Mettre en place une veille peut procurer un avantage significatif. D’autant plus lorsque la veille a une dimension internationale. Si cet article n’a pas vocation à être exhaustif, il vise néanmoins à identifier les principaux problèmes rencontrés lors de la mise en place d’une veille internationale et à proposer quelques solutions ou ajustements.
Les invariants de la veille
Avant de se pencher sur les contraintes d’une veille internationale, il convient de rappeler que, internationale ou pas, toute veille doit respecter certains principes, faute de quoi sa réussite est compromise. Parmi ces principes, on peut citer les suivants :
- un fort appui de la hiérarchie,
- des veilleurs bien choisis,
- un projet mené en mode collaboratif,
- un périmètre de veille (thèmes surveillés) réaliste et explicite,
- la mobilisation des moyens internes disponibles,
- un temps suffisant pour la montée en puissance de la veille,
- des livrables pensés en fonction des besoins des publics visés,
- une évaluation régulière de la veille….
Problèmes rencontrés et solutions possibles
Mettre en place une veille internationale pose un certain nombre de problèmes mais il est possible d’y remédier ou au moins, si ce n’est pas possible, de s’en arranger.
Périmètre de la veille
Dans la pratique, il est quasiment impossible d’effectuer une veille couvrant tous les pays. Il est plus réaliste de choisir les pays et zones géographiques surveillées en fonction de ses réels besoins et de la chaîne de valeur concernée. Par exemple, une entreprise pourra surveiller les pays dans lesquels se trouvent ses fournisseurs, ses concurrents et ses clients. Cela ne l’empêche pas de surveiller également certaines sources internationales pour ne pas rater d’importantes actualités qui pourraient surgir d’autres provenances…
Problème des langues
Après avoir défini le périmètre géographique de la veille, l’obstacle suivant est bien souvent celui des langues étrangères. Ce problème se pose davantage au niveau des veilleurs que pour ce qui concerne les outils, souvent compatibles avec un large choix de langues. En dépit des logiciels de traduction (Google Traduction, DeepL, Systran…), la seule réelle solution est de recourir à une équipe de veilleurs maîtrisant les différentes langues usitées dans les pays couverts par la veille sinon le risque est grand de mal interpréter certaines informations ambigües. Autrement dit, les langues comprises par les veilleurs sont à prendre en compte dans le choix des pays surveillés.
Sourcing difficile
Sur des zones géographiques éloignées deux problèmes peuvent se poser : un déficit de sources d’informations pertinentes et une réelle difficulté à évaluer la qualité des sources numériques identifiées. Dans ce cas, il est pertinent de s’appuyer sur les sources nationales établies (administrations, agence statistique, fédérations professionnelles, ministères, stations de radio, titres de presse), puis d’utiliser les sources étrangères (agences de promotion des exportations, CCI à l’étranger, organisations internationales, services économiques d’ambassades, titres de presse à vocation continentale…) traitant du pays concerné. Il va sans dire qu’il convient de rester critique vis-à-vis de ces sources et de les tester avant de les intégrer dans le dispositif de veille.
Pratiques locales d’information
Dans des pays de tradition orale, les sources digitales d’information à disposition sont souvent plus rares car l’information passe davantage par le réseau personnel et les contacts directs. Lorsque l’on met en place une veille sur ces pays, il est donc particulièrement important de déployer un réseau de capteurs humains sur le terrain. Cela passe tout d’abord par l’utilisation du réseau naturel de l’entreprise : ses collaborateurs, ses fournisseurs, ses partenaires commerciaux et ses clients. Il est également possible de recourir à des contacts externes travaillant dans la sphère publique (agences de développement – type AFD -, CCI à l’étranger, services économiques d’ambassades) ou privée (grandes entreprises à l’international, CEF, CNCCEF, OSCI…).
Méconnaissance du contexte local
Au fil de la veille, le risque est grand de mal interpréter certaines informations en raison de l’ignorance de facteurs interculturels ou de la méconnaissance des thèmes et secteurs surveillés. L’idéal est donc de recourir à des veilleurs bi-nationaux et, quand ils découvrent les thèmes et secteurs faisant l’objet de la veille, de leur laisser le temps de se forger une véritable culture de ces sujets. C’est à cette double condition qu’ils seront capables de détecter les signaux faibles et innovations véritables qui donneront aux résultats de leur veille toute leur valeur ajoutée.
Décalage horaire
Sachant que la veille vise à repérer les changements le plus rapidement possible, le décalage horaire entre l’activité des veilleurs et l’actualité surveillée provoque parfois des retards d’alerte du client de la veille. Une bonne façon de s’en arranger consiste à organiser l’équipe de veilleurs en horaires décalés s’ils sont tous localisés dans le pays d’où la veille est menée ou bien de les installer dans les différents pays inclus dans la veille… Il faut toutefois remarquer que le décalage horaire peut aussi être utilisé pour communiquer très tôt une actualité qui vient de se dérouler dans des pays situés dans des fuseaux horaires légèrement antérieurs.
Astuces de veilleurs
Trois conseils pour finir :
- Remonter à la source première des actualités est parfois plus délicat lorsqu’elles transitent par des canaux d’information que l’on maîtrise moins bien, parce qu’étrangers. Cela est cependant toujours aussi nécessaire.
- Ne pas hésiter à s’appuyer sur des veilles existantes dès qu’on a vérifié leur qualité. Elles peuvent être proposées par différents acteurs : agences de promotion des exportations (ex : Business France), réseaux diplomatiques (ex : Veille scientifique et technologique), blogs d’experts ou de passionnés (exemple : Les outils de veille), organisations sectorielles (ex : Réseau de veille en tourisme), portails dédiés (ex : FreshPlaza)…
- Mener une “veille sur la veille”, en France comme à l’international. Car cela permettra de repérer des outils, des sources d’informations et des bonnes pratiques que l’on pourra s’approprier.
Cet article s’appuie sur une communication faite lors du forum “L’Intelligence Économique et Management des Connaissances”, organisé par Marcus Evans les 27 et 28 mars 2023 à Paris.
Benoît Maille, CCIR Paris Île-de-France
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