[JdR] La Supply chain, un enjeu majeur dans la gestion des risques d’une entreprise

Si tous les dirigeants d’entreprise admettent la nécessité de prendre en compte les risques liés à la chaîne d’approvisionnement dans leur gestion des risques, peu investissent dans l’anticipation de sa survenance. La mondialisation a considérablement modifié la nature de la supply chain ; la rendant plus efficace mais surtout plus vulnérable au « mouvement d’aile d’un papillon situé à l’autre bout du monde ». La qualité du « management » de la supply chain et son suivi de bout en bout, font partie des conditions de réussite d’une entreprise. Dès lors, comment identifier les enjeux, analyser les risques, et anticiper leurs survenances ?

KFC chaîne de restaurant rapide de renommée mondiale, s’est trouvé contraint en février dernier de fermer plus d’un quart de ses restaurants en Grande Bretagne. La raison est aussi simple qu’imprévisible : manque d’approvisionnement de poulet. Son nouveau partenaire de transport logistique l’allemand DHL lui a fait défaut.

Plus loin de nous, en 2011 au japon, à la suite du séisme sur la côte pacifique, c’est l’industrie automobile qui a fait les frais d’une défaillance d’un de ses fournisseurs de pièces détachées. En effet, ce séisme avait paralysé le pays durant plusieurs jours et provoqué un arrêt des chaînes de production. Une réaction en chaîne s’en est suivi avec des ruptures d’approvisionnement de composants électroniques nécessaires dans l’assemblage des véhicules d’où un arrêt des usines.

Durant la même année, c’est PSA qui a été déstabilisé par la défaillance du système informatique d’un fournisseur de visserie italien durant presque un mois, l’obligeant à avoir recours à des livraisons de pièces exceptionnelles. Le point commun dans l’évocation de ces trois cas est une rupture soudaine et imprévue de la chaîne d’approvisionnement (supply chain) qui a eu des conséquences se chiffrant à plusieurs milliers d’euros.

 

Quels enjeux liés à la Supply chain ?

Les chefs d’entreprises sont bien conscients des enjeux liés à la gestion des risques associés à la supply chain. Toutes les sociétés sont concernées par ces risques, quelles que soient leur forme et leur taille mais très peu engagent des dépenses dans ce domaine par manque de retour sur investissement visible. Il s’agit bien, pour l’entreprise, d’une « assurance maladie » ; l’intérêt de cette assurance ne se font sentir que lorsqu’un problème survient.

Les enjeux et objectifs liés aux supply chains sont multiples, il s’agit notamment d’améliorer la performance de l’entreprise, d’obtenir une baisse des coûts significative (flux tendus, sous-traitance…) et de maîtriser les risques opérationnels. Dans ce cadre précis, la performance de l’entreprise se mesure de 2 manières, par l’augmentation du taux de service et par la satisfaction client. On comprend aisément que tout disfonctionnement, retard ou modification de la qualité du produit fini ou défaut d’approvisionnement peut être fatal pour l’image d’une entreprise.

Les risques liés à la supply chain, bien que facilement identifiables, restent difficiles à prévenir à tous les niveaux de la chaîne. En effet, il faut pouvoir conserver une vision et une maîtrise de bout en bout de la chaîne d’approvisionnement et de fait, prévenir une réaction en chaîne en cas de défaillance d’un des maillons.

L’entreprise doit ainsi s’assurer une remontée d’information sur l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement qui va du fournisseur jusqu’au client, ou au consommateur final, en passant par tous les intervenants qui interviennent dans ce processus. Il lui faut organiser la circulation de l’information en impliquant l’ensemble des managers de la supply chain de tous niveaux, mettre en place les bons outils technologiques pour prévenir toute défaillance et être en mesure, le cas échéant, de réagir à temps. Pour prévenir toute défaillance, l’entreprise doit disposer d’une grande capacité d’adaptation et doit donc pouvoir identifier en amont les points faibles, ou dit autrement l’endroit où « un grain de sable pourrait gripper l’engrenage ».

S’il est si difficile de garder la totale maîtrise de la supply chain, c’est que les menaces sont multiples, protéiformes, imprévisibles, omnidirectionnelles et destructrices. Les processus logistiques se sont étendus et complexifiés de par :

  • La multiplicité des acteurs, partie prenante dans la supply chain,
  • Les emprises géographiques des sites de production, bien souvent très éloignés de l’usine d’assemblage finale du produit,
  • Les systèmes d’informations qui sont basés sur l’informatisation des réseaux,
  • Le développement croissant du e-commerce…

Ces nombreuses mutations s’accompagnent de nouveaux risques qui ne sont pas toujours correctement pris en compte par les entreprises.

 

Quels risques pour la supply chain ?

« La sécurité d’une chaine repose sur celle de son maillon le plus faible »

Deux études menées respectivement par « Global Operations Megatrends Study – Focus on Risk Management » et par Génerix Group, permettent d’identifier clairement quels sont les principaux facteurs de risques présents sur les supply chains. La première étude traite de :

  • La défaillance des systèmes d’information et de communication ;
  • La volatilité des coûts et des prix ;
  • La mondialisation de l’économie.

Ces facteurs sont confirmés par la seconde étude qui évoque :

  • L’indisponibilité des systèmes d’information,
  • La défaillance ponctuelle d’un fournisseur,
  • Des pics de volumes imprévus.

Font suite les catastrophes naturelles mais elles ne restent que faiblement citées. Ainsi, toute atteinte au bon fonctionnement d’une supply chain par un des facteurs de risques identifiés ci-dessus, si elle n’est pas anticipée, sera susceptible d’engendrer des surcoûts directs ou indirects.

De plus, dans un monde "tout connecté", le e-commerce exacerbe ce phénomène, où la concurrence et l’immédiateté des commandes demandent plus de flexibilité et d’agilité de la supply chain. Par exemple : l’incapacité de faire face à des pics de volumes imprévus pénalise la grande distribution de biens de consommation courants et l’industrie. L’insatisfaction du client augmente ce qui engendre une baisse des chiffres d’affaires. Les difficultés à anticiper les tendances futures peuvent mettre en danger les sous-traitants ou fournisseurs et, in fine, entraîner une dégradation de la supply chain. En effet, dans ce cadre, l’analyse prédictive et l’analyse consistant à projeter les tendances passées ne suffisent pas.

 

Quelles solutions à promouvoir par la manager supply chain ?

Le nerf de la guerre c’est l’information, la collecte et la protection des bonnes informations permettent de partager les connaissances en interne et avec ses partenaires. Pour cela, il faut détecter les sources de dysfonctionnements le plus tôt et au plus près.

Une information stratégique doit être disponible, de qualité et d’accès rapide ; une information stratégique parvenue trop tard à la direction n’est plus exploitable. Il faut, de fait, utiliser des indicateurs pertinents en mesure d’alerter d’un possible changement de situation. Ce qui implique d’analyser les risques opérationnels propres à son secteur d’activité et à ceux dont il dépend. Une fois dressée une cartographie des enjeux, risques, puis des points de faiblesse ou de tension de l’entreprise, il s’agit de définir les solutions les mieux adaptées aux scénarii du pire. Mettre en place un plan de continuité de l’activité (PCA) qui prendrait en compte la capacité de tous les sous-traitants et partenaires à réagir en cas d’incident (notamment transporteurs), cela implique de tester ces PCA sur les fournisseurs critiques.

Malgré la modification profonde des marchés et des chaînes d’approvisionnement, ce domaine n’avait pas vu ses méthodes de traitement évoluer depuis 1970 et se voyait appliquer jusqu’alors la MRP (Material requirements planning). Depuis quelques années cette méthode a évolué en DDMRP (demand driven MRP) qui permet de structurer la supply chain en y plaçant aux endroits vulnérables des Buffers. Ceux-ci permettent d’amortir les variabilités de demandes qui, jusqu’alors, étaient transférées aux fournisseurs ou sous-traitants. Leur organisation et leur production en étaient alors largement fragilisées.

La priorisation des ordres de fabrication ou d’achat à traiter se fait quotidiennement ce qui permet d’éviter des surplus de stocks ou des ruptures de pièces et marchandises. Cela implique une gestion dynamique des buffers sur les « nœuds clés de voûte » des supply chains, en s’appuyant non pas sur des prévisions, sur des tendances mais bien sur la demande réelle. Au delà, les solutions de gestion interne des risques, des solutions assurantielles existent, mais elles ont pour seuls objectifs de couvrir les risques de perte d’exploitation, le but étant de protéger les flux de trésorerie.

 

Le futur de la supply Chain 

Pour aller encore plus loin dans la réflexion, il convient de citer le Benchmark effectué par le site internet ASLOG (1èr réseau français des professionnels de la supply chain) qui a défini des enjeux clef pour préparer et anticiper les supply chains de demain. Ces prescriptions majeures devront être intégrées par les entreprises pour faire face aux évolutions futures des supply chains, elles sont aux nombres de 5 :

  • Intégration des nouvelles technologies;
  • Agilité et résiliences des organisations;
  • Devenir omni-canal de distribution ; grands magasins, boutiques en ligne;
  • Gestion et adaptation du capital humain (entendu la formation, attrait des métiers, attraits des talents);
  • Responsabiliser la supply chain en prenant en compte la santé des opérateurs (conditions de travail) et la protection de l’environnement, avec le label RSE (responsabilité sociétale des entreprises).

Longtemps négligés par les dirigeants, les enjeux liés à la maitrise de la supply chain sont incontournables dans un processus d’intégration mondiale poussé à son paroxysme. Sans vision de bout en bout, sans cartographie des risques, sans remontée d’information fiable et permanente, ni capacité d’agilité et d’adaptabilité, les risques sont démultipliés.

 

Club Risque AEGE