Les eurodéputés ont voté ce mercredi 17 janvier deux résolutions ciblant l’influence croissante de la Chine dans certaines infrastructures critiques de l’Europe. La stratégie de fusion militaro-civile chinoise est clairement dénoncée, favorisant la mainmise de Pékin sur les activités maritimes européennes aujourd’hui estimée à plus de 10%.
La stratégie de fusion militaro-civile chinoise, dénoncée par les eurodéputés
Ce mercredi 17 janvier 2024, le Parlement européen a adopté une stratégie portuaire européenne après avoir voté un texte sur la menace du contrôle chinois sur certaines infrastructures d’envergure. Déposé le 11 décembre dernier, ce rapport du groupe Renew Europe s’attaque aux implications en matière de sécurité et de défense de l’influence de la Chine sur les infrastructures critiques de l’Union européenne. L’analyse de ce « rival systémique et concurrent » souligne comment la stratégie de fusion militaro-civile (MCF) mise en place par Pékin cible les technologies de pointe. La Chine cherche ainsi à éliminer les barrières entre la recherche civile et les secteurs commerciaux, industriels et de défense. Parmi les technologies ciblées, on retrouve l’informatique quantique, le big data, les semi-conducteurs, la 5G, les technologies nucléaire et aérospatiale avancées, ou encore l’intelligence artificielle.
Avec le vote de ce texte non contraignant, les eurodéputés appellent à réagir face à la volonté de fusion militaro-civile chinoise. Cette stratégie « instrumentalise tous les niveaux du pouvoir étatique et commercial, pour renforcer et soutenir le Parti communiste chinois (PCC) et son aile armée, l’Armée populaire de libération (APL) ». Le Parlement européen s’alarme de la « vulnérabilité à l’influence chinoise » d’infrastructures critiques comme les transports, les ports, les réseaux télécoms, les métaux rares ou les câbles sous-marins.
Les infrastructures critiques, cheval de Troie pour le renseignement chinois en Europe
En juin 2023, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) explicitait les risques sécuritaires d’une telle emprise de la Chine sur les infrastructures critiques de l’UE. Puisant dans les sources chinoises, le SEAE analyse les menaces pour la souveraineté stratégique et numérique de l’UE d’un rapprochement de l’État chinois à certains acteurs de l’infrastructure. Le cas de la société Huawei Marine Network (HMN) illustre particulièrement bien la menace d’espionnage pour l’Europe : impliqué dans une dizaine de systèmes de câbles pour les utilisateurs européens d’Internet, HMN développe en parallèle des outils de surveillance sous-marine pour l’armée chinoise. Son actionnaire principal Hengtong est notamment membre du PCC, ancien décoré de l’APL et membre de l’alliance industrielle MCF, en plus de développer un laboratoire de recherche avec une entité liée aux services de renseignement de l’APL. Exploiter les câbles sous-marins reliant les bases militaires des États membres et de l’Otan s’avère ainsi particulièrement intéressant pour une telle entreprise.
Pour limiter les influences étrangères dans les ports de l’UE, une stratégie portuaire européenne basée sur le rapport du néerlandais Tom Berendsen a été adoptée au Parlement ce 17 janvier. Également déposé il y a quelques semaines, ce texte presse à évaluer urgemment les « risques d’implication de la Chine et d’autres pays tiers dans les infrastructures maritimes ». Les députés souhaiteraient ainsi bloquer davantage les investissements suspects dans les activités critiques, grâce à une coopération accrue entre les pays de l’UE. A l’image du port de Pyrée en Grèce, de Zeebruges en Belgique ou d’Hambourg, la stratégie du collier de perles lancée par Pékin en 2004 poursuit sa lente progression vers l’Europe. Après avoir été brutalement confrontée à sa dépendance énergétique unilatérale à l’égard de la Russie, l’UE est confrontée à l’apparition de nouvelles dépendances étrangères bouleversant sa sécurité, son indépendance économique et la résilience des États membres au sein d’une guerre économique agressive avec la Chine.
Agathe Bodelot
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