Alors que les dirigeants des pays des Balkans occidentaux se réunissaient avec leurs homologues européens lors du sommet du « Processus de Berlin » à Tirana, le 18 octobre dernier, le président serbe Aleksandar Vučić a préféré se rendre à Pékin pour le 3ᵉ sommet des « Routes de la Soie ». Le message est fort, pour l’Union européenne, qui cherche à réduire le risque de dépendance économique à l’égard de la Chine.
Pour la Serbie, ce choix stratégique est révélateur de sa position ambiguë, entre l’Union européenne, la Russie et la Chine. Candidate officielle à l’adhésion à l’UE depuis 2012, la Serbie reste proche de la Russie tout en devenant un point d’ancrage crucial pour la stratégie chinoise des Nouvelles Routes de la Soie en Europe.
L’attrait des investissements chinois : politique moins contraignante et enjeux géopolitiques
Cette décision de Vučić s’explique par plusieurs motifs. La Serbie mise sur les investissements chinois, économiquement avantageux. Politiquement, la Chine est moins exigeante que l’UE concernant les questions sensibles, telles que la reconnaissance du Kosovo et la démocratie, ce qui arrange le régime de Vučić. Géopolitiquement, cela reflète un jeu d’équilibriste similaire à la Hongrie de Viktor Orbán, lui aussi présent au sommet à Pékin. On peut également signaler le sentiment « anti-occident » persistant en Serbie depuis les guerres d’ex-Yougoslavie, et le relatif déclin de l’attrait pour le projet européen chez la population serbe.
Les conséquences du partenariat sino-serbe : renforcement économique chinois et défis pour l’UE dans les Balkans
Les conséquences de ce choix sont déjà perceptibles : la Serbie renforce son partenariat économique avec la Chine, accentuant l’influence chinoise dans les Balkans, en particulier dans l’espace serbe, notamment via des projets d’infrastructures. Pour rappel, la Chine aurait investi 32 milliards d’euros dans la région entre 2009 et 2021. Dans cette continuité, Vučić a signé des accords de libre-échange lors de sa visite en Chine du 18 octobre. Ils incluent notamment un contrat pour l’achat de trains à grande vitesse chinoise pour la ligne Belgrade-Budapest, elle-même réalisée par l’acteur chinois. Il s’agit d’un signal important envoyé par la Serbie. D’autant plus que cela a lieu au même moment où l’UE adopte une posture plus conciliante, notamment vis-à-vis de la question du Kosovo.
En conclusion, cette situation souligne l’impératif pour l’UE de mettre en place une stratégie proactive pour retenir la Serbie dans sa sphère d’influence. Dans cette perspective, les déclarations et l’argent distribué sans objectifs tactiques ne seront pas suffisants. Il serait par exemple intéressant de limiter l’utilisation de ces aides à des appels d’offres, composés uniquement d’entreprises européennes. Tout cela devrait également pousser l’UE à se demander comment, et pourquoi son image se dégrade depuis des années dans certains pays des Balkans, en particulier en Serbie.
Jules Basset
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