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[Conversation] Maître Marais avocat chez SIMON ASSOCIÉS : l’IE et le droit pénal de l’entreprise sont plus qu’interdépendants, ils sont interconnectés

Le Club Droit & Intelligence Economique (CD&IE) de l’AEGE a eu la chance de s’entretenir avec Maître David MARAIS, avocat auprès de SIMON ASSOCIÉS et expert en protection des entreprises et intelligence économique. L’originalité de la création d’un département droit pénal de l’entreprise et intelligence économique au sein du cabinet où il exerce a éveiller l’intérêt du CD&I qui a souhaité le rencontrer.

CD&IE : Quel est votre parcours ? 

Me Marais: J’ai eu un parcours académique assez atypique car contrairement à beaucoup de mes camarades qui ne visaient que le droit pénal, et se rêvaient aux assises, ou que du droit des affaires, et qui se rêvaient entourés de grands patrons, j’ai choisi…de ne pas choisir et de faire les deux ! J’ai donc un cursus en droit des affaires et en droit pénal (Master 2 Sorbonne). Ma formation professionnelle a suivi la même logique puisque j’ai été formé en début de carrière chez JEANTET & ASSOCIÉS en contentieux commercial et arbitrage international (notamment vers l’Afrique) puis en pénal des affaires chez Olivier METZNER et enfin en droit pénal du travail dans un cabinet nommé SPF LEGAL. 

J’ai parachevé cette « double formation théorique » par une « double formation pratique » à partir de 2009 grâce à mon élection à la Conférence du Barreau qui m’a permis d’affronter la réalité des gardes à vue, des comparutions immédiates, des assises, des correctionnelles « musclées », en parallèle de ma collaboration pour un cabinet qui, lui, ne pratiquait que du pénal de l’entreprise (notion qui intègre le pénal des affaires et le pénal du travail).

À la sortie de la Conférence, j’ai senti que ces 4 points cardinaux de ma construction professionnelle (formation en pénal, formation en droit des affaires, pratique du pénal « dur », pratique du pénal de l’entreprise) me rendaient efficace. Ils me permettaient autant de me battre en correctionnel ou en garde à vue que de comprendre les discussions et enjeux d’une négociation sur les actifs d’une société. J’ai donc posé ma plaque et je pratique depuis cette « voie du milieu » entre droit pénal et droit des affaires : le droit pénal de l’entreprise.

CD&IE: Comment êtes-vous parvenu à vous intéresser à l’IE ?

Me Marais: Je suis un éternel apprenant, mais au bout de 10/12 ans de pratique, j’ai eu envie de « sortir la tête du guidon » et de reprendre des études, en me formant sur autre chose que mes spécialités. Étant très autodidacte sur la psychocriminologie, je me suis d’abord orienté vers cette matière, avec le projet d’aller l’étudier à la source aux États-Unis, les cursus français me semblant encore légers. Cela n’a pas pu se faire car je ne pouvais quitter mon cabinet, mes clients, pendant 6 à 12 mois ! Je me suis donc orienté vers d’autres secteurs qui m’intéressaient : la conformité, les enjeux de sécurité des entreprises, les risques et leur protection. C’est ainsi que je suis allé naturellement vers l’intelligence économique (IE) qui regroupait tout cela – et plus encore puisque s’y ajoutent la gestion de crise ou le lien au renseignement – et que j’ai suivi la formation pour obtenir le titre « d’expert en protection des entreprises et en intelligence économique » au sein de la 22ème promotion de l’INHESJ (2018/2019).

CD&IE: Quelle est votre définition de l’IE en tant qu’avocat pénaliste et de quelle manière l’associez-vous au droit pénal des entreprises ? 

Me Marais: Aujourd’hui l’avocat de manière générale, et le pénaliste en particulier, est appelé quand le mal est fait : une faute, une infraction a été subie ou commise. Il y a une sorte de dichotomie chronologique entre le préventif et ses professionnels (auditeurs, professionnels du HSE, risk manager, service compliance etc…) et le curatif, réservé aux avocats. Cette dichotomie est un aveuglement aussi global chez les acteurs de l’IE que pénalisant. 

Prévenir le risque d'infractions sans avoir une vision globale de celles à éviter, ni la connaissance de la pratique est aberrant. De la même façon, il est nécessaire, lorsque l’on est avocat, de collaborer avec les techniciens du risque, d’utiliser les moyens de protection existant comme la compliance pour plaider une absence ou atténuer la responsabilité pénale. La collecte de renseignement nécessite également un encadrement juridique, souvent oublié, et donc l’avis d’un spécialiste, tout comme l’avocat peut avoir besoin, à propos de son client et/ou son adversaire, d’informations utiles à sa stratégie. 

Si l’on ouvre les yeux et que l’on cesse cet aveuglement, on voit qu’en réalité que l’IE et le droit pénal de l’entreprise sont plus qu’interdépendants, ils sont interconnectés. Pour moi, l’avocat doit intervenir dans la gestion des risques pénaux aux côtés des spécialistes des risque internes et externes à l'entreprise cliente. Il doit être présent de l’audit à l’audience.

CD&IE: Pourquoi le cabinet SimonAssocié a-t-il jugé pertinent l'ouverture d'un département IE ? 

Me Marais: L’histoire de notre rapprochement est assez simple mais très réfléchie. Je voulais développer une nouvelle offre sur le marché permettant aux clients de gérer leur risque pénal à 360° de l’audit à l’audience. Cette offre comprenait un accompagnement dès la mise en place de leurs actes de prévention des risques, jusqu’aux actions potentielles contre la réalisation de ces risques (actions offensives comme victime ou actions défensives comme auteur). C’était impossible à mettre en place seul, il me fallait donc évoluer vers un cabinet plus important, multi-services. Je souhaitais également que cette offre, par souci de souveraineté économique et de protection des données sensibles, soit 100% française. Le cabinet SIMON ASSOCIÉS est l’un des seuls cabinets français à avoir un département compliance (dirigé par Stéphanie De Giovanni) et un département droit du travail/RSE/HSE (dirigé par Nicolas Billon) permettant de compléter l’audit du risque pénal à mes côtés, comme, avec le département contentieux commercial, de lancer des actions sur tous les fronts en cas de besoin (social/pénal/commercial/civil). 

CD&IE: Quelles sont vos activités principales au sein de ce nouveau département Droit pénal et IE de Simon Associés ?

Me Marais: Mon activité au sein du cabinet est double à mon sens. D’une part, les affaires pénales peuvent remonter du département droit du travail ou des divers départements traitant du droit des affaires et pour l’aspect prévention/protection du risque pénal, du département compliance. D’autre part, dans des dossiers traités par le département compétent (mais aussi par des confrères d’autres cabinets), il y a de manière ponctuelle, des questions de risques, de procédure, ou d’analyse juridique liées au pénal. 

CD&IE: Pour quels types de clients opérez-vous ? Entreprises, particuliers, grands groupes… ?

Me Marais: Ma clientèle va de très grands groupes internationaux ou français, à des PME/TPE, des dirigeants d’entreprises et plus rarement des salariés, pour lesquels je suis toutefois régulièrement saisi de dossiers de harcèlement ou de discrimination. Je défends également quelques « personnalités » du monde de la politique, du spectacle – dans le milieu du rap notamment sur lequel j’ai beaucoup écrit – ou du football.

CD&IE: Quels secteurs industriels sont les plus réceptifs à vos prestations ?

Me Marais: L’une de mes principales spécialités étant le contentieux pénal des accidents du travail (blessures/homicides involontaires), l’un des secteurs dominants dans mon activité est le BTP, qui reste malheureusement sujet à ces problématiques malgré de véritables efforts. Je citerais en second lieu le milieu de la restauration où j’interviens plutôt sur des pratiques de travail illégal, malgré de salutaires efforts. 

Concernant le droit pénal des affaires (qui intègre les abus de confiance, abus de biens sociaux, l’escroquerie ou la corruption notamment), il n’y a pas de sollicitations émanant d’un secteur en particulier. Toute entreprise peut avoir un salarié ou un dirigeant indélicat, ou subir une attaque extérieure, ce qui me convient parfaitement car ainsi j’apprends toujours de nouveaux métiers, de nouvelles pratiques. C’est passionnant. 

Pour le reste, je m’adapte aux demandes de mes clients. À titre d’exemple, un groupe de transport m’a fait faire du droit pénal du transport, des personnels hospitaliers, du droit pénal médical, tel client, du droit pénal fiscal, de la diffamation etc. Presque tous les corpus juridiques spécifiques contiennent des dispositions pénales, j’ai donc une activité « transversale » qui m’oblige à m’adapter.

CD&IE: Quelles ambitions avez-vous pour votre nouveau département ?

Me Marais: Mon ambition est de convaincre les entreprises, y compris les PME et ETI, que dans un monde de concurrence voire de guerre économique, se protéger face à l’ensemble des risques, tous les risques, est un gain et non un coût. Éviter un accident du travail, un détournement de données stratégiques ou une fraude au président économise des centaines de milliers d’euros. De manière générale, il est nécessaire que l'avocat, notamment lorsqu'il est diplômé pour ce faire, devienne un interlocuteur essentiel à l'entreprise tout au long du processus de protection de celle-ci (prévention/solution) ou de crises (cellule de crise), comme il l'est déjà dans le processus d'action ou de réaction.

CD&IE: Quelles relations et évolutions futures entre le droit et l’IE envisagez-vous ? 

Me Marais: J’espère qu’elle ces relations se développeront. L’IE critique souvent le fonctionnement en silo comme n’étant ni stratégique, ni productif, et ne voit pas qu’elle a aujourd’hui le même problème. À titre individuel, je travaille avec des professionnels du risque (HSE, compliance, société de sécurité, ou cabinet d’IE ou d’audit…) et je tente de nouer des partenariats. Or, sur un plan global, nos professions ne se parlent pas, ne pensent à l’autre que ponctuellement, alors que, nous l’avons vu, nos travaux sont interconnectés et se complètent mutuellement.   

 

Club Droit & IE de l'AEGE

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