Confrontée à une concurrence grandissante sur le marché des isocyanates, Vencorex, une entreprise stratégique dans le secteur de la chimie et sous-traitant d’Ariane Group, est en redressement judiciaire. Cette société iséroise produit un sel d’une grande pureté, essentiel à la fabrication du carburant des missiles nucléaires M51, des boosters de la fusée Ariane 6 ainsi qu’au refroidissement des centrales nucléaires.
Acteur clé de la plateforme chimique du Pont-de-Claix et filiale du groupe public thaïlandais PTT GC, Vencorex est un acteur majeur du secteur chimique français. Avec un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros en 2022 et 20 % des parts de marché mondial de la production des isocyanates, l’arrêt de ses activités aurait des répercussions bien au-delà de ses 500 employés, affectant l’ensemble des industries chimiques, nucléaires et militaires françaises.
Un potentiel repreneur chinois
Face à la concurrence agressive du groupe chinois Wanhua, qui a cassé les prix à hauteur de 30%, Vencorex a été placée en redressement judiciaire en septembre 2024. À ce jour, seule l’offre de reprise de cette même entreprise chinoise Wanhua, via sa filiale hongroise Borsodchem, a été soumise, mais celle-ci s’accompagnerait de la perte de 95 % des emplois. Pour faire face aux critiques, l’entreprise chinoise a amélioré son offre en proposant la reprise de 50 salariés au lieu de 25, et l’investissement de 10 millions d’euros au lieu d’un million initialement prévu.
Néanmoins, en raison du risque de perte de savoir-faire stratégique, cette offre de rachat par une entreprise chinoise n’a pas satisfait les élus du Comité Social et Économique (CSE). Le syndicat CFE-CGC Chimie Dauphiné Savoie mené par son président Jean-Claude Garcia parle d’effet domino sur toute une filière et de « gâchis monumental » pour une entreprise qui possède une expertise, des compétences et des brevets utiles à la souveraineté industrielle du pays. Ce sont plus de 5 000 emplois directs et indirects sur toute la filière qui sont menacés, d’autant que l’offre de reprise pour Vencorex par Wanhua ne concerne que l’activité « tolonate », utilisée uniquement pour la fabrication de peintures industrielles.
Différents scénarios possibles
La Direction Générale de l’Armement (DGA), impliquée dans ce dossier, a identifié trois scénarios possibles. Le premier, privilégié par la DGA, consiste à trouver un repreneur crédible capable de redresser une entreprise déficitaire dans un environnement économique très concurrentiel. Le deuxième scénario envisage la construction d’une nouvelle unité de production, un processus long d’au moins 18 mois. Enfin, la troisième option, jugée la plus réaliste à court terme, serait de recourir à d’autres fournisseurs européens.
Le géant français de la chimie et sous-traitant d’Ariane Group, Arkema, traditionnel acheteur du sel de Vencorex, serait sur le point de finaliser les dernières étapes de contrôle de la qualité et de conformité auprès d’un nouveau fournisseur allemand. Selon la DGA, la France dispose de stocks suffisants pour ses besoins militaires et spatiaux, ce qui ne compromettrait ni la dissuasion nucléaire ni les projets d’Ariane Group.
Au-delà de ces scénarios, l’option d’une nationalisation partielle des activités de Vencorex est également envisagée. Bien que soutenue par les syndicats et les élus locaux, cette solution ne convainc pas la DGA, ni le ministère de l’Économie, et encore moins Matignon, en raison de son coût estimé à 300 millions d’euros et de son incapacité à résoudre les problèmes de compétitivité de l’entreprise. Ayant reçu une délégation d’élus isérois le mardi 4 février dernier, le Premier ministre doit statuer sur l’avenir de l’entreprise avant le 20 février.
Thomas Dereux et Gabriel Massé pour le club Industrie et Souveraineté.
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