Importations d’uranium : La France n’est pas dépendante de la Russie, contrairement aux allégations de Greenpeace

Le 11 mars 2023, Greenpeace publiait un rapport dans lequel elle exposait la dépendance supposée de la France au géant russe Rosatom, en matière d’importation d’uranium. La Sfen (Société française d’énergie nucléaire) révèle aujourd’hui les erreurs d’interprétation de l’ONG, en prouvant l’indépendance de l’industrie nucléaire française.

C’est un coup de massue que l’organisation environnementale Greenpeace a bien failli asséner à l’image de l’industrie française, ce samedi 11 mars. Après plus d’un an de guerre en Ukraine, l’industrie nucléaire française serait encore dépendante de la Russie pour l’approvisionnement d’uranium en son sol. Toutefois, des investigations poussées de la Sfen ont pu démentir ces critiques : entre autres, les chiffres sur lesquels se base Greenpeace pour étayer ses propos sont uniquement issus des données douanières, ce qui fausse les résultats et les interprétations, selon l’association scientifique.

 

Erreurs d’interprétation et de raisonnement de la part de Greenpeace

Pour comprendre les erreurs présentes dans le rapport de l’ONG, il faut d’abord rappeler le processus de fabrication du combustible nucléaire. Celui-ci se fait en quatre étapes : l’extraction minière de l’uranium (dit naturel à cette étape), la conversion chimique de l’uranium, l’enrichissement, et la fabrication de combustible (l’uranium enrichi est alors expédié de l’enrichisseur à l’usine de fabrication, qui le transforme en petites pastilles cylindriques). Dans le rapport de Greenpeace, l’absence de ces éléments de compréhension tend à déstabiliser le lecteur dans l’appréhension des chiffres exposés – chiffres uniquement issus des douanes et oblitérant de fait tout un pan d’explication nécessaire à la nuance.

Le rapport s’appuie sur trois arguments principaux, successivement renversés par la Sfen. Le premier argument soutient que la moitié des importations françaises d’uranium provient d’Asie centrale (principalement du Kazakhstan et d’Ouzbékistan), qui transite elle-même via la Russie. Pourtant, ces statistiques ne concernent que l’uranium naturel (juste après extraction) et ne prennent pas en compte l’uranium enrichi et l’uranium livré sous forme de combustible (à noter qu’il est impossible de connaître les pays d’extraction de cette dernière forme d’uranium). Par ailleurs, Greenpeace ne prend pas ici en considération le fait qu’une large part de cet uranium est destinée à la réexportation au profit des clients d’Orano et Framatome – les géants français du nucléaire. Or, si la France a importé 21 000 tonnes d’uranium en 2021, la consommation de son parc national a été estimée par EDF à 7 000 tonnes, soit le tiers des importations de cette année-là – le reste étant destiné à l’export.

Le deuxième argument avancé par Greenpeace indique que « Rosatom a la mainmise sur une grande partie des importations d’uranium naturel provenant du Kazakhstan et d’Ouzbékistan ». Par-là, la France serait donc prise au piège du parcours de l’uranium via la Russie jusqu’en France. À cela, le Kazakhstan a déjà répondu qu’il cherchait à développer de nouvelles routes d’export pour contourner Rosatom et la Russie, à la demande de ses clients. La Chine, client important des Kazakhes, est d’ores et déjà un pays de transit pour l’uranium qui, si nécessaire, peut également être transporté par avion-cargo.

La Sfen expose enfin un troisième argument avancé par l’ONG, celui-ci soutenu par des chiffres probants : la France a en effet triplé ses importations d’uranium enrichi russe depuis l’invasion en Ukraine. Si l’industrie nucléaire française avait importé 110 tonnes d’uranium russe en 2021, ce sont 312 tonnes qui sont arrivées sur le sol français en 2022. Les enquêtes de la Sfen permettent néanmoins de noter que les contrats signés entre EDF et Rosatom relatifs à des services d’enrichissement sont antérieurs au conflit russo-ukrainien. De plus et en l’absence de sanctions internationales qui obligeraient l’État français à revoir ses partenariats avec la Russie, EDF a confirmé la poursuite des transactions avec Rosatom, « sans lever d’options ni passer de nouveau contrat ». Le fournisseur d’électricité français a par ailleurs assuré que la part de Rosatom dans ses achats de services d’enrichissement était minime et n’avait pas augmenté depuis le début de la guerre.

 

Une chaîne de valeur nucléaire Made in France

Les accusations de Greenpeace ont mis à mal l’image souveraine du nucléaire français. Ces propos sont d’autant plus fallacieux que la France reste l’un des seuls pays au monde à contrôler totalement sa chaîne de valeur nucléaire en son sol (conversion, enrichissement et assemblage). Au travers d’Orano et de Framatome, les deux géants du nucléaire français qui assurent aujourd’hui la majeure partie du cycle de l’uranium (de la conversion à l’assemblage), l’Hexagone assoit son indépendance énergétique et vient démentir toute attaque concernant sa souveraineté. « L’emprise » russe est donc loin de la véritable nature des échanges qui lient la France avec les pays de l’Est européen et d’Asie centrale.

Plusieurs projets en cours témoignent aussi de la souveraineté française en matière nucléaire. L’extension de l’usine d’enrichissement d’Orano ainsi que l’entreprise d’un recyclage complet de l’uranium de retraitement viennent appuyer la volonté hexagonale de rester indépendante et de faire face aux défis environnementaux, au devant de toute obligation.

En outre, d’autres pays restent réellement subordonnés à la Russie. C’est notamment le cas des États-Unis : en 2020, 25 % de l’enrichissement de son uranium dépendait encore de Rosatom. Un défi qui reste entier pour la première puissance mondiale et qui teinte de gris la souveraineté américaine, lorsqu’elle est appréciée à l’aune d’une France dont les preuves viennent acculer tout contradicteur de son indépendance nucléaire.

 

Charlotte Moineau

 

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