Guerre d’influence: de la stratégie d’implantation du MMA en France à l’enracinement du MMA dans le monde sportif (Partie 1/2)

A travers les stratégies d’enracinement, l’UFC avec de multiples fédérations et organismes (IMMAF, l’agence américaine antidopage USADA, le New Jersey State Athletic Control…) tentent d’implanter le MMA dans la culture sportive et le comité olympique. A ce titre, la légalisation du MMA en 2020 fait partie d’une stratégie d’implantation de l’UFC en France et surtout d’un enracinement de ce dernier dans le monde sportif. En France, les acteurs de l’implantation du MMA sont la fédération française de boxe et d’anciens sportifs tels que Bertrand Amoussou.

 

L’UFC (Ultimate Fighting Championship) a su développer une stratégie de sports management et d’influence basée sur l’utilisation des réseaux sociaux et une qualité d'événement, attirant toujours plus de supporters. Les partenariats de l’UFC sont stratégiques, permettant au MMA (Mixed Martial Arts) de s’implanter et s’enraciner dans la culture sportive. Malgré les réticences de la France à la légalisation du sport de combat, l'institutionnalisation permet un suivi des pratiquants et des compétitions amateurs et professionnelles. L’IMMAF, vecteur d’influence de l’UFC, a joué un rôle essentiel à une bonne implantation du MMA en France et cherche à être respecté et reconnu dans le monde olympique et au niveau mondial.

 Le MMA est un sport de combat empruntant des techniques à toutes les formes de boxes "pieds-poings" et de lutte. Descendant direct du pancrace (pratiqué au temps des Jeux olympiques antiques), du combat libre (pratiqué en Grèce, Turquie…) et développé dans les années 1990, le Mixed Martial Arts prend de plus en plus d’ampleur face aux “major sports”, les 4 sports les plus populaires et étant les plus regardés aux Etats-Unis. L’UFC, conçu en 1993 par la famille Gracie dans l’optique promotionnel de prouver la supériorité du jiu jitsu brésilien sur tous les autres arts martiaux, est le leader mondial incontesté dans l’organisation de compétition professionnelle de combats libres (plus de 40 évènements organisés par an, évaluée à plus de 4 milliards de dollars, et comprenant plus de 700 combattants actifs). Cette compétition a permis via la rencontre des différents arts la création du MMA. Il est aujourd’hui un sport de combat à part entière, avec des règles bien plus strictes. 

En France, la pratique professionnelle du MMA a été interdite jusqu’en 2020 étant considéré comme un sport “ultra-violent”, "dégradant" et menaçant la "dignité humaine”. Cependant, en 28 ans d’existence, le MMA est le sport ayant la croissance la plus rapide au monde, et ce notamment grâce à l’UFC. L’ampleur exponentielle du MMA en France manquait jusqu’alors de reconnaissance alors même qu’entre 30 000 et 50 000 pratiquants  sont présents sur le territoire (la pratique amateure du MMA était autorisée mais pas reconnue). Alors que l’UFC était au bord de la faillite en 2001, l’organisation (alors rachetée par Zuffa LLC) a réussi à mettre en place de nouvelles stratégies et innovations pour influencer et avoir le monopole dans le domaine des sports de combat. D’une entreprise achetée 2 millions de dollars en 2001, les frères Frank et Lorenzo Fertitta (fondateurs de Zuffa LLC) et Dana White (actuellement PDG de l’UFC) ont développé la marque, atteignant plus de 4 milliards de dollars aujourd’hui: ils ont fait preuve de stratégies de marketing, jeux d’influence, et force d’innovation.

UFC, promoteur mondial du MMA, une stratégie d’influence dans le monde du sport et des sports de combat 

L’UFC a réussi à développer des stratégies de marketing pour adopter et s’adapter aux nouvelles technologies et plateformes en ligne via le “pay per view”(paiement d’un ticket virtuel pour assister au combats derrière son écran), lui permettant d’atteindre un large public international, de tout âge et fan de sport de combat ou non. En effet, le marketing de l’UFC prend tout particulièrement soin de promouvoir les combattants, les événements, les émissions de télévision, et les marchandises dans tous les points de ventes, mettant en place une politique agressive mais interactive sur les réseaux sociaux. Dana White (président de l’UFC) est un influenceur qui compte plus de 5.5 millions de followers sur Twitter et encourage ses combattants à faire de même, en leur offrant des bonus financiers pour l’utilisation de Twitter. L’UFC a créé de superstars tels que Conor McGregor et Ronda Rousey, qui sont reconnus au-delà de la scène sportive, présents dans des films et des jeux vidéos, par exemple. 

La promotion américaine de MMA est parvenue à s’imposer dans l’organisation d'évènements de qualité et de divertissement et à influencer le monde du sport de combat, dépassant les frontières et les divers contextes économiques. L’UFC a organisé plus de 360 événements depuis sa création, passant de 5 événements en 2004 à 46 en 2014, dans plus de 22 pays, dans plus de 120 villes et diffusés dans 175 pays.  De plus, l’organisation a réussi à créer le désir non seulement de regarder mais aussi de participer aux événements, leur permettant d’avoir un monopole incontestable dans le domaine; que ce soit en étant présent physiquement dans l’arène ou pour les fans les plus ambitieux de devenir à leurs tours des champions de l’UFC. En outre, la diversité des profils des combattants permet aux fans de s’identifier et de plaire à un maximum de personnes: les combattants sont des 6 continents, de toutes les classes sociales et même parfois des champions de sports de combat “traditionnels” qui amènent à l’UFC de nouveaux fans. Par ailleurs, l’ouverture et l’innovation de nouvelles catégories de poids et de nouvelles divisions féminines augmentent l'accessibilité et l’attraction pour les combattants amateurs. De la même manière, l’UFC utilise les méthodes de storytelling autour de ses combattants, les rendant ainsi plus humains: Holly Holm, par exemple, ancienne championne à 135 lbs est surnommée “Preacher’s Daughter”, en référence à son père prédicateur. 

Par ailleurs, les frères Fertitta et Dana White n’ont cessé d'accroître les partenariats que ce soit avec des marques de vêtement (avec Reebok notamment), des marques agroalimentaires comme Bodyarmor SuperDrink, mais aussi avec des chaînes de télévision et avec Invicta, organisation de MMA féminin, pour centraliser tous les événements sur leur plateforme Fight Pass. L’UFC a anéanti les organisations rivales de MMA, jusqu'à racheter, en 2007, leur principal concurrent, Pride Fighting Championships, basé au Japon. De la même manière, grâce à sa croissance et  sa puissance, l’UFC a pu acquérir des combattants légendaires sous contrat avec d’autres organisations tels que Mark Coleman, Rodrigo Nogueira… La signature d’un contrat exclusif de 5 ans en 2019 pour 1.5 milliards de dollars avec ESPN, chaîne de télévision sportive américaine et filiale de Disney, accroît l’influence de la promotion sur la scène sportive américaine et de Walt Disney, en encourageant les fans de l’UFC à s'abonner à ESPN +. Ainsi, l’UFC a ébranlé ses concurrents, et à être un acteur influent et de référence dans les sports de combat. Leurs capacités de persuasion vont au-delà du domaine sportif avec leur partenariat The Walt Disney Company pour attirer des fans toujours plus jeunes. 

Force d’innovation et strategic management

Tout au long de son développement, Dana White a fait du MMA un sport avec des règles strictes, reconnues et soutenues par des organismes nationaux et internationaux. Le président de l’UFC a été et reste la pierre angulaire de l’organisation en pilotant son évolution et en innovant constamment dans les divers domaines du business. 

En se développant, l’UFC a légitimé le MMA comme un sport à part entière, avec une réglementation s’appliquant à tous les combats à travers les “Unified Rules of MMA” en 2001, par le New Jersey State Athletic Control. En 2015, la collaboration avec les commissions sportives américaines a mené à un programme antidopage et de dépistage, ainsi que la mise en place de lourdes sanctions pour dopage. Ce programme, contrôlé par l’agence américaine antidopage USADA, fait partie du plus grand dessein de marketing et de développement des athlètes par Dana White. Grâce à la normalisation du MMA et la création des normes de référence, Dana White a réussi une importante opération d’influence qui lui a permis d’obtenir un véritable monopole dans le MMA. Par ailleurs, l’UFC a mis en place des pay-per-view (PPV), qui battent tous les records, dépassant la boxe et rivalisant avec la WWE (catch). Les records de vente de l’UFC sont toujours plus élevés: 2.4 millions de PPV (soit 180 millions de dollars) en 2018 lors du combat entre McGregor et Nurmagomedov et atteignant 1.3 millions de PPV en 2020 lors de la première vague de la pandémie. 

En terme d’innovation, l’organisation est auteure de multiples formats pour accompagner et attirer toujours plus de téléspectateurs. Ainsi, la création d’une série de téléréalité, The Ultimate Fighter, a permis aux fans de suivre le quotidien des combattants et de créer un storytelling permettant aux spectateurs de s’identifier aux apprentis-combattants qui sont montrés comme des personnes normales. Le format de téléréalité a aussi attiré une nouvelle audience: une audience pas nécessairement intéressée par les sports de combat, mais plutôt intéressée par le format de vie quotidienne. De la même manière, les Fight Pass ajoutent une dimension nouvelle de proximité avec les combattants: permettant aux fans de suivre leurs combattants préférés, fournissant une archive d'événements et combats à la demande ou en direct, rendant les combats disponibles dans le monde entier et pour n’importe quel fuseau horaire. De plus, lors de la pandémie, l’UFC est une des rares organisations sportives à avoir maintenue un divertissement à destination de leurs fans et supporters du monde entier. En garantissant des combats sur une île fermée aux Emirats Arabes Unis, Fight Island, où les protocoles sanitaires stricts sont mis en place et où les mesures d’isolement ont été imposées, Dana White a même conclu des partenariats avec des compagnies aériennes pour faire face à la réduction des vols internationaux proposés, et signant par la même occasion un contrat de 5 ans avec la ville d’Abu Dhabi

 

Jessica Phung

Suite le Mercredi 20 Janvier 2021