Dans un rapport d’information de l’Assemblée Nationale sur l’avenir de la politique industrielle européenne, des élus se sont positionnés pour la création d’un service d’Intelligence Économique sous le giron de la Commission Européenne. Cette vision témoigne d’une prise de conscience dans les sphères politiques françaises et européennes d’une nécessité d’une transition d’une Union Européenne à la « logique technocratique » à une « logique stratégique ».
Mis en ligne le 1er avril 2021, le rapport d’information déposé par la Commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale sur l’avenir de la politique industrielle européenne n°4025 suggère dans sa proposition 21 de mettre en place une agence européenne dédiée à l’intelligence économique, pilotée par la Commission européenne. Dans le cadre de la politique de concurrence et de la politique industrielle européenne, elle aurait pour finalité d’analyser les comportements des principaux concurrents aux entreprises européennes et évaluer les menaces potentielles sur l’autonomie stratégique de l’Union.
Les deux auteurs, Patrick Anato, député en La République en Marche (LREM) et Michel Herbillon, député Les Républicains, s’accordent pour mettre en place des nouveaux instruments pour lutter contre les entreprises étrangères, bénéficiant de larges subventions accordées par des États étrangers de l’Union, profitant pourtant d’un accès au marché intérieur. Thierry Breton, Commissaire européen au Marché intérieur, dans le cadre de la publication du Livre blanc sur les effets de distorsion liés aux subversions étrangères au sein du marché unique, s’était déjà exprimé en la faveur, jugeant que ces entreprises faussaient la concurrence.
Au travers de ces propositions, le rapport plaide pour un changement de paradigme au sein de l’Union Européenne, où l’ouverture du marché commun a privilégié la compétition entre États-Membres plutôt qu’une collaboration face aux États et entreprises du monde extérieur. Dès lors, le rapport privilégie la mise en place d’outils de prospective, notamment pour faire face à la menace d’intervention et de croissance exponentielle d’entreprises chinoises, subventionnées massivement par Pékin. Dès lors, des décisions telles que l’interdiction du rapprochement entre Siemens et Alstom par la Commission n’auraient pas lieu. Grâce à un service d’intelligence économique européen, celle-ci aurait compris qu’en s’adjugeant 60 à 70% du marché mondial hors-Chine, elle aurait pu être prête à affronter la concurrence du chinois CRRC, leader mondial du ferroviaire à la croissance exponentielle, qui lorgne désormais sur l’Europe.
Thibault Menut
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