IRMA : retour sur la catastrophe par le Centre de Planification et de Gestion de Crise de la Gendarmerie Nationale (CPGC)

Le 8 juin 2018, l’ANAJ-IHEDN ainsi que AEGE organisaient la Nuit de la Gestion de Crise. Cet événement, se proposait, par de multiples ateliers, de cerner l’ensemble des aspects de la gestion de crise. Les conférences organisées permirent aux participants d’entendre le retour de professionnels rompus à cet exercice.

Ce fut le cas du retour d'expérience du Centre de Planification et de Gestion de Crise de la Gendarmerie nationale (CPGC).

Cette conférence était l'occasion de faire la découverte d'une spécialité de la Gendarmerie nationale encore trop peu connue : le CPGC. En effet, créée en 2007, cette unité opérationnelle intervient sur des théâtres d'opération sensibles. Nous pouvons citer des missions comme le crash aérien de la Germanwings, les divers attentats terroristes mais également des catastrophes naturelles comme le cyclone IRMA qui dévasta les Îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Marin, en septembre 2017.  Les membres de cette unité sont les spécialistes des crises ainsi que du soutien à l'organisation de grands événements. L'unité est forte d'un groupement projetable permanent, prêt à intervenir sur le territoire national comme à l'étranger. Hommes d'actions certes, mais aussi de réflexion, ces gendarmes sont des analystes précieux, livrant une aide capitale à la prise de décision en cas de crise, ou à l'organisation d'événements extraordinaires, permettant ainsi aux autres unités de gendarmerie de continuer leur mission quotidienne. Fort d'un matériel pointu, cette unité peut se voir déployer en un temps record. En effet, en temps de crise, une petite poignée d'heures leur suffisent pour être tout à fait opérationnels et autonomes, et ce, même sur terrain très accidenté.

Professionnels de la gestion de crise, les membres de ce groupement purent intervenir sur la catastrophe naturelle qui secoua les Antilles en septembre 2017 : l'ouragan IRMA.

 

Le centre météorologique de Guadeloupe repère la naissance d'un cyclone. A ce stade, il est impossible de définir précisément la force des vents ni la trajectoire que le cyclone suivra.

Cependant, la gestion de crise commence : il est nécessaire d'alarmer les autorités du risque potentiel encouru par les habitants si l'ouragan venait à s'approcher des côtes.

Peu à peu les vents se précisent et la trajectoire s'affine, nous savons dorénavant qu'il touchera les Antilles françaises, sans pour autant pouvoir préciser quelles îles seront touchées.

 

Un vol de reconnaissance est lancé la veille de l'impact. Le constat que rapportent alors les avions est inquiétant : la force des vents va au-delà de toutes prévisions.

 

15 heures avant l'impact, il est déterminé que l'ouragan touchera les Îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy.

 

Le jour J les vents se déchaînent, les communications sont coupées, les abris volent en éclats, si bien que la cellule de crise de la préfecture s'écroule en moins de 30 minutes, obligeant la préfète à se réfugier avec son équipe dans une pièce en béton.

Sur l'île, les dégâts sont similaires : les toits s'envolent, les vitres sont déchirées, l'on peut voir des bateaux encastrés dans des maisons à plus de 100 mètres du littoral… Les gens tiennent les portes et les fenêtres tant bien que mal, risquant leur vie.

 

 

Au lendemain, le constat est sans appel : l'île, réputée pour être un paradis sur terre, a des allures de théâtre de guerres. La dévastation règne tant matériellement qu'humainement. Des familles installées ici depuis des décennies, des générations, perdent maisons, commerces et parfois des proches.

Pire encore, les besoins de l'homme ne disparaissent pas avec une catastrophe : il faut alors nourrir toute une population paniquée et sous le choc. Les supermarchés sont dévastés, pillés. Les gens n'ont plus aucune mesure et sont prêts à se battre pour les dernières provisions. Des groupes commencent aussi à se former et à s'organiser en véritables milices et adoptent des stratégies de survie.

Par ailleurs, ces îles, proches des Etats-Unis sont généralement bien fournies en armes à feu et l'on assiste à divers trafics et conflits. Les motifs, toujours les mêmes : la nourriture indispensable pour la survie, l'eau, celle-ci n'étant plus purifiée par les centre d'épuration, eux aussi dévastés, l'électricité, véritable enjeu dans ces moment-là.

Vous l'aurez compris : il règne sur l'île un aigre parfum de chaos et de violence.

C'est dans ce contexte périlleux que les hommes du CPGC ont été envoyés pour rétablir l'ordre et apporter leur soutien à la population des îles de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin. Bien qu'entravés par les dégâts, ils se sont révélés particulièrement efficaces sur le terrain. Au cours de la première semaine, ils ont été  contraints par la rusticité matérielle : plus de route ni de véhicule les obligeant à se déplacer à pieds. Par la suite, ils ont rétabli une certaine organisation. Leurs rôles ont été  les suivant :

  • Rétablir l'ordre : mettre fin aux conflits de population, divers pillages et autres exactions malveillantes.
  • Rétablir une organisation matérielle : ramener l'électricité sur les îles ainsi que dégager les voies d'accès pour permettre aux secours une intervention dans les zones jusque-là bloquées.
  • Organiser les flux de départ : gérer la détresse de la population ainsi que la hiérarchie des priorités dans l'ordre des départs pour la métropole  (la quasi-totalité des gendarmes en poste sur les îles avant le drame, a demandé  leur mutation…).

 

Si certaines crises peuvent être évitées en amont, une catastrophe naturelle est bien difficile à parer. Quelle analyse pouvons-nous porter sur la gestion de ces crises ?

Premièrement, il faut être pleinement conscient du caractère incontrôlable de la nature. La crise est dans ce cas inévitable. Tout ce que nous pouvons faire, c'est se préparer pour moins en pâtir.

Mettre l'accent sur la prévention et la formation est un axe majeur. En effet, la prévention passe par l'éducation. Combien d'hommes et de femmes, habitants sur les îles, ne savent rien des risques auxquels ils sont exposés ? Cela s'apprend dans la douleur ou par des mesures de précaution.

S'entraider avant, pendant et après la crise est une nécessité. Dès l'annonce, la mise en place d’une organisation collective sera surement plus efficace qu'individuelle. Pendant la crise, l’entraide entre les populations est primordiale. Enfin, après la crise, il est absolument nécessaire de soutenir au maximum les personnes en difficultés et constituer des groupes de travails efficaces et organisés.

Savoir être patient et communicatif. Au lendemain d'une crise, l'ensemble de la population est sous le choc. Les gens sont prêts à se bousculer pour obtenir une place dans le prochain avion, bateau, etc. De même, la violence de ce qu'ils ont vécus se transpose dans leur comportement. Il est nécessaire de prendre conscience que tout est mis en œuvre pour leur venir en aide, mais que le processus sera obligatoirement long et exigeant.

Ainsi, le cas d'IRMA est le malheureux exemple d'une crise naturelle majeure. Celles-ci sont toujours rudes et mettent à l'épreuve les meilleures cellules de crise et forces opérationnelles. Bien que des unités spéciales soient constituées pour leur faire face, les catastrophes naturelles demeurent une menace permanente, sinon croissante.  Pour anticiper et gérer au mieux ces moments difficiles chacun doit bien être conscient du caractère particulier et incontrôlable de ces catastrophes.

 

Médéric Mezzano