[JdR] La bourse : le nouveau passe-temps à risque du confinement

Une crise est toujours synonyme de gains potentiels financiers. Pendant que certaines entreprises divisent leur nominal pour favoriser les investissements, le phénomène de « boursicotage » se développe et cela non sans risque pour ce nouveau type d’investisseurs.

Comme le dirait tout bon capitaliste, « pour s’enrichir, rien ne vaut une bonne crise ! ». Malgré une amélioration des marchés financiers depuis décembre 2018, la pandémie de la Covid-19 nous replonge dans une nouvelle crise pour les années à venir. De la restauration à l’aéronautique, tous les secteurs sont touchés. L’arrivée du virus a provoqué de lourdes chutes sur les marchés, mais les annonces des laboratoires fabriquant des vaccins rassurent et boostent les marchés. Ces derniers voient l’apparition d’un nouveau type d’investisseurs qui souhaitent profiter de ces variations et achètent quelques actions de leur compagnie préférée, attendant avec impatience une envolée pour devenir l’un de ces grands traders millionnaires grâce à la bourse.

Les cours boursiers sous stéroïdes

Avec le deuxième confinement, la Direction Générale du Trésor estime à 20 % la perte d’activité mensuelle due à ces nouvelles restrictions. Le confinement a pour conséquence l’apparition de traders amateurs ou plus familièrement de « boursicoteurs ». Ils ont du temps, de l’épargne et aucune connaissance des rouages de la bourse. Ils « jouent » à la bourse confondant les traders expérimentés avec des parieurs professionnels, sans réaliser les pièges, et les conséquences. À cela s’ajoute des plateformes de trading proposant des frais de courtage intéressants et des accès simplifiés rendant ces nouveaux « boursicoteurs » plus aptes à l’exposition au risque.

La plateforme Robinhood en est un exemple symptomatique. Elle offre des services financiers accessibles via des applications permettant la démocratisation de la finance. Cette société a notamment réussi une levée de 460 millions de dollars supplémentaires lors d’un tour de financement privé, portant sa valorisation à 11,7 milliards de dollars. Leur forte influence les a propulsé eux-mêmes en bourse. Ce développement rapide de l’entreprise met en avant cet effet de séduction d’investisseurs de moins de 30 ans qui se ruent sur leurs applications de trading.

En plus d’avoir des plateformes plus faciles d’accès à ces nouveaux investisseurs, les entreprises s’ouvrent aussi à ces nouvelles formes d’investissements. Tesla ou encore Apple choisissent par exemple, de diviser le nominal de leur titre afin de simplifier encore plus l’accès à leurs marchés. En réduisant la cote de l’action ils réussissent finalement à augmenter le nombre d’investisseurs potentiels et provoquent une forte hausse du cours de l’action, dont le risque est d’entraîner une surcote……

En témoigne, en juillet dernier, la valeur boursière deTesla qui battait le record des 200 milliards de dollars sur la place new-yorkaise à la clôture. Aujourd’hui, la société d’Elon Musk est à plus de 480 milliards de dollars de capitalisation boursière, soit sept fois plus que Ferrari, Porsche et Aston Martin réunis. La valeur des grandes entreprises ne cesse de croître, ce phénomène s’observe notamment avec le combiné d’Apple, Amazon, Microsoft, Alphabet et Facebook qui dépasse désormais 6 86 800 milliards de dollars. Mais cette croissance ne représente qu’une infime partie du marché boursier. De nombreuses autres enseignes sont menacées et se retrouvent  même dans l’obligation de fermer, comme ce fut le cas le 10 novembre dernier pour dix enseignes Printemps.

Les risques à prévoir avant de boursicoter

Il existe de nombreux risques lors d’un investissement. Le plus évident est le rendement espéré, car plus un investisseur cherche un rendement élevé plus il sera risqué. Mais il en existe de nombreux autres:

 

  • Risque conjoncturel : il s’agit d’un ensemble de facteurs économiques, monétaires ou psychologiques qui influencent défavorablement les performances des différents agents économiques. C’est de loin le risque le plus grand sur un investissement comme nous le démontre la crise du Covid.

 

  • Risque pays : : il se comprend comme le risque économique et politique d’un État étranger dans lequel une entreprise effectue une partie de ses activités. C’est le cas du peso argentin en baisse, dû à la dévaluation imposée par la banque centrale argentine, pour prévenir d’un risque d’inflation.

 

  • Risque de change : : risque auquel s’expose tout investisseur se portant acquéreur d’un actif libellé dans une autre devise que celle ayant cours légal dans son pays. Ce risque peut être matérialisé par les cryptomonnaies ou encore l’Euro Numérique.

 

  • Risque d’inflation : principalement dû à des variations brutales de l’offre et de la demande de biens et de produits dans l’économie, au surenchérissement du coût des matières premières ainsi qu’aux hausses salariales excessives. Derrière le bitcoin, comme dans les autres cryptomonnaies, les risques d’inflations sont importants.

 

  • Risque de liquidité : certains titres sont fortement volatils mais ont peu de liquidité, c’est-à-dire que chaque jour, le volume d'échange est limité. Ainsi l’investisseur, faute de liquidité suffisante d’un titre, court le risque de ne pouvoir vendre ses titres à un prix déterminé, faute d’acheteurs. Le confinement pourrait engendrer une nouvelle crise de liquidité si ce dernier dure trop longtemps.

 

  • Risque psychologique : Tous ces risques amènent un risque psychologique: le risque qu’un investisseur ait un comportement irrationnel de panique ou d'euphorie face à un environnement donné.

 

Deux techniques de limitation du risque

Deux techniques peuvent permettre de limiter l’exposition au risque : l’investissement dans la valeur et l’analyse technique.

L’investissement dans la valeur est une technique de sélection de titre qui prend en compte l’irrationalité des marchés au travers de l’allégorie de « M. Marché » et veut même en tirer parti. Le père de cette technique est Benjamin Graham, mentor de Warren Buffet, dont ce dernier dit dans la préface de la réédition de son livre, intelligent investor, qu’il « est de ces hommes qui plantent des arbres à l’ombre desquels d’autres grandissent ». Pour Graham, « M. Marché » est un individu bipolaire chargé d’acheter et de vendre des titres qui se présente tous les matins à votre porte. Un jour, euphorique, il tente d’acheter le titre au-dessus de sa valeur réelle, persuadé que le cours va encore augmenter. Le lendemain, son humeur change et il souhaite vendre le titre à un prix inférieur à sa valeur intrinsèque afin de s’en débarrasser. Benjamin Graham propose de tirer parti de cette irrationalité et d’attendre les moments de déprime, où le titres sont moins chers que leur valeur réelle pour se positionner. Pour cela, il suffit de calculer la valeur intrinsèque de l’entreprise à laquelle il faut appliquer une marge de sécurité. L’application de cette marge de sécurité permet de limiter l’exposition au risque à long terme et de tirer parti de l’irrationalité du marché. Cependant, la détermination de la valeur de l’entreprise nécessite une vraie discipline et un investissement temporel important.

L’analyse graphique, moins chronophage, permet quant à elle de limiter l’exposition au risque à court terme sans prendre en compte la valeur réelle de l’entreprise. Ce type d’analyse s’appuie sur un ensemble d’indicateurs (moyenne mobile, chandeliers japonais, RSI, phases, figures géométriques, etc…) qui permettent relativement facilement de déterminer des signaux d’achat ou de vente lorsque la courbe atteint certains niveaux. Aujourd’hui, la plupart des brokers (services qui permettent l’accès aux marchés) proposent ces indicateurs gratuitement via leurs applications ou leurs sites. En outre, il est possible pour tout utilisateur de prévoir à quel prix un titre devra être racheté ou revendu sans avoir besoin d’avoir les yeux sur la courbe.

 

Étant donné que l’échange en bourse ne naît que d’anticipations opposées quant à la variation future du cours, il est important de se prémunir contre les autres mais aussi soi-même.

 

Thomas Dourron