Depuis une dizaine d’années, les compagnies du golfe ne cessent de s’accroître, s’adjugeant de plus en plus de parts de marché en Europe. Les compagnies européennes traditionnelles se retrouvent fortement concurrencées par l’arrivée de ces nouveaux acteurs et par le développement des compagnies low-cost locales. Leur faculté d’adaptation aux nouvelles règles du marché, qui ne se fait pas sans difficulté, sera déterminante pour leur avenir.
L’accroissement de la concurrence venu du Golfe
Les compagnies aériennes européennes subissent de plein fouet la montée en puissance des compagnies des petits Etats du golfe persique notamment Emirates pour les Emirats Arabes Unis ou bien encore Qatar Airways pour le Qatar. Ce sont des compagnies nationales qui font partie intégrante des projets de développement de leur pays respectifs. Elles ont de ce fait accompagné et facilité la croissance exponentielle de ces derniers en bénéficiant d’un important soutien étatique. Ainsi, en l’espace de 20 ans[1] elles ont su se tailler une place de choix au sein d’un marché aérien très concurrentiel. En 2013 la compagnie Emirates a transporté plus de 43 millions de personnes, contre 12.5 millions en 2005. Elle se classe désormais à la quatrième place mondiale en termes de transport de passagers sur des vols internationaux, juste derrière les compagnies européennes Lufthansa et EasyJet avec respectivement 50,7 et 52,7 millions de passagers. Seule la compagnie Ryanair sort du lot avec 81 millions de passagers transportés en 2013[2]. Ainsi, Emirates, Qatar Airways et Etihad ont une croissance en termes de passagers qui avoisine les 15-20 % par an contre 3-5% en moyenne pour les compagnies européennes comme Lufthansa, British Airways, EasyJet ou Ryanair. Elles disposent en effet d’un argument de taille: le prix du billet. Cela est notamment du à une politique tarifaire avantageuse, à l’utilisation d’une flotte récente et efficiente et une très bonne qualité de services. Les compagnies du golfe ont réussit le pari audacieux de s’imposer comme des figures incontournables du marché au détriment des compagnies européennes qui peinent à maintenir leur place.
L’alternative du low-cost
Les grandes compagnies européennes traditionnelles comme British Airways, Lufthansa ou Air France se retrouvent prises en étau entre une concurrence intensifiée des compagnies du golfe sur les vols longs courriers et l’accroissement du low-cost sur les vols courts et moyens-courriers. A la différence de celui des vols longs courriers, le marché du low-cost, symbolisé par la réussite de la compagnie irlandaise Ryanair, reste très porteur et est encore peu exploité par les compagnies extra-européennes. Par conséquent, les compagnies traditionnelles investissent, avec plus ou moins de succès, dans ce secteur par le biais de filiales, Vueling pour British Airways, Germanwings pour Lufthansa ou bien encore Transavia pour Air France-KLM. Néanmoins, si le marché domestique européen reste encore difficilement accessible aux compagnies extra-européennes, la situation pourrait bien rapidement évoluer. En effet, les compagnies du golfe commencent déjà à pénétrer ce marché. Ainsi, Etihad est devenu en 2011 le premier actionnaire d’ Air Berlin, deuxième compagnie allemande et sixième européenne. De son côté, Emirates obtient de plus en plus d’accords d’exploitation d’aéroports locaux. En effet, la compagnie, qui est le premier client du groupe Airbus, bénéficie d’un levier de taille auprès des gouvernements français et allemands.
La création d’un nouveau nœud aérien au Moyen-Orient
Au-delà de la question de la simple concurrence entre les compagnies aériennes se pose l’enjeu de la concurrence entre hubs aériens. En 2013 67% des passagers en transit à l’aéroport de Dubaï ont voyagés avec la compagnie nationale Emirates, les mêmes valeurs peuvent être observées pour les aéroports de d’Abu Dhabi et Doha. Par conséquent, ces aéroports bénéficient directement de la croissance exponentielle des compagnies nationales. Des projets pharaoniques ont vus le jour avec notamment le projet Dubai World Central Al Maktoum International Airport qui a terme devrait avoir une capacité d’accueil de 160 millions de passagers[3] ou bien encore celui de l’Hamad International Airport pour Doha avec une capacité de 50 millions de passagers. En 2013, l’aéroport de Dubaï a ainsi accueilli 66 millions de personnes ce qui en fait le septième aéroport le plus actif du monde. L’aéroport de Dubaï enregistre ainsi une croissance de 15, 2 % contre -1,1 % pour l’aéroport d’Atlanta et une moyenne de 1 à 4% pour les aéroports européens de Londres et Paris. Les aéroports d’Abu Dhabi et de Doha ne sont pas en reste et connaissent eux aussi une croissance avoisinant les 15%. Bénéficiant d’une position géographique avantageuse, les pays du golfe constituent un important réseau de hubs aériens. Ces hubs viennent directement concurrencer les hubs européens de Londres, Paris et Francfort et par conséquent les compagnies européennes qui perdent de plus en plus de trafic lié aux correspondances.
L’enjeu est de taille pour les compagnies aériennes européennes qui doivent faire face à la concurrence exacerbée des compagnies du golfe à l’international mais aussi en Europe même. Si l’avenir à long terme des compagnies traditionnelles est incertain, ces dernières ont déjà commencé à prendre les devants en se lançant notamment de manière plus offensive dans le low-cost. Ainsi, Air France c’est associé avec Etihad au travers d’Alitalia. Sur le court terme, une bonne conjoncture économique se profile. En effet, le kérosène, qui représente 20 à 30% du coût d’un vol, est extrait du pétrole dont le prix a chuté de 40%, son plus bas niveau depuis 5 ans et demi. Cela devrait permettre aux compagnies d’augmenter leur marges, de se revigorer afin de se stabiliser sur le marché.
Catherine Saumet
[1] Avec une croissance qui s’observe surtout depuis le début des années 2000.
[2] Passagers transportés sur des vols internationaux
[3] Avec son programme “Focus on the Future”, l’aéroport d’Atlanta, premier aéroport mondial en termes de trafic, prévoyait une capacité d’accueil de 121 millions de personnes pour 2015.