Les BRICS+ s’engagent vers une dédollarisation de l’économie mondiale

Dans un entretien publié le 5 mars 2024, Yuri Ushakov, ancien ambassadeur de la Russie aux États-Unis et désormais conseiller diplomatique de Vladimir Poutine, a révélé que les BRICS+ travaillaient sur la création d’un système de paiement indépendant basé sur les technologies numériques et la blockchain. La « dédollarisation » est l’objectif principal de cette initiative.

Les BRICS+ : une coalition géopolitique et économique

Les BRICS, initialement formés par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud ont évolué au fil des ans pour devenir un acteur incontournable sur la scène internationale. Cette coalition, désormais renommée BRICS+ suite à l’ajout de cinq nouveaux pays au 1er janvier 2024 (Egypte, Éthiopie, Iran, Arabie Saoudite et Émirats Arabes Unis) cherche à promouvoir la coopération et la solidarité entre les nations émergentes et en développement. Depuis leur création, les BRICS se sont réunis lors de sommets annuels pour coordonner leurs politiques et renforcer leur influence collective.

Une Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC), la solution idéale ?

La volonté de créer un système de paiement basé sur les « technologies numériques et la blockchain » désigne sans la nommer une Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC). Bien que possiblement sécurisées via blockchain, les MNBC ne sont toutefois pas à confondre avec les cryptomonnaies, qui sont, elles, décentralisées. Une MNBC émanant des BRICS+ serait la représentation numérique d’une monnaie fiduciaire établie par les pays membres. Le principal avantage de l’orientation des BRICS+ vers une MNBC réside dans le contrôle accru qu’il est possible d’exercer sur cette dernière et donc sur les échanges commerciaux ainsi que les utilisateurs.

« Nous pensons que la création d’un système de paiement indépendant des BRICS+ est un objectif important pour l’avenir, il sera basé sur des outils de pointe tels que les technologies numériques et la blockchain. L’essentiel est de s’assurer qu’il soit pratique pour les gouvernements, les gens ordinaires et les entreprises, ainsi que rentable et libre de toute politique »

Yuri Ushakov, conseiller diplomatique de Vladimir Poutine – entretien du 5 mars 2024

Le leitmotiv de la dédollarisation

Le lancement d’une telle monnaie s’inscrirait dans le cadre d’une stratégie plus large visant à réduire la dépendance des BRICS+ vis-à-vis du dollar américain. Cette initiative permettrait aux BRICS+ de contourner le système de paiement international actuel, SWIFT, basé sur le dollar, et donc contrôlé par les États-Unis. L’affranchissement des BRICS+ vis-à-vis du dollar américain serait également synonyme de protection contre les sanctions américaines découlant de l’extraterritorialité du droit américain lié à l’usage du dollar. En créant un système de paiement indépendant, les BRICS+ pourraient ainsi contourner les restrictions financières imposées par les États-Unis et renforcer leur autonomie économique. Enfin, la dédollarisation permettrait de renforcer le commerce intra-BRICS+, qui est d’ores et déjà vigoureux, mais fortement polarisé par la Chine. L’empire du milieu étant le partenaire commercial de la majorité des BRICS+, l’axe d’amélioration principal pour le groupement de pays est ainsi le commerce intra-BRICS+ hors Chine. L’usage d’une monnaie commune pourrait être un levier afin d’y parvenir.

Un projet difficile à concrétiser

Toutefois, la mise en œuvre d’un tel système ne sera pas sans défis. Les différences politiques, économiques et technologiques entre les pays membres des BRICS+ pourraient compliquer la coordination et la mise en œuvre du projet. De plus, il existe un véritable gouffre entre la volonté politique des gouvernements de certains membres et celle des leurs entreprises. Les gouvernements les plus libéraux des BRICS+ devront ainsi être en capacité de convaincre les acteurs privés locaux de l’intérêt supérieur de la MNBC face au dollar, une tâche qui s’annonce difficile. Enfin, il est difficilement imaginable que les États-Unis restent passifs vis-à-vis de la situation, il est fort probable que l’Oncle Sam intervienne pour entraver la tentative des BRICS+ de briser l’hégémonie du dollar sur les marchés financiers et commerciaux internationaux.

Perspectives d’évolution pour la MNBC

L’annonce de ce nouveau système de paiement indépendant pourrait avoir lieu à l’occasion du seizième sommet des BRICS, prévu pour octobre prochain. En outre, la Russie, actuelle présidente des BRICS, est chargée de remettre, d’ici la fin de son mandat annuel, un rapport sur les options visant à améliorer le système financier international. Ce rapport devrait fournir des éclairages supplémentaires sur les intentions et les objectifs des BRICS+ quant au lancement hypothétique d’une MNBC commune.

Théo Noël

 

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