Inscrite au patrimoine immatériel de l’Humanité par l’Unesco en 2010, la gastronomie française rejoint le Panthéon des pratiques et processus culturels qui « inspirent aux communautés vivantes un sentiment de continuité par rapport aux générations qui les ont précédées et revêtent une importance cruciale pour l’identité culturelle ».
Cette prise de position de la communauté internationale pour une reconnaissance et une valorisation non seulement des héritages matériels – comme l’architecture ou l’art pictural – mais également des patrimoines immatériels, est une opportunité en or pour la France et son rayonnement culturel.
En France, nous assimilons régulièrement les termes « gastronomie » et « culture ». Ce rapprochement sémantique atteste de la place centrale de la gastronomie dans notre système de valeurs. La culture en France du « repas en famille », notion inconnue chez les anglo-saxons, renforce cette culture du partage.
Toutefois, la gastronomie française n’est pas suffisamment mise en avant par la France pour asseoir son rayonnement. Alors que le Président Giscard d’Estaing allait « dîner chez les Français », aujourd’hui cet art culinaire français se délite. En effet, selon le dernier classement 50 Best Restaurants paru il y a quelques jours, aucune table française n’est dans le Top 10. Pourtant, cet art jouit encore d’une image de marque à travers le monde et peut compter sur une francophonie et une francophilie toujours très actives.
En ne distinguant aucune recette en particulier, à l’inverse de la Croatie où son pain d’épice national a été primé, l’UNESCO a offert un blanc-seing complet à toute la gastronomie française. Cette reconnaissance est une porte ouverte pour que toutes nos saveurs et tous nos trésors culinaires rayonnent dans le monde. Symbole du raffinement à la française, notre cuisine s’exporte de par le monde, que ce soit notre art culinaire de table comme nos talents de confiseurs et de pâtissiers. En ouvrant des succursales à New York, Londres ou encore Milan, la Maison Ladurée participe à la reconnaissance et l’expansion à l’international du goût à la française et de notre savoir-faire gastronomique.
Des évènements sont organisés pour mettre en avant notre savoir-faire culinaire
La France peut compter sur une curiosité répandue dans le monde pour sa cuisine. Les étrangers voient dans la cuisine française l’aboutissement du raffinement culinaire. Des Salons dédiés aux vins, à la gastronomie ou à la pâtisserie sont régulièrement organisés et attirent de nombreux curieux et afficionados.
Par exemple, en Israël, la Semaine de la Gastronomie, mise en place en 2013 par Ubifrance en partenariat avec l’Ambassade de France et l’Institut français d’Israël, a été une vitrine emblématique du savoir-faire culinaire français. Cette initiative bienvenue n’est pas isolée. Au Canada, aux Etats-Unis ou encore au Japon, la France propose régulièrement des manifestations gastronomiques, liées le plus souvent à la promotion de la francophonie et de la culture française en général.
Mettre en place une véritable diplomatie culturelle fondée sur la gastronomie
La gastronomie française a su s’affirmer très tôt, déjà sous Louis XVI, comme un avantage concurrentiel et d’influence. Ce terreau est un signe favorable. La France devrait s’engager davantage, dans sa politique culturelle et ses relations internationales, pour mettre en avant ces réussites. L’Académie des Vins et de la Gastronomie, fondée en 1933, pourrait être un de ces bras armés de défense de nos terroirs et de notre cuisine, à la fois sur notre territoire et à l’étranger.
En effet, si la cuisine française mérite d’être à nouveau mise en valeur à l’étranger, elle perd également son rayonnement en France. Les Français ne sont pas suffisamment sensibilisés aux grandes réussites de la cuisine française, à ses trésors, ses personnalités. Défendre les acteurs majeurs de notre cuisine pourrait être un moyen de valoriser ce patrimoine séculaire. Paul Bocuse, Thierry Marx, Christian Constant, Emmanuel Renaut, Georges Blanc ou encore Pierre Gagnaire, sont autant de grands noms qui s’exportent et font briller notre gastronomie.
Plus qu’un art, la gastronomie est un business rentable
Aujourd’hui, les émissions de cuisine se multiplient. Les restaurants étoilés par le célèbre Guide rouge constituent toujours la référence mondiale du goût. La vague du « manger sain » touche de plus en plus les populations, tout âge confondu. Bref, de nombreux facteurs sont favorables au développement d’une économie gastronomique française.
En effet, au-delà d’un rayonnement culturel, la France peut trouver dans son savoir-faire culinaire un atout commercial. Sa mise en avant valoriserait le tourisme, ainsi que notre activité agricole et agroalimentaire. Par exemple, l’ « oenotourisme », avec sa découverte des vins français, est un atout montant de notre tourisme gastronomique. Plus encore, réaffirmer sa place de leader dans les formations aux métiers des arts gastronomiques et de l’hôtellerie, servirait les intérêts culturels et économiques de la France.
Promouvoir et protéger notre gastronomie pourrait également favoriser l’exportation de nos produits alimentaires et du terroir. Alors que des pays comme les Etats-Unis bloquent régulièrement par leur réglementation l’import de nos produits, mettre en place une véritable position offensive économique et culturelle nous aidera à lutter contre les interdictions d’exportations et augmenter nos opportunités de vente.
Une cuisine française qui doit se révolutionner
Comme le soulignait avec justesse Julien Tort, « à quoi bon les inspecteurs du Michelin quand le monde entier est devenu critique gastronomique ? ». Bien qu’il soit de plus en plus critiqué, le célèbre Guide Rouge, créé en 1900, reste la référence mondiale du Goût. Cet instrument du « Soft power » français jouit toujours d’une aura de professionnalisme et de raffinement.
Néanmoins, si le politique ne se mobilise pas assez pour faire rayonner notre art culinaire, les professionnels de la cuisine doivent évoluer et innover de nouveau. La gastronomie en France a tendance à vivre sur ses acquis, sa renommée. Se reposer sur une certaine tranquillité nuit de fait à l’innovation et donc au rayonnement de notre cuisine. Toutefois, de jeunes talents émergent dans ce milieu très fermé, et pourraient être le souffle de renouveau nécessaire à la cuisine française pour lui redonner ses lettres de noblesse et toute sa force d’influence dans le monde.
Johan Corniou-Vernet.
Pour aller plus loin :
– Qui veut la peau des coopératives agricoles françaises ?