[JdR] Stress et Crise : au milieu de la tourmente des cadres

La Nuit de la Gestion de Crises du 8 juin proposait d’aborder l’une des composantes clé d’une gestion de crise : la gestion du stress. Comment en situation de crise, gérer son stress et celui des autres ? Magali Babonneau, psychologue clinicienne spécialisée en criminologie, victimologie et risques psychosociaux, animait un atelier afin de comprendre et d’évaluer son niveau de résistance face au stress.

 

Le stress : définition et composantes

Révisons nos classiques : qu'est-ce que le stress ? Anglicisme signifiant « effort intense », le stress est une réaction de l'organisme face à une agression brusque. Le stress est défini comme étant un mécanisme d'adaptation, une perception psychologique et physiologique de nos capacités à nous adapter face à une situation que l'on rencontre.

Le stress est un état que tout le monde connaît, dans la vie quotidienne mais aussi dans le monde du travail. Une étude réalisée par le cabinet Stimulus révèle qu'un Français sur quatre est sujet à un état d'hyper-stress dû à son travail.

Comprenons maintenant le mécanisme du stress. Il débute par une phase d'alarme : c'est le moment où la pression monte (proportionnelle au nombre de tâches à faire) et où le contrôle nous échappe. Physiologiquement, le corps libère de l’adrénaline, pour préparer l’organisme au changement, dans l’objectif d’obtenir une réaction.

Dès lors, nous devons nous adapter à cette nouvelle conjoncture, c'est la phase de résistance. Le corps va produire plus de sucre pour augmenter l’endurance. L’individu peut puiser dans les réserves de sucres afin d’être opérationnel et apte à répondre à la situation.

Après une période de stress prolongée, l’individu est dans l’incapacité́ à s’adapter aux symptômes physiques et psychopathologiques dus à l’excès de stress. C’est la phase d'épuisement : le corps ne répond plus.

 

Dans le cadre de la gestion de crise, le stress est omniprésent. Reprenons le cas du produit chimique dont nous avons parlé la semaine dernière. En tant que directeur de l'usine, la quantité de stress est incommensurable. Sollicité de tous côtés par les journalistes, la mairie, les familles des victimes, sa propre équipe… la situation est difficile à gérer. Tout l'intérêt de l'exercice de la Nuit de la Gestion de Crise était de comprendre si chacun était sujet facilement au stress en 19 questions. Une première partie évaluait le stress personnel en quatre catégories : stress très bas, stress bas, stress élevé et stress très élevé. La seconde partie du questionnaire évaluait le niveau de stress que le candidat émet sur son entourage au quotidien reprenant les mêmes critères de jugement. L’objectif était de définir son profil pour être conscient de son niveau de stress en amont d’une crise.

Par ailleurs, être stressé est une chose, être stressant en est une autre. En effet, le stress ne se limite pas à un aspect individuel, il est collectif.

Dès lors, le stress est un enjeu de groupe et doit être traité en le prenant compte. Une équipe unie et se faisant confiance sera toujours plus efficace qu'une équipe désorganisée où les responsables ne savent pas déléguer et de fait croulent sous la pression, entraînant leur équipe avec eux.  L'Agence européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail révélait en 1999 que le stress est à l'origine de 50 à 60% des journées de travail perdues. Il est peu probable que ce chiffre est diminué.

Or, une gestion de crise nécessite l’articulation de l’ensemble des personnes au service d’une crise : aucun membre de l'équipe ne peut se permettre d'être défaillant.

Pour autant, faut-il renoncer totalement au stress ? Non. Le stress est une composante essentielle à la réussite, s'il est correctement géré et bien dosé. En effet, durant la phase de résistance, l'apport en sucre va dynamiser l'ensemble du corps et du cerveau, permettant ainsi d'être plus réactif.

Or, dans la gestion d'une crise, le temps est fondamental. Être rapide, être capable de prendre les bonnes décisions dans un temps très court, manager son équipe, tout cela demande une quantité d'énergie considérable. Dès lors, le stress se révèle positif. Tout est dans la mesure.

 

L’apprentissage de la gestion du stress

Distinguons deux dimensions : l'une collective, l'autre personnelle.

D'un point de vue collectif, la gestion du stress en temps de crise peut s'anticiper de plusieurs façons :

  • Exercice de simulation : la réalisation d'exercices de mise en situation afin d'anticiper sa réaction en temps de crise. Ainsi, le jour où la crise est réelle le mécanisme est rôdé et la gestion de crise se fera de façon plus limpide.
  • Team building : connaître les forces et les faiblesses des gens avec qui nous travaillons permet réellement d'ôter une charge de stress considérable. On ne confie pas n'importe quelle tâche au premier venu, il faut savoir qui est le plus apte à réaliser telle ou telle action. Il faut construire un esprit d’équipe.
  • Apprendre à déléguer : cette dimension ne s'applique pas qu'aux cadres dirigeants. Dès lors qu'une personne est sous votre responsabilité, il est absolument primordial de lui confier une charge de travail en toute confiance. De nombreux de cadres refusent cet aspect et sont débordés.
  • Se former en continue : de nos jours les menaces évoluent, l'émergence de la cyber criminalité apporte des crises tout à fait nouvelles pour certaines entreprises. Si cette dimension n'a jamais été prise en compte, la gestion de crise se fera dans la douleur, personne ne sachant comment y répondre. Ainsi, la formation est plus que jamais une nécessité afin d'anticiper les menaces futures.

Gérer son stress personnellement est chose plus délicate : là où la gestion en entreprise sera potentiellement imposée par la hiérarchie, apprendre à manager son propre stress demande un effort personnel contraignant et non imposé. Pourtant, le burn-out guette de plus en plus de travailleurs, les chiffres parlent d'eux-mêmes : 3,2 millions seraient soumis à un risque élevé de rupture. En tant de crise ou au quotidien, la gestion du stress permet d'intégrer l’évènement, et de pouvoir y répondre de la meilleure façon possible. Pour cela, il est crucial d'apprendre à se connaître, reconnaître ses limites et être à son écoute pour mieux analyser et maitriser nos différentes réactions et celles d'autrui. La gestion de la respiration va permettre une meilleure oxygénation du cerveau et améliore les capacités cognitives (prise de décision, capacité à réfléchir et à élaborer). Il est possible de s'entrainer pour développer ses automatismes de part des exercices sportifs et de simulations et de relaxation. Il est indispensable d'avoir conscience de son propre état émotionnel et de s'occuper également de soi. Le but est de mettre en place un ensemble de procédures afin de maîtriser au mieux les conséquences sur son bien-être physique et psychique (prendre soin de soi au quotidien, avoir des activités dites "échappatoires", loisirs, sport).

 

La méditation : un outil de gestion du stress

La Nuit de la Gestion de Crises nous proposait une introduction à la méditation, menée par Clément Durand en 30 minutes. Apprendre à respirer en temps normal est aussi important qu'en temps de crise. Comprendre sa respiration, la maîtriser, faire le vide autour de soi, ce sont les clefs d'un acteur efficace. Cette pratique est de plus en plus répandue dans les entreprises et apparaît également les grandes écoles de commerce telle que l'Ecole de Management de Grenoble avec son programme « Mindfulness ».

Les bienfaits de la méditation portent sur le court comme sur long terme. Sur l'instant, un profond sentiment de relâchement s'installe, vous redevenez maître de votre respiration. Cette dernière est, rappelons-le, l'alpha et l'oméga de la pratique méditative. Une séance de méditation ne nécessite aucun matériel particulier. Seul la volonté de s'accorder ce laps de temps sera nécessaire.

Sur le long terme, la méditation agira sur la concentration, la capacité à se détacher rapidement de certains problèmes et réduira considérablement l’état de stress, ou du moins permettra de mieux l'appréhender.

Pour s’initier à la méditation, il est facile de trouver en ligne des programmes de méditation interactifs ou simplement guidés. Les applications de téléphones sont également en pleine croissance sur ce marché et proposent des services complets, gratuits ou payants. La méditation devient donc accessible à tous.

Un esprit sain dans une entreprise saine, telle est la clé d'une bonne gestion de crise.

 

Médéric Mezzano