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L’East Mediterranean Gas Forum se transforme en organisation régionale

En parallèle de la crise turco-grecque sur la délimitation de frontières maritimes communes et d’exploitation des fonds marins riches en ressources gazières, sept pays méditerranéens ont signé un accord érigeant une initiative d’échanges sur les hydrocarbures en organisation régionale de régulation du marché local, donnant plus de corps au projet de gazoduc EastMed au détriment des intérêts turcs.

Ce 22 septembre, les ministres italien, grec, chypriote, égyptien, israélien, jordanien et palestinien en charge de l’énergie se sont virtuellement réunis pour acter la transformation en organisation régionale de l’East Mediterranean Gas Forum (EMGF), une plateforme de discussion spécialisée sur les découvertes de gaz en Méditerranée orientale.

Née en janvier 2019 et domiciliée au Caire, cette initiative a pour but de soutenir la valorisation des ressources, définir une vision stratégique et une réglementation communes entre parties prenantes, investisseurs et acteurs privés de l’exploration-production compris  (ENI, Total, Exxon, Noble Energy puis Chevron). Soit autant d’éléments susceptibles de faire émerger un marché régional du gaz contrôlé par les puissances régionales membres de l’EMGF, dans la ligne des ambitions initiales et à l’instar de l’OPEP (toutes proportions gardées), dominée par les puissances du Moyen-Orient. L’organisation est ouverte à tous les Etats et institutions internationales dans le respect de ses valeurs et de son esprit de coopération, ce qui compromet probablement une candidature de la Turquie au regard de la crise actuelle avec la Grèce.

L’EMGF aura notamment l’occasion de prouver sa pertinence de son existence lors de l’exécution du projet Eastmed, lancé en janvier 2020, destiné à exporter le gaz régional vers l’Europe et dont la viabilité économique est contestée à plusieurs titres. Tout d’abord, il est menacé d’obstruction par un risque politique depuis l’accord de partage des eaux entre la Turquie et le GNA libyen en novembre 2019 (Ankara n’ayant pas signé la convention internationale de Montego Bay en 1982 sur la délimitation des frontières maritimes), empiétant sur le tracé prévisionnel. D’autre part, la stratégie énergétique européenne considère le gaz comme une énergie de transition dans le mix, faisant diminuer sa consommation et mettant en péril l’avenir à long terme des 9 à 11 milliards de m3 projetés du pipeline. Enfin, sa rentabilité est jugée plus fragile du fait de son prix (6 à 7 milliards d’euros) et vraisemblablement de ses défis techniques (en comparaison le projet Nord Stream 2, s’il est achevé, devrait transporter 55 milliards de m3 pour un coût de 9,5 milliards d’euros).

On peut également noter la présence à cette réunion de la France, candidate à l’intégration de cette organisation depuis janvier 2020, ainsi que des Etats-Unis qui souhaitent en être membres observateurs. Avec cette participation, le pavillon tricolore est en mesure d’appuyer Total, présent dans la zone. Il tend aussi à renforcer son empreinte sur une zone où les crises semblent se multiplier, afin d’appuyer l’exportation de ses industriels de défense (Dassault et le gouvernement français ont reçu commande de 18 Rafale pour 2 milliards d’euros auprès de la Grèce après démonstration de leurs capacités opérationnelles), visiblement grands gagnants de cette crise frontalière.

 

Louis-Marie Heuzé