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Vers la création d’un appareil juridique européen de riposte contre les ingérences étrangères ?

Après la Chine, l’Europe s’apprête à mettre en place un instrument pour protéger les entreprises européennes de sanctions extraterritoriales, provenant notamment de Washington ou Pékin. Une avancée de plus pour l’Union Européenne vers l’autonomie stratégique européenne, nouveau mot d’ordre établi par Bruxelles depuis la crise de la Covid-19. La France semble ambivalente sur le sujet entre un atlantisme retrouvé et une prise de conscience de la menace chinoise.

Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif de la Commission et aussi commissaire européen au Commerce, a annoncé la future mise en place de l’Anti Coercion Instrument (ACI), un instrument dédié à la protection des entreprises européennes des contre-ingérence étrangères, notamment les lois à visées extraterritoriales. Dans un rapport sorti le 23 juin 2021, dans un souci d’efficacité, le Conseil Européen pour les Relations Internationales (ECFR) suggère que cet instrument devrait être transversal, et ne pas être mis seulement dans les mains d’une institution, que ce soit la Commission Européenne, ou encore le Conseil Européen, l’ensemble des institutions européennes devant être concernées.

De même, ce rapport alerte sur la réelle utilité de la mise en place d’un tel appareil et suggère d’établir deux types de sanctions. La première serait d’établir une liste prédéfinie de mesures en réponse à des violations de souveraineté, allant de la mise en place de licences pour exercer en Europe à des restrictions d’accès au marché, de transferts de technologies clés au contrôle des exportations dual use. La deuxième serait de cibler certaines sanctions extraterritoriales notamment chinoises ou américaines et établir des mesures pour les contrer, dans une logique de riposte.

L’implémentation de ce genre d’instruments n’est pas une première et suit une tendance. Le 10 juin 2021, la Chine, à la surprise générale, a décidé de se doter d’un arsenal juridique légalisant des représailles en cas de sanctions étrangères contre des individus ou des entités chinoises. Une position rendant de plus en plus précaire les entreprises européennes, confrontées à la pression américaine. La France, quant à elle, ne semble pas sur cette même longueur d’onde. Le projet de loi contre les sanctions extraterritoriales américaines, lancé en 2019 face aux mesures de l’administration Trump, est aujourd’hui au point mort. Visant à mettre à jour une loi établie en 1968 désormais désuète, le projet consistait à établir des amendes entre 2 et 10 millions, contre seulement 18 000 euros aujourd’hui. Une réforme que le gouvernement temporise depuis l’arrivée au pouvoir de l’administration Biden depuis janvier. Un vrai problème pour le député En Marche et rapporteur du projet de réforme, Raphaël Gauvain, selon les Echos : « le problème est le fond atlantiste de l’administration française […] les sanctions les plus fortes à l’encontre des Européens ont été émises sous des administrations démocrates, comme cela fut le cas pour Alstom, ou contre Cuba ».  A l’inverse, l’administration se concentre davantage sur Pékin, qui commence à mettre en place de tels instruments.

 

Thibault Menut

 

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