Nexter renforce son influence à Bruxelles et ouvre un bureau de représentation

Entre 2012 et 2018, le budget des groupes d’intérêts des dix entreprises de l’industrie de la défense les plus importantes en Europe a doublé pour atteindre 5,6 millions d’euros. L’attention croissante des institutions européennes pour la défense et en particulier son industrie pousse ces entreprises à accroître leur présence à Bruxelles. Cela est d’autant plus vrai pour les nouveaux champions européens de la défense comme KNDS qui, avec sa filiale Nexter Systems, vient de poser un premier pied dans la capitale belge.

 

Lobbying et défense dans les institutions européennes

Depuis la fin des années 1990, une restructuration progressive de l’industrie de la défense en Europe est à l’œuvre et la financiarisation des entreprises étatiques d’armement s’est accélérée. C’est dans cet environnement que ces dernières ont voulu accroître leur présence au sein des institutions publiques, en particulier européennes. A ce titre, Nexter Systems, aujourd’hui filiale du groupe franco-allemand KNDS, s’est inscrite le 26 septembre 2018 au registre européen de transparence qui recense les groupes d’intérêt.

Créé dès 1996 par le Parlement européen, puis étendu à la Commission en 2011, ce registre fournit des informations sur les entités qui désirent influencer la politique et le processus de décision européen. Malgré certains avantages (tenue des réunions au sein du Parlement, par exemple), l’inscription n’est pas obligatoire. Mis à jour en temps réel, il recensait 11 822 entités enregistrées le 20 octobre dernier.

 

KNDS : Le désir de donner le tempo à l’industrie de défense terrestre européenne

Dans ce contexte, Nexter System a créé un bureau de représentation à Bruxelles. Il a confié ce bureau à M. Jean-Marc Edenwald, ancien ingénieur en chef des études et de l’armement à la DGA, qui dispose déjà d’une expérience dans le conseil et dans la représentation d’activités industrielles de la défense au sein des institutions européennes.

Plusieurs raisons motivent la création d’un tel bureau et la présence de l’entreprise auprès des institutions européennes. En effet, ni Krauss-Maffei Wegmann (KMW), qui a fusionné avec Nexter System en 2015, ni l’entité qui en résulte, KNDS, ne sont inscrites au registre de transparence. De par sa fusion avec le groupe allemand, il était nécessaire à Nexter System de bénéficier d’une représentation européenne pour avoir un poids dans les contrats en cours de négociation au niveau européen. D’ailleurs, parmi les sept « grandes » entreprises de la Base industrielle et technologique de défense (BITD) française[1], Nexter Systems était la dernière à ne pas être inscrite.

Par ailleurs, la loi de programmation militaire 2019-2025 met l’accent sur la coopération industrielle européenne. Or KNDS va jouer son futur dans les années à venir. Selon une étude réalisée par l’entreprise et citée par le président du groupe, Stéphane Mayer, 8000 chars et 3500 systèmes d’artillerie actuellement en service au sein des forces armées européennes devront être renouvelés. Et KNDS a l’intention de saisir les opportunités qu’impliqueront tous ces remplacements. Le programme franco-allemand de futur char de combat en fait partie.

L’enjeu de l’homogénéisation des règles d’exportation pousse également Nexter à agir. En effet, la France et l’Allemagne ont encore des positions bien différentes sur la question et Nexter n’a, dans l’immédiat, pas intérêt à ce que la position commune européenne sur l’exportation d’armes soit rendue plus contraignante. Cet enjeu est d’autant plus important qu’en 2017, 58 % des prises de commandes de Nexter l’ont été à l’export. Ainsi, en parallèle de la création d’une inscription au registre européen, l’entreprise marque un intérêt pour intégrer le Kangaroo Group, un Think Tank qui rassemble des représentants de tous les horizons, publics et privés, et qui traite notamment de l’Europe de la défense, en partie sous un prisme industriel.

Ainsi, déjà présent dans certains réseaux qui ont une présence marquée à Bruxelles, comme le GICAT, le GIFAS ou ASD[2], Nexter System renforce encore un peu plus son influence et espère s’imposer comme l’un des leaders de l’industrie de défense terrestre européenne.

 

Matthieu Levray

 


[1] Airbus, Thalès, Safran, MBDA, Naval Group, Dassault.

[2] Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT), Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales (GIFAS), Aerospace and Defence Industry Association (ASD)