Dans le cadre des Jeudis du Risque, le Portail s’est rendu à la conférence organisée par l’association CapRM du Master II Gestion Globale des Risques et des Crises (GGRC) le jeudi 23 mars 2017, une conférence sur la menace NRBC (Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, Chimiques).
.Intervenants :
- M. Gilles AHUIR, Lieutenant-colonel de Gendarmerie à la Direction Centrale Interministérielle d'Intervention Technique (DCIIT),
- M. Nicolas BARGE, Responsable de l’application des plans Vigipirate et gouvernementaux pour la SNCF,
- Pr. Bruno MEGARBANE, Chef du service réanimation médicale et toxicologie à l’Hôpital Lariboisière, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris.
Retour sur cette conférence :
La menace NRBC, risques et généralités
« Il convient de considérer la menace NRBC comme une menace potentielle […], qui existe, même s’il ne faut pas tomber sous la psychose. » Gilles Ahuir – Gendarmerie Nationale
Le contexte de menace auquel fait face la France et les capacités de synthèse toxiques développées localement en Irak et en Syrie, par certaines organisations terroristes, ont renforcé la crainte de la menace terroriste sur le territoire. Jusqu’à présent, et fort heureusement, le rapport « coût-efficacité » des attaques terroristes a écarté les attaques de type NRBC (Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, Chimiques) sur le sol français. Si pour Gilles Ahuir, le NRBC « bénéficie d’une exceptionnelle caisse de résonnance médiatique » et « reste très attractif pour les organisations terroristes », la mise en œuvre d’armes de ce type reste encore difficile.
Ainsi, sur les agents nucléaires et radiologiques, premiers composants du risque NRBC, la création d’un EDEN (engin à dégagement nucléaire) reste une entreprise délicate, notamment au regard des quantités de matières fossiles à mettre en œuvre (uranium, plutonium), et des spécificités liées au design et à la détonique de l’engin. Cependant, l’association de matière radioactive avec de l’explosif (artisanal, militaire ou industriel) et la dissémination de matière qui en résulterait, provoquerait un impact psychologique majeur et nécessiterait un niveau de décontamination élevé. Quant aux sources de matières radioactives classiques, les pertes et vols, régulièrement enregistrés chaque année [1], montrent qu’elles restent assez facilement disponibles. Un certain nombre de trafics de matières radioactives existent également, comme en témoignent les saisies suivantes :
L’utilisation d’agents biologiques à des fins militaires est également complexe. Elle nécessite des compétences en biologie ainsi qu’un minimum de technologie pour les militariser. À nouveau, cette complexité semble limiter pour le moment leur utilisation par les groupes terroristes. De plus, bien que leurs modes de dissémination soient variés (épandage, diffusion liquide, colis piégés), les « résultats obtenus » restent très aléatoires du fait de leurs conditions de dispersion. Le risque en milieu confiné est donc le plus prégnant. Enfin, l’association éventuelle d’éléments explosifs avec des agents biologiques nécessiterait là encore des moyens de protection et de décontamination importants.
Concernant le risque chimique, celui-ci reste à l’heure actuelle le plus menaçant. L’utilisation d’agents chimiques à des fins terroristes reste relativement facile, peu coûteuse, et a été utilisée maintes fois au cours de l’histoire. On distingue ainsi :
- Les agents chimiques militaires, avec un large panel à travers le monde (gaz sarin, ypérite ou gaz moutarde), et dont la production par des groupes terroristes est quasi-quotidienne dans certaines régions (Irak,Syrie).
- Les toxiques industriels tels que le chlore, le cyanure, les pesticides, et dont l’acquisition est plus facile que les agents chimiques militaires. Associés à des agents explosifs, ils constituent un risque sécuritaire majeur.
- Les recettes « low-cost », qui permettent de réaliser avec des moyens dérisoires (eau oxygénée, acide, acétone) des explosifs (TATP) aux effets notables. Cette « chimie du pauvre » constitue un réel risque en matière de terrorismeNRBC-E.
Comme l’a souligné Gilles Ahuir, il convient de considérer la menace NRBC comme une menace potentielle, qui existe, sans pour autant tomber dans la psychose. Les secours de tout ordre (forces de l’ordre, pompiers, médecins) se préparent face à ce risque, en se formant, en s’équipant en matériel de protection et de décontamination, et en réalisant des exercices de crise interministériels et interservices réguliers. Qu’elles soient hautement spécialisées ou primo-intervenantes, les unités de secours ont ainsi largement développé le savoir-travailler ensemble.
La SNCF et le risque NRBC
« L’importance est de travailler ensemble [avec les secours et les parties prenantes], de se connaître. Nicolas Barge – SNCF
Pour reprendre une circulaire du plan gouvernemental NRBC, « les équipes techniques des opérateurs publics et privés, habilitées et dotées d’équipements de protection adaptés, peuvent apporter une assistance technique aux services de secours sur site ». En tant qu’opérateur majeur de transport, la SNCF est pleinement intégrée dans la démarche et la déclinaison du plan Vigipirate NRBC.
Le dispositif NRBC de la SNCF reprend les référentiels établis par le gouvernement. L’idée étant que l’organisation des secours de l’État se fasse, en cas d’attaque NRBC sur le réseau ferroviaire, de la manière la plus efficiente possible avec la SNCF. La connaissance des lieux (gares, tunnels, trains) et l’appui technique dont elle dispose (matériel de voie, moyens de secours internes) permettent à la SNCF d’accompagner les secours dans la gestion de crise. La remontée d’information en cas d’attaque NRBC telle que les symptômes causés par celle-ci (toux, brûlures, maux de tête, yeux qui piquent) permettront également une meilleure prise en charge des victimes le jour J.
À l’échelle de la région Ile-de-France, et pour être prêts à faire face à une attaque de type NRBC ou autre, des personnels d’astreinte sont joignables à tout moment par les secours (BSPP ou SDIS franciliens) et peuvent intervenir rapidement à leurs côtés. Il peut alors par exemple s’agir de guider les secours dans les tunnels, de dégager du matériel, d’ouvrir ou de fermer localement les systèmes de ventilation. Afin d’assurer leur propre sécurité, la SNCF se doit de fournir aux agents d’astreinte spécialisés des tenues de secours NRBC conformes et en bon état. L’ensemble de ces dispositifs (astreintes, matériels spécialisés, renouvellement régulier des tenues et des masques, modification d’organisation des services) représente ainsi un coût financier non négligeable pour l’entreprise.
Enfin, pour veiller au bon fonctionnement des dispositifs et pour être prêts à répondre à une attaque NRBC, des exercices de crise sont réalisés chaque année entre les pouvoirs publics et la SNCF. Tout comme pour l’organisation de l’ensemble des secours, c’est bien le savoir travailler ensemble qui permettra aux opérateurs privés tels que la SNCF de réagir de la meilleure façon à une attaque NRBC.
La réponse hospitalière face à une attaque chimique
« La menace chimique est aujourd’hui omniprésente dans notre société, que ce soit au travail, dans l’environnement, dans le milieu militaire, et bien sûr en raison de la menace terroriste. » Bruno Mégarbane – AP-HP
Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler que l’incendie est la 1ère cause de mort d’origine toxique (fumée). Il existe une multitude d’agents chimiques et de modes de contamination (inhalation, ingestion, injection directe dans le corps, projection). La cinétique des effets des agents chimiques, instantanés ou plus durables, varie également selon les agents utilisés.
Voici à titre d’information quelques éléments de classification des toxiques possibles à l’origine d’une attaque chimique :
Face à cette multitude d’agents toxiques, la réponse hospitalière en cas d’attaque chimique se doit d’être adaptée, rapide et efficace. Les principes d’organisation des secours en cas d’attaque de type NRBC se déclinent alors de la manière suivante :
- Déclenchement du plan rouge (dispositif de secours pré-hospitalier) et du plan blanc (pour les hôpitaux). L’objectif étant de mettre en place des moyens sanitaires supplémentaires pour faire face à des besoins importants.
- Déclenchement du plan Piratox (volet NRBC du planVigipirate).
- Mise en plan d’un poste de secours avancé, pour pouvoir accueillir rapidement les victimes préparer leur transfert vers les centres hospitaliers en fonction de la situation de chacune (Urgence dépassée, urgence absolue, urgence relative, impliquésetc.).
- Mettre en place une chaîne de décontamination à l’entrée des hôpitaux afin que toutes les personnes intoxiquées passent par un sas, et ce afin de protéger les autres patients et le personnel soignant.
- En cas d’attaque chimique, les médecins hospitaliers devront faire un diagnostic rapide basé sur symptomatologie des victimes. Ce diagnostic pourra être confirmé par des analyses ultérieures plus poussées (prise de sang, test urinaire). En effet d’après Bruno Mégarbane, « les marqueurs cliniques et biologiques sont prééminents par rapport aux marqueurs toxicologiques » dans lediagnostic.
- La réponse médicale se fera selon un traitement toxicologique qui peut être présenté de la manière suivante : traitement des symptômes (vitaux en premier lieu), décontamination, traitement d’épuration (pour extraire le toxique déjà rentré dans l’organisme), traitement antibiotique du toxique.
Le risque chimique revêt des formes très variées et frappe sans prévenir. Il est donc indispensable « d’organiser les hôpitaux dans la simplicité et la durée », c’est-à-dire roder les dispositifs de gestion de crise (Plans Blanc et Rouge), former et sensibiliser le personnel médical (des hôpitaux de proximité notamment, premiers concernés en cas d’attaque) et préparer le matériel spécialisé (stocks de médicaments, d’antidotes, tenues et matériels de décontamination).
Pour aller plus loin :
- Ouvrage Les risques NRBC-E savoir pour agir, J.D. Cavall, C. Fuilla, F. Dorandeu, P. Laroche, D. Vidal Editions Xavier Montauban.
- Service de santé des armées – Protection NRBC
- SGDSN – Réponse à la menace NRBC-E
Source :
1 Selon l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire).
2 Selon l’AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique).