La crise politique et sécuritaire au Mali a progressivement plongé toute la région dans une situation de fragilité et d’insécurité. La proximité géographique du Burkina Faso avec le Mali et le Niger l’a exposé au phénomène terroriste. Plusieurs mobiles peuvent expliquer l’émergence de ces attaques.
La porosité des frontières (au Nord et à l’Est) et l’alliance avec les puissances occidentales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Sahel ont fait du Burkina Faso une cible de choix. L’intervention française au Mali en janvier 2013, appuyée par le déploiement d’une force ouest-africaine (MINUSMA) à laquelle le président Blaise Compaoré a apporté un soutien politique et militaire ont entraîné des menaces de représailles terroristes. Enfin, l’instabilité du régime burkinabé gangréné par des mouvements populaires et le renversement du Président Compaoré en octobre 2014, suivi d’une tentative de coup d’Etat, n’ont fait que dissoudre le système sécuritaire déjà fragilisé.
Un grand front djihadiste au Nord
Si dans un premier temps, les représailles annoncées n'ont pas été suivies d'actions concrètes, la situation a néanmoins évolué au cours de l’année 2016 où plusieurs attaques sporadiques ont été recensées sur les forces de sécurité dans le nord du pays.
Par la suite, la situation s’est fortement dégradée au premier semestre de l’année 2017 dans la province du Soum – Oudalan (Nord) malgré la mise en place d’initiatives communes avec les pays voisins pour lutter contre l’expansion de la menace terroriste. Les attaques ont été attribuées au GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), un rassemblement de plusieurs factions terroristes sous la direction d’Iyad Ag Ghaly, le célèbre djihadiste malien. Non seulement ces groupes ciblent les forces de sécurité (commissariats, postes frontaliers, casernes militaires) mais ont également entamé une campagne d’intimidation sur les enseignants locaux afin d’y imposer une éducation islamiste radicale. C’est au cours du second semestre 2017 que la menace s'est progressivement étendue sur l’ensemble de la frontière avec le Mali en direction du sud (provinces du Kénédougou, de Kossi, Yatenga)
Ouverture d’un deuxième front djihadiste à l’Est
Depuis 2018, les régions de l’Est et du Centre-Est (provinces de Gourma, Komondjari, Koulpélogo, Kompienga et Tapoa) ont connu des incidents croissants. Sous la pression des forces armées une partie des groupes terroristes s’est déplacée et rassemblée dans l’Est du pays, formant une nouvelle poche djihadiste. Plusieurs sources évoquent le possible repli d’éléments d’Ansarul Islam. Cette zone forestière, difficile d’accès et peu contrôlée par l’armée, est également un ancien bastion traditionnel du banditisme dans la région. Si dans un premier temps les attaques étaient orientées sur les forces de sécurité, ces dernières ont progressivement évoluées vers l’utilisation de mines antipersonnelles et d’homicides ciblés sur les populations civiles. Les attaques rarement revendiquées installent un climat de guérilla. Seul un groupe d’autodéfense locale, les Koglweogos (une milice de paysans et d’éleveurs), tente de résister face aux terroristes.
Une capitale affaiblie
Ouagadougou n’est pas épargnée par la menace djihadiste. La double attaque menée le 2 mars 2018 et revendiquée par le GSIM a rappelé les difficultés de sécurisation de la capitale. À l'occasion d'une réunion du G5 Sahel à l'État-major des armées, plusieurs individus armés ont attaqué le bâtiment à l'aide d'un véhicule piégé avant d'ouvrir le feu. Au même moment, un second commando a tenté d'attaquer l'ambassade de France. Au total, 8 assaillants et 8 militaires ont été tués ainsi que 80 personnes blessées dans ces incidents d'une ampleur et d'une préparation inédites. Par conséquent, la menace reste très élevée dans la capitale malgré la mise en place d’un important dispositif de sécurité.
À ce jour, les groupes armés djihadistes ont fait depuis 2015 près de 230 morts civils et militaires au Burkina. Face à cette multiplication des fronts, le gouvernement burkinabé peine à organiser la riposte des Forces de Défense et de Sécurité. Le Président Kaboré invoque une insuffisance des moyens pour riposter face à la progression des groupes djihadistes. Cette difficulté résulte également de l’absence de vision stratégique au sein du gouvernement. Enfin, les officiers supérieurs peu aguerris face à cette nouvelle menace semblent dépassés par les événements. Ce malaise se ressent au sein de l’armée ou plusieurs mutineries ont déjà éclaté.
Vers une évolution de la menace terroriste au Burkina Faso ?
Les manifestations contre le gouvernement et en soutien aux forces armées ont été très suivies par la population. Malgré ce risque généralisé, la menace d’extrémisme violent au Burkina Faso n’est pas imminente et reste faible comparé aux pays voisins. Si le climat social se tend de plus au plus, le risque d’implosion ou de soulèvement est quant à lui très faible.
Cependant, en l’absence de contrôle par le gouvernement sur son territoire et au vu des nombreuses menaces et factions terroristes à ses portes, la menace terroriste est avérée. Le déploiement par le Burkina de 2000 soldats à la force de la MINUSMA et l’hébergement de la base arrière des forces de Barkane font du Burkina Faso une cible indéniable. L’étalement de ces attaques dans le temps aura des conséquences sur les plans politique, économique, social et géopolitique.
Tout d’abord au niveau politique, les terroristes qui déstabilisent le pays mettent en évidence la fragilité du système de sécurité et de l’État burkinabé qui ne dispose ni des ressources ni des compétences pour lutter contre le terrorisme idéologique et la guérilla. Sur le plan économique, les attaques portent atteinte à l’image du Burkina en tant que pays sûr et fréquentable. Le secteur minier (secteur important de l’économie nationale) pourrait être fortement impacté si les investisseurs disparaissaient. Sur le plan social, il existe un risque de fragilisation de la cohésion sociale. Le discours extrémiste pourrait à terme recevoir des échos favorables auprès de certaines couches de la population. Enfin sur l’aspect géopolitique, la déstabilisation du Burkina Faso ouvrirait les portes aux terroristes vers l’ensemble de la sous-région. La chute du Burkina Faso risquerait de rendre vulnérables les capitales du Sud telles que Cotonou, Lomé, Accra, Abidjan et même Dakar.