L’Allemagne enregistre ses lobbies et accroît leur visibilité normative

Le mercredi 3 mars 2021, l’Allemagne a créé un registre des lobbies au Bundestag. C’est l’aboutissement d’un projet lancé le 11 septembre 2020 qui prône plus de transparence dans l’émergence de projets politiques. Ce registre a pour effet de créer un cadre réglementaire entre la société civile, les entreprises et la politique et permettrait une intervention plus directe des lobbies sur les projets de loi.

Selon les Echos, ce registre ciblera les organisations non gouvernementales et les prestataires de services de lobbying. Le projet de loi a pour but d’indiquer clairement quels sont les intérêts du secteur privé, défendus par les organisations non gouvernementales, voulant influencer la législation fédérale ou d'autres décisions politiques. Avec ce registre, la transparence sera établie grâce à « l'empreinte législative » qui doit être introduite par la loi. Cela devrait signifier que les lobbyistes et les consultants externes qui ont participé à la rédaction de projets de loi devraient y être nommés et clairement reconnaissables.

Les lobbies étant souvent mal perçus, cette loi a pour but de les intégrer pleinement à la procédure législative et donc au processus décisionnel et démocratique. En faisant la pleine lumière sur un secteur perçu comme obscur, le gouvernement allemand espère faire des lobbies des relais directs en matière d’application de la démocratie dans le pays. De plus, si l’objectif principal que poursuit ce registre est la transparence, ce dernier est accompagné d’un code de conduite contenant des sanctions en cas de violation de ce code. Les violations pourront être sanctionnées par une amende allant jusqu’à 500 000 euros et le refus d’adhérer au registre pourra entraîner une inscription sur liste noire. 

La création de ce code n’induit pas que tous les lobbies partiront sur un pied d’égalité. En effet, certains lobbies particulièrement puissants, comme celui de l’automobile en Allemagne, verront leur pouvoir politique grandement augmenté par ce texte. Grâce à ce dernier, ils pourront influencer directement les normes et réglementations afin de calibrer les marchés pour leurs produits. Berlin et son industrie ayant un rôle décisionnel particulièrement influent dans l’UE, ce projet de loi pourrait permettre aux entreprises allemandes d’influencer directement les marchés européens. 

En France, l’Assemblée Nationale et le Sénat disposent chacun d’un registre, la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, créé en 2009 et numérisé en 2017. Le Parlement européen et la Commission européenne ont mis le leur en place en juin 2011. Le retard de l’Allemagne peut alors s’expliquer par une autorégulation efficace jusque-là, mais cela reste insuffisant pour faire poids à l’échelle européenne qui a lancé le projet de nouvelles règles communes en 2018.

Maryam Karkach 

 

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