Le 15 janvier 2020, le président des Etats Unis, Donald Trump, cosignait avec le vice-Premier ministre chinois, Lui He, la première phase d’un accord international devant mettre fin à la guerre commerciale que se livrent les deux nations depuis près de deux ans.
Un compromis semble avoir été trouvé entre les deux plus grandes puissances économiques de la planète. Le texte signé dans le Bureau Ovale répond aux principales critiques du président américain. La Chine s’engage à acheter pour 200 milliards de dollars de produits et services américains supplémentaires en 2020 et 2021. En 2018 elle en avait importé pour 120 milliards de dollars selon l’organisme américain de statistiques. Cette mesure vise à rééquilibrer la balance commerciale entre les deux pays. L’accord prévoit également une meilleure protection de la propriété intellectuelle, second point d’achoppement entre les deux nations.
Depuis sa campagne électorale de 2016 pour la présidence des Etats Unis, Donald Trump n’avait eu de cesse de fustiger le protectionnisme chinois, allant jusqu’à dénoncer une « grande muraille protectionniste » responsable, selon lui, du fort déficit commercial des américains vis-à-vis de la Chine. Quelques mois après son investiture en tant que 45ème président des Etats Unis, Donald Trump procède à de multiples hausses des droits de douanes sur les importations de différents produits chinois. Dans le même temps, des accusations d’espionnage industriel et de vols de propriété intellectuelle fleurissent sur le compte Twitter du président américain. Cela aboutira à une véritable guerre commerciale menée au grand jour et venant remettre en cause les grands principes de l’économie libérale.
La signature de cet accord pourrait marquer la fin du conflit commercial ainsi que la victoire de Donald Trump dans son bras de fer avec Pékin. Le président américain s’est empressé de qualifier le texte d’historique et de le présenter comme un « pas décisif » vers « un avenir de commerce équitable et réciproque » avec la Chine. Liu He, quant à lui, reconnaissait que « la coopération est la seule option correcte ». La seconde phase de l’accord, devrait être signé après Novembre 2020 et la potentielle réélection de Donald Trump. Ce dernier capitalise déjà sur cette victoire et en fera très certainement l’un de ses chevaux de bataille dans la campagne à venir.
Pour autant, si l’armistice semble être signée, le conflit n’est toujours pas éteint. Les droits de douanes institués depuis le 22 mars 2018 à l’encontre des produits chinois seront maintenus tant que la deuxième phase de l’accord ne sera pas rentrée en vigueur. D’autre part, l’accord ne prévoit pas non plus de régler le différend qui oppose la Maison Blanche à Huawei. Le géant chinois demeure donc sur la liste des entreprises avec lesquelles les firmes américaines n’ont pas le droit de commercer. Le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a précisé à la chaîne américaine CNBC que la question sera traitée « séparément » en tant que « question de sécurité nationale ».
Néanmoins, comme le rappelle le Washington Post, la victoire de Donald Trump reste à nuancer. La guerre commerciale a fait de nombreuses victimes des deux côtés du Pacifique. La hausse des tarifs douaniers a entrainé une hausse des coûts pour les ménages américains et participé à un ralentissement de la croissance économique. La guerre tarifaire est également venue aggraver la situation d’une industrie américaine déjà en récession et a mis à mal près de 1,5 millions d’emplois aux Etats Unis. Pire encore, l’interdiction faite aux groupes américains de commercer avec plusieurs firmes chinoises ont poussé les géants chinois du numérique à développer leurs propres solutions techniques venant ainsi remettre un peu plus en cause le monopole des GAFAM sur le secteur du numérique. Enfin, ce conflit vient mettre à mal la règle qui veut que les différends entre pays se règlent par l’entremise de l’arbitrage international. Le recours avoué aux outils de guerre économique et commerciale est donc de très mauvais augure pour les institutions libérales telle que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), qui ne devrait pas se réveiller de son état de mort cérébrale dans un avenir proche.
Le retour progressif à la normale et la fin du conflit commercial devrait néanmoins profiter à la croissance mondiale. En octobre le Fonds monétaire international (FMI) estimait que la passe d’arme prolongée entre les deux pays avait été la principale source du ralentissement synchronisé de l’économie dans le monde.
Thomas Labbouz