Les Rafale Papers : manipulation informationnelle ou défaillance d’État ?

Dans le cadre du contrat à 7,8 milliards des Rafales vendus en 2016 par la France à l’Inde, l’Agence française anticorruption (AFA) révèle qu’un intermédiaire commissionné à un million d’euros, est actuellement poursuivi pour blanchiment d’argent. Une enquête avait déjà été ouverte à l’encontre du groupe de défense français Dassault sur le dossier. Cependant l’AFA a renoncé à présenter l’affaire au parquet de Paris. De quoi remettre en cause la crédibilité des institutions françaises sur les enjeux de compliance ?

Dans le cadre d’un contrat d’armement de 36 avions de combats Rafale déjà controversé, entre Dassault et l’État indien, Médiapart a annoncé lundi la publication d’une enquête sur trois volets, concernant une généreuse commission allouée à une société intermédiaire. Actuellement accusée de blanchiment d’argent, la société Defsys Solutions aurait reçu cette commission alors même que l’existence de la transaction est remise en question. L'entreprise Dassault n’a en effet pas pu transmettre de preuves attestant de la véracité du contrat, soulevant ainsi la possibilité de son inexistence. 

Le refus de l’Agence française anticorruption (AFA) de conduire l’affaire au parquet questionne bien le laisser-aller dans l’exemplarité des élites françaises, impliquant Jean Yves le Drian ex-Ministre de la Défense ainsi qu’Eric Trappier le patron de Dassault Aviation. Qualifiée “d’affaire d’État”, puisqu’elle intervient dans le cadre d’un contrat de Défense entre les gouvernements français et indien, cette enquête connaît un puissant retentissement en Inde, avec un timing électoral permettant au congrès de pointer du doigt “le capitalisme de copinage du gouvernement Modi”. Bien plus discrets dans les médias français les “Rafale Papers” pourraient bien être un nouvel exemple de perte en fiabilité des institutions françaises en termes de compliance.

Si corruption il y a, cette affaire porte atteinte à la procédure de passation des marchés de la défense et démontre la faiblesse de nos acteurs anti-corruption. Or celle-ci sous-tend surtout une faille dans la sécurité de nos fleurons. Elle n’est pas sans rappeler la guerre informationnelle sur les coûts et le local content des contrats australiens ou malaisien de Naval Group, ou encore la condamnation d’Alstom pour corruption par les autorités états-uniennes au nom de la compliance. Quoiqu’il en soit, les suites de l’enquête révéleront au mieux une manipulation de l’information, et au pire un nouveau scandale d’État qui constatera l’obsolescence de l’Agence Française Anticorruption. 
 

          Clémentine Balayer 

 

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