Donald Trump annonçait, le 8 mars dernier, l’éventuelle mise en place de droits de douane de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium importés aux États-Unis, arguant de la protection de secteurs cruciaux pour la sécurité nationale et d’une réponse à la concurrence déloyale de pro-ducteurs étrangers, notamment chinois.
Le Mexique, la Chine et l’Union Européenne (UE) tentent de répondre à ces déclarations, crispant un peu plus la situation dont la directrice du FMI, Christine Lagarde, s’inquiète ; estimant que les mesures de Donald Trump auront un impact « redoutable » sur la croissance mondiale si elles venaient à être mises en place.
Le Mexique, partie prenante à l’accord de libre-échange nord-américain ALENA avec le Canada et les États-Unis, a averti ces derniers qu’il taxerait les biens américains «politiquement sensibles » si l’acier et l’aluminium mexicains venaient à être taxés. Ildefonso Guajardo, ministre mexicain de l’Économie, a poussé la menace plus loin en précisant que le gouvernement étudiait la liste des produits qui feraient l’objet d’une taxe.
Premier producteur mondial d’aluminium et d’acier, la Chine a rétorqué par la voix du porte-parole de l’Assemblée nationale populaire et ancien ambassadeur aux États-Unis, Zhang Yesui, que « si les États-Unis prennent des mesures qui nuisent aux intérêts chinois, la Chine ne restera pas les bras croisés et prendra les mesures qui s’imposent ».
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a lancé une contre-attaque énergique annonçant « des contre-mesures concernant les droits d’importation de produits amércains, notamment Harley Davidson, le bourbon et les jeans Levi’s ». La commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a poursuivi en annonçant qu’« une liste provisoire est en discussion » et qu’elle devrait bientôt être rendue publique. Cette liste contiendrait des produits acier, industriels et agricoles, certains types de bourbon, le beurre de cacahuète, les airelles et le jus d’orange. Ces mesures pourraient entrer en vigueur sous trois mois.
Même si le Président des États-Unis peut encore reculer et tend à assouplir son discours, c’est une véritable guerre commerciale et économique avouée qui s’est dessinée à travers ces déclarations. Il est important de noter que cette guerre comporte au moins deux aspects fondamentaux. Elle est, tout d’abord, un levier politique. En effet, elle permet à l’UE de faire coup double en ripostant aux menaces économiques, mais également en visant des produits issus de sociétés situées dans des États américains favorables à Donald Trump, ce qui aurait un effet considérable sur sa cote popularité. Outre-Atlantique, Donald Trump, féroce opposant à l’ALENA, compte proposer au Mexique et au Canada des exemptions aux droits de douane s’ils acceptent la renégociation de ce traité. Second aspect : cette guerre économique met en lumière la réalité des rapports de force entre les acteurs nationaux ou régionaux, rapports de force traduisant des intérêts parfois divergents. Cette défense du pré carré national ou régional est une réalité, et justifie donc que des acteurs puissants tels que les États-Unis, la Chine ou l’UE, prennent des mesures remettant en cause le commerce international entièrement dérégulé. C’est d’ailleurs cela qui inquiète le FMI et la banque centrale australienne. Qu’on le déplore ou non, la guerre économique est une réalité – les intérêts nationaux et communautaires ayant subsisté au marché mondial – et peut parfois servir de levier politique. Cette situation vient mettre en lumière un fait souvent oublié : la concurrence économique et/ou commerciale n’est pas exclusive aux entreprises.
Ronan Wanlin