Malgré le renforcement des mesures de contre-ingérence économique, la France reste vulnérable aux influences extérieures. Si certaines actions de l’État ont permis des succès et une prise de conscience collective, des faiblesses persistent : manque de moyens, de coordination ou encore de réactivité… La montée des attaques et les pertes d’entreprises stratégiques mettent en évidence les limites de la stratégie actuelle, d’autant plus que la menace évolue constamment. Pour y remédier, la France se doit donc d’adapter sa stratégie et de renforcer la coopération entre les acteurs économiques.
Une prise de conscience à l’origine de plusieurs « petites victoires »
La stratégie française s’est considérablement renforcée sur les plans administratif, doctrinal et juridique. Grâce à une action coordonnée entre de nombreux acteurs, plusieurs réussites ont été obtenues. Des entreprises stratégiques ont ainsi été protégées face aux tentatives de prédation étrangère ou à la faillite comme Photonis (devenue Exosens), spécialisée dans les technologies optiques pour les Armées, ou Segault, experte en robinetterie nucléaire. Plus récemment, le cas d’Atos illustre bien les enjeux liés à la souveraineté économique et technologique. En juin dernier, l’État a proposé de racheter les activités stratégiques de cet ancien fleuron français du numérique pour 700 millions d’euros.
Au-delà du renforcement de l’appareil d’État, une synergie croissante s’est développée entre les acteurs publics et privés pour protéger les intérêts stratégiques français. L’État a ainsi sensibilisé les acteurs économiques privés aux enjeux de souveraineté, et en réponse, la majorité des grandes entreprises françaises ont intégré des structures d’intelligence économique ou collaborent désormais avec des cabinets spécialisés. L’adoption de ces outils et méthodes d’intelligence économique a permis de remporter plusieurs succès, décrits dans le dernier ouvrage du CR.451, Comment gagner ?. Plus de 900 attaques contre des entreprises françaises ont été traitées par le ministère de l’Economie, soit une augmentation de 150 % en quatre ans. Chaque année, plusieurs entreprises françaises aux activités stratégiques ou critiques passent sous pavillon étranger. Le choc provoqué par l’affaire Alstom n’a pas empêché la perte d’autres entreprises comme Alcatel, Lafarge ou encore Exxelia.
Un dispositif fragile face aux ingérences économiques protéiformes toujours plus nombreuses
Plus récemment, des entreprises tricolores de secteurs sensibles ont connu d’importantes difficultés financières, le changement de gouvernance plaçant la question de la souveraineté au cœur des débats. La faillite du distributeur Casino, avec ses 50 000 emplois en France, ou encore le rachat du leader des médicaments génériques Biogaran, illustrent ces difficultés. Les entreprises ne sont pas les seules à subir des manœuvres malveillantes. Les secteurs universitaires et de la recherche, eux aussi, sont ciblés par les compétiteurs de la France, notamment par la Chine.
À cela s’ajoutent les difficultés économiques conjoncturelles qui affaiblissent le développement des entreprises : inflation, dette publique, pénurie de main-d’œuvre… La France se doit donc d’élaborer une stratégie de contre-ingérence au plus haut niveau, adaptée aux multiples enjeux économiques, si elle veut se protéger efficacement.
Louis Quinet
Pour aller plus loin :
- L’intelligence économique, outil de reconquête de la souveraineté française ? – Portail de l’IE
- Les réussites de l’IE en France : qu’a-t-on fait et que reste-t-il à faire ? [Colloque de l’IE]
- Emmanuel Chiva : Osons passer à l’offensive, osons une vision pragmatique de l’influence par l’intelligence économique [Colloque de l’IE] – Portail de l’IE