énergétique : le stockage de l’électricité. Nous n’en sommes encore qu’aux prémices, mais il est envisageable de prévoir un avenir où le stockage massif de l’électricité serait possible. Dès lors, les énergies renouvelables auraient toute leur place dans le mix électrique et a fortiori énergétique. Leur intermittence ne serait plus une contrainte majeure. Couplée au développement des réseaux électriques intelligents, on pourrait prévoir de recourir davantage aux énergies renouvelables et donc de baisser substantiellement la part du nucléaire dans la production d’électricité.