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Les ONG au cœur des préoccupations des services de renseignement français

Jouissant d’une aura et d’une cote de popularité favorable auprès de la population, les ONG n’en sont pas moins des soldats d’une guerre économique mondiale où s’entremêlent entreprises et Etats. La Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD), chargée de protéger les entreprises « sensibles », a bien compris l’instrumentalisation de ces organisations par des puissances étrangères, en particulier russe et turque, pour mener une guerre réputationnelle contre leurs concurrents.

Dans une audition du Sénat relative au Projet de loi de finances pour 2021 concernant l’environnement et prospective de la politique de défense, rendue publique par Opex360, le général Eric Buquet, chef de la DRSD, a ciblé certaines ONG agissant contre les opérations extérieures françaises, en particulier dans le domaine de l’armement. Financées par des puissances extérieures, notamment la Russie et la Turquie, ces organisations n’hésitent pas à mener des campagnes de déstabilisation pour lutter contre certaines ventes d’armes françaises, alors qu’elles ne mettent pas le même entrain lorsque d’autres pays vendeurs sont concernés. Il faut dire qu’au cours de ces dernières années, le phénomène a pris une ampleur significative, le rendant plus visible. Les ventes de Rafale, particulièrement en Egypte, ont suscité des critiques acerbes de la part de nombreuses ONG, alors qu’elles le sont bien moins lors de l’achat d’avions russes Su-35. Ces actions pénalisent les entreprises françaises, particulièrement de défense, faisant face à une frilosité des banques, soumises à la pression du risque réputationnel porté par ces organisations.

Si cette déclaration du général Buquet a pu en surprendre plus d’un, le rôle des ONG dans la guerre économique est connu de longue date. Financées par certains États, celles-ci prennent leurs causes et utilisent leurs volontaires, agissant en grande majorité dans l’ignorance, pour mener à bien des opérations dédiées pour favoriser leurs financeurs. Tel fut le cas de l’ONG UANI (United Against Nuclear Iran), dirigée par un groupe d’intérêt américain qui, après les accords sur le nucléaire iranien de 2015, avait usé de ses moyens pour empêcher Total ou encore Airbus de remporter des marchés en Iran sous couvert de lutte contre le nucléaire. En 2018 également, au Havre, le cargo Bahri Yanbu, sous pavillon saoudien, n’avait pas pu charger les équipements militaires qui lui étaient destinés en application d’un contrat commercial après une campagne de déstabilisation menée par de multiples ONG. Enfin, Transparency International, financée à grande majorité par des multinationales et institutions gouvernementales anglo-saxonnes, concentrait davantage ses actions judiciaires envers les pays africains entretenant des liens forts avec la France, que ceux privilégiant les rapports avec Londres et Washington.

Ces déclarations du chef de la DRSD rentrent donc dans ce postulat. Pourtant, il ne faut pas s’arrêter aux seules ONG, car de nombreux acteurs, notamment des think tanks ou sites internets, sont utilisés pour des campagnes de déstabilisation, dans l’obtention de contrats. En témoigne Naval Group ciblé en Australie par Submarines for Australia, site internet proche du concurrent suédois Saab-Kochums. Il s’agit donc pour les entreprises françaises de se préparer à ces attaques mais aussi à utiliser les mêmes méthodes dans cette guerre économique qui fait rage.

 

Thibault Menut

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