Londres et Bruxelles : une guerre économique en passe de trouver une solution ?

Les épisodes se succèdent les uns à la suite des autres dans la série du Brexit. Lundi dernier, le Royaume-Uni a finalement concédé de nombreux points à Bruxelles, pour sa sortie de l’Union européenne.

Il n’était pas étonnant qu’après le vote du Brexit, un gouvernement conservateur, et en tête de file Theresa May, ait été constitué. Si l’objectif commun des Tories est la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, encore faut-il qu’ils s’entendent sur la nature de ce Brexit : vont-ils s’accorder sur une « hard » ou une « soft » rupture avec Bruxelles ?

La réponse devient plus claire aujourd’hui…

Divisions en interne et pressions en externe : protectionnisme gouvernemental contre libéralisme entrepreneurial

Les négociations et les premiers pas avancés entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, lundi, sont le résultat de deux types de pressions, notamment économiques.

En première ligne de front, il y a le patronat britannique. Depuis des mois, ce dernier tente d’influencer et de faire pression sur le gouvernement afin d’assouplir sa position radicale sur le Brexit. C’est notamment le cas de la Confederation of British Industry et sa directrice générale qui, en faisant entendre la voix des entreprises, arguaient de rester le plus proche possible du marché européen.

De nombreux patrons d’entreprises ont également donné de la voix sur la position du gouvernement et la question du Brexit. Certains ont prôné « le mal que le Brexit pourrait faire – et fait déjà – sur le « made in UK », leur profit ainsi que sur leurs employés ». D’autres, comme le PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, réclamaient un nouveau vote pour le Brexit, qui serait, selon lui, une “monumental and irreversible” décision. D’autres encore, comme le British Council, ont décidé, et ce malgré le Brexit, de maintenir leurs priorités sur les marchés internationaux. À cela s’ajoute l’état de fait que certaines entreprises quittent le territoire britannique, comme l’entreprise Unilever.

Ajouté à ces pressions internes, Bruxelles est également un acteur d’influence contre la position du gouvernement de Theresa May. Le Brexit n’ayant pas eu lieu, le Royaume-Uni fait toujours partie de l’Union européenne et donc doit toujours respecter ses réglementations  C’est le cas notamment des normes financières, l’un des leviers offensifs directs et essentiels dans cette guerre économique. À ce titre, dès octobre 2017, la Commission européenne a ouvert une enquête sur le gouvernement britannique en matière d’imposition. Certains groupes multinationaux auraient été exemptés de l’application des règles britanniques de lutte contre l’évasion fiscale.

 

Et le vainqueur est… ?

Bruxelles et le patronat britannique ! Du moins, c’est ce qui semble se profiler aujourd’hui.

Lundi, Londres a fait plusieurs concessions d’importance. La première est la durée de la transition qui sera prolongée jusqu’au 31 décembre 2020, comme le réclamait Bruxelles. Durant cette période, le pays pourra continuer d’accéder sans entraves au marché intérieur européen, mais il devra continuer de contribuer au budget communautaire. En revanche, il n’aura plus qu’un titre consultatif et ne pourra participer qu’à des réunions dites d’experts.

Sur la difficile question irlandaise, le résultat est relativement mitigé. Même si Londres a un peu reculé sur sa position, l’Irlande du Nord reste une épine enfoncée dans son pied. En effet, le Royaume-Uni a annoncé que si aucune solution britannique n’était trouvée, en évitant le retour d’une « frontière dure » entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, ce sera la proposition européenne qui s’imposera, à savoir : la mise en place d'un espace réglementaire incluant les Vingt-Sept et l'Irlande du Nord. Or, ces mesures signifieraient le déplacement de facto de la frontière européenne en mer d'Irlande. Une telle concession serait pour Theresa May « un suicide politique », notamment parce que sa fragile majorité parlementaire dépend d’une alliance avec le parti unioniste nord-irlandais DUP.

C’est pourtant ce qui semble déjà se profiler avec l’union douanière. En effet, Londres a proposé que le contrôle des marchandises, devenu nécessaire entre l’UE à vingt-sept et le pays, ne s’effectue pas à la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, qui doit rester virtuelle afin de préserver les accords de paix de 1998. Ce contrôle aura donc lieu dans les ports britanniques. Ce sera une manière détournée (et non-voulue ?) de réunifier l’île d’Irlande par le commerce.

De fait, la perspective d’un « non-accord » entre Londres et Bruxelles s’éloigne peu à peu. Néanmoins tout n’est pas encore réglé : la transition, selon Michel Barnier, chef des négociations européennes, ne sera définitivement acquise que lorsque les différentes parties prenantes se seront mises d’accord sur tous les points du divorce, et ce, au plus tard en octobre 2018.

Affaire à suivre au prochain épisode…

Gaëlle Landru