L’océan Indien est un espace maritime essentiel pour le commerce international mais régulièrement perturbé par la piraterie somalienne. Ce risque, qui pèse sur les compagnies maritimes, fait face à un risque assurantiel important dû à une augmentation du prix. Un accroissement qui profite finalement aux assurances.
Les zones de l’océan Indien les plus touchées par les actes de piraterie se trouvent sur la côte Est de la Somalie. Les détroits de Malacca, d’Ormuz et le canal de Suez permettent à la moitié de la flotte mondiale de porte-conteneurs ainsi qu’une partie du trafic de supertankers de naviguer vers leurs destinations. Les détroits encadrant l’océan sont eux aussi des cibles privilégiées par les pirates car ce sont des points de passage obligatoire pour les marchandises en provenance, ou à destination de l’Europe, de l’Asie et du Moyen-Orient.
La piraterie est un risque pour le commerce maritime dans la région et pousse les États à agir en déployant des moyens militaires et des dispositifs de renseignement pour sécuriser ces voies maritimes à risque. L’opération européenne Atalante, menée depuis 2008 dans le Golfe d’Aden et l’océan Indien permet ainsi de lutter contre la piraterie. Le 4 décembre 2020 le conseil de sécurité de l’ONU a d’ailleurs reconduit pour un an les autorisations accordées aux États et aux organisations régionales coopérant avec la Somalie dans la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes. Ces autorisations permettent à ces États de déployer des navires de guerre pour sécuriser les voies maritimes et faire baisser le risque de piraterie. La piraterie somalienne a plusieurs origines : un climat de sécheresse poussant la population vers les côtes, des États étrangers venant pêcher au sein même des eaux territoriales de la Somalie et enfin l’absence d’un pouvoir central permettant ainsi aux chefs de guerre de proliférer. Pour expliquer ce phénomène de piraterie il faut aussi prendre en compte le risque politique au sein de cet État. La Somalie est un État failli ou en anglais un « collapsed State » où l’appareil étatique est inexistant. Ce type d’État se caractérise par des guerres civiles et une fragmentation du pays. Du fait de cette absence d’autorité étatique, les activités criminelles s’y développent plus facilement qu’ailleurs.
Un risque assurantiel permanent du fait de la piraterie
Un vrai risque assurantiel pèse sur les compagnies de transport face aux risques de piraterie. Du fait de techniques d’attaques modernes, les pirates vont faire augmenter le risque pesant sur les navires. Le nombre d’attaques de piraterie est en hausse dans l’océan Indien augmentant donc la probabilité qu’un navire se fasse attaquer. Le prix des assurances ainsi que le prix à la pompe vont donc augmenter pour les compagnies maritimes. En effet, les navires empruntant les routes maritimes au large de la Somalie ont vu leurs primes d’assurance considérablement augmenter. Selon Atlas Magazine “en 2008 pour 100 000 000 USD d'assureur, un armateur payait une prime de 20 000 USD. En 2011 cette prime s'élève à 150 000 USD”. Depuis 2008 les assureurs proposent même des services « anti-pirate ». Ces services prennent en charge le remboursement de la rançon, la prise en charge de l’immobilisation du navire et enfin les coûts de négociation. Pour calculer le montant de la prime d’assurance, l’assureur va prendre en compte le degré de la menace dans la zone empruntée et du type de bateau. Ue rapport d’information du Sénat en date de juillet 2012, reprenant le rapport du « Conseiller spécial du Secrétaire Général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes », pointent du doigt ce risque assurantiel lié à la piraterie. Effectivement les navires passant au large des côtes somaliennes ont vu les tarifs d’assurance des transporteurs maritime quadrupler entre 2008 et 2012.
Néanmoins en 2019 les actes de piraterie au large de la Somalie ont diminué de moitié par rapport à 2018 avec seulement 25 attaques (contre 48 en 2018) du fait du renforcement de la sécurité au cours des dernières années. En revanche, le risque de piraterie dans le Golfe de Guinée a augmenté en 2019 et en 2020. Cette zone représente 6 000 kilomètres de côtes du Sénégal à l'Angola. Son trafic est important avec 4 000 navires par jour et 10% du pétrole mondial.
La Somalie possède une économie principalement liée à l’agriculture (2/3 du PIB qui était en 2018 à 7,484 milliards de dollars) ce qui la rend très dépendante des conditions climatiques. Ces dernières années, les taux de chaleur enregistrés ont augmenté rendant encore plus difficile de faire pousser des cultures. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture rappelle depuis 2012 que le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté de 46 % dans les pays d’Afrique subsaharienne dont la Somalie. La sécurité alimentaire s’est donc encore dégradée en 2019 poussant la population à se rabattre sur les côtes.
Un certain nombre de pirates arrêtés ainsi que le témoignage de hauts fonctionnaires permettent de comprendre les actes de piraterie dans cette région. Ils expliquent que les activités de pêche illégale des bateaux étrangers au large des côtes somaliennes laissent peu de ressources restantes aux pêcheurs somaliens. Ces bateaux seraient un danger pour leurs survies car ils pratiquent la surpêche à l’aide de filets de largeur non réglementaire dans les eaux limitrophes et nationales de la Somalie. De plus, d’autres navires déchargent des déchets toxiques le long du littoral augmentant ainsi le ressentiment de la population contre ces navires pouvant les pousser vers la piraterie. Une autre explication est que la piraterie somalienne est devenue une activité lucrative, d’ailleurs bien peu pratiquée par d’anciens pêcheurs. Seulement 6,5% des attaques sont menées contre des bateaux de pêches étrangers venant ainsi remettre en cause les témoignages des pirates.
Une piraterie organisée renforçant les risques pesant sur les navires
Les pirates somaliens utilisent tous plus ou moins les mêmes techniques d’abordage. L’utilisation des skiffs qui sont de petites embarcations légères et rapides permettent aux pirates de frapper vite et fort et peuvent atteindre une vitesse de vingt-cinq nœuds. Une fois le navire repéré, les skiffs s’approchent via un angle mort pour se coller contre sa coque, ce qui leur permet de monter à bord sans se faire remarquer immédiatement.
Néanmoins, les pirates se sont professionnalisés et dotés d’équipements modernes comme des GPS ou encore des téléphones satellitaires sans oublier un armement lourd comprenant des lance-roquettes ou des fusils d’assauts. L’objectif étant d’attaquer vite avant que la proie ne puisse réagir tout en ayant les moyens de l’impressionner. Les technologies satellitaires simplifiant la navigation pour les navires de marchandises deviennent un risque technologique exploitable par les pirates. Les GPS, les télécommunications en haute mer ainsi que les récepteurs du système d’identification automatique (AIS) des navires permettent aux pirates via des technologies simples de repérer précisément la position du navire. Les pirates ont seulement besoin d’un récepteur couvrant la bande VHF marine, d’un ordinateur portable et d’un logiciel spécifique peu cher et trouvable sur internet pour capter les signaux émis plusieurs fois par minute par l’AIS.
Hary Biddulph pour le Club Risques de l'AEGE
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