[Conversation] Francis Serrano – L’Intelligence économique à l’IESAS

Le 18 juin, les membres de l’Institut européen des sciences avancées de la sécurité (IESAS) se sont rassemblés pour échanger autour du thème de l’IE et des ingérences étrangères. Le Portail de l’IE a rencontré Francis Serrano, président de l’association qui réunit une soixantaine d’acteurs de la sécurité publique et privée.

Quelques jours après la publication du rapport d’activités 2023 du SGDSN, revenant largement sur les ingérences numériques étrangères, l’Institut européen des sciences avancées de la sécurité (IESAS) s’est réuni pour échanger sur le thème de l’IE et des ingérences étrangères. Une conférence tenue par Christian Harbulot a permis d’introduire les échanges. Cet expert international en intelligence économique est revenu sur les moyens d’actions des puissances étrangères les plus efficientes, exposant les concepts de guerre de l’information et d’encerclement cognitif

Sensibiliser les acteurs économiques, investir une coopération public-privé et  « passer à l’offensive » semblent être les clés d’une protection pérenne des intérêts français face aux ingérences étrangères. Directeur des relations institutionnelles chez Securitas France, Francis Serrano explique le rôle de l’IESAS, créée en 1997, dont la devise  « Réfléchir et Agir pour un avenir plus sûr » incarne la mission de défense des intérêts français de la sûreté et de la sécurité.

Entretien avec Francis Serrano, président de l’IESAS et directeur des relations institutionnelles chez Securitas France

Francis Serrano

PIE : L’IESAS se présente comme un lieu d’analyse des problématiques liées aux atteintes à la sûreté et à la sécurité des personnes et des biens de toute nature. Quelles évolutions entre les valeurs et la mission de l’IESAS aujourd’hui et celle fixée à sa création il y a plus de 25 ans ? 

Francis Serrano : L’institut européen des sciences avancées de la sécurité (IESAS) est effectivement un lieu d’échanges et de partage d’expertises, d’expériences opérationnelles, qui tire profit de la qualité de ses membres issus du secteur public et privé. Ces derniers, par leur engagement, contribuent à faire vivre l’Institut et le tenir à la pointe de l’actualité. La convergence des profils multi compétents, nous permet même de nous projeter, voire anticiper certaines situations, sans trop nous égarer. 

 

PIE : Comment se concrétise votre mission, quelles sont vos actions ?

Nous sommes dans l’action sous plusieurs formes. Cinq fois par an, nous débattons dans nos réunions publiques sur différentes thématiques. En 2023, nous avons élaboré un livre blanc, qui propose quelques axes très concrets pour améliorer la sûreté dans notre société, et valorise les métiers de la sécurité/sûreté. Nous réalisons en parallèle des évènements avec nos partenaires : MBA EOGN, Milipol, réunions croisées avec le GPMSE, etc…

Notre approche est unique, nous n’avons aucun sponsor, l’Institut vit des cotisations des membres, et nous sommes tous des bénévoles actifs professionnellement.

PIE : « Les membres veillent, partagent leur vision, se projettent vers l’avenir, réfléchissent. » Quelle importance est donnée à l’Intelligence économique dans les différents métiers représentés par les membres de l’Institut ?

L’IE est vitale pour les entreprises et les institutions, et nos membres en sont conscients. Déjà par leur propre connaissance du sujet, et en complément par une approche transverse de cette discipline à l’IESAS, qui nécessite l’intervention régulière d’experts de l’intelligence économique, pour sensibiliser et faire une piqûre de rappel sur tous les sujets autour de l’IE : contre-ingérence étrangère, attaques cybers, espionnage, etc… Le travail dispensé par Christian Harbulot, Alain Juillet et d’autres personnes imminentes sur le sujet, a fait son œuvre, et l’IESAS soutient depuis plusieurs années ces initiatives. 

PIE : Les membres de l’IESAS préconisent de l’influence et des actions auprès des Institutions comme du secteur privé. Y a-t-il une différence entre les perceptions et actions de l’IE entre les membres du secteur public et ceux du secteur privé ? Y a-t-il des actions réalisées conjointement ?

Comme vous le savez, le secteur public dispose de moyens, tant législatifs que réglementaires, d’outils, ressources, et services qui sont difficiles à comparer avec le privé. Toutefois, des coopérations existent bel et bien, et l’Etat met à disposition des entreprises, ses services spécialisés, et des actions sont bien menées conjointement, mais il est préférable de ne pas l’évoquer ici. Nous sommes en contact avec les référents dédiés du secteur public, et je peux témoigner que les services de l’Etat sont à l’écoute, quand nous leur soumettons des points concrets concernant l’IE, et n’hésitent pas à nous visiter pour sensibiliser nos membres. 

PIE : On entend beaucoup parler du passage à l’offensive, notamment à travers des acteurs impliqués tels que Christian Harbulot ou Emmanuel Chiva. Quelle pratique de l’IE défensive ou offensive sont soutenues par l’Institut ?  Avez-vous un ou des exemples d’actions effectives actuelles ?

Vous vous en doutez, nous soutenons pleinement Christian Harbulot et respectons, admirons, son engagement pour protéger nos institutions, entreprises, biens, et personnes des contre-ingérences étrangères. De même pour Emmanuel Chiva, qui effectue un travail remarquable, en qualité de délégué général pour l’armement. Personnellement, je suis d’assez près ces deux personnes exemplaires pour notre pays. 

Notre Institut, comme je l’ai déjà souligné, n’a pas à se soustraire aux professionnels de l’IE, mais offre une tribune pour que les experts puissent s’adresser aux membres, et sympathisants et les inciter à réfléchir et agir dans la protection de leurs propres intérêts, et plus globalement ceux de leur secteur. Certains membres de l’IESAS travaillent ensemble, et échangent les bonnes pratiques, y compris pour l’IE.  En exemple, la protection du « secret des affaires », qui passe souvent sous les radars, et à noter que les enjeux économiques et fondamentaux pour les entreprises et la nation, ne sont pas neutres,  nous le rappelons régulièrement. 

PIE : Votre conférence du 18 juin portait sur l’ingérence étrangère. Nous sommes tous concernés et à tous niveaux. Quel conseil donner aux patrons et aux gouvernants pour se protéger contre les ingérences grâce à l’IE ? 

Etant donné que la question est posée, je suggère simplement, que les patrons et gouvernants se rapprochent en priorité des services spécialisés de l’Etat (ce qui à mon avis est déjà fait), qui sont réellement à l’écoute et prodiguent d’excellents conseils, pour se protéger et anticiper toutes formes d’attaques. Nous sommes tous concernés évidemment, toutefois, les PME représentent une cible privilégiée pour des attaques, non pas, par méconnaissance, mais par manque des moyens à mettre en œuvre pour se protéger ; j’évoque en particulier la Cyber. Nous avons parmi nos membres, des professionnels de l’IE, qui agissent dans ce monde sans pitié, et sans anticipation, l’expérience nous démontre que les conséquences peuvent être dramatiques, sans protection..

En résumé, je pense que la France est dotée d’outils IE, de moyens et de ressources tant humaines que techniques, que n’avons à envier à personne. A chacun d’en faire usage, et un bon usage… 

 

Propos recueillis par Agathe Bodelot

 

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