Quelques jours après l’affaire du port de Hambourg, le gouvernement fédéral allemand récidiverait en donnant son feu vert à l’acquisition du fabricant de semi-conducteurs Elmos par son concurrent suédois Silex, filiale appartenant à 100% au chinois Sai Microelectronics. S’il devenait effectif, cet accord aggraverait la dépendance de l’Allemagne à l’égard de la Chine.
La nouvelle a été révélée le 27 octobre 2022 par le journal économique Handelsblatt : le gouvernement allemand doit statuer sur la proposition de rachat du fabricant de semi-conducteurs Elmos par son concurrent suédois Silex, filiale à 100% du groupe chinois Sai Microelectronics – et il semble vouloir dire oui.
La vente de l'usine de plaquettes de Dortmund – pour un prix d’achat net d'environ 85 millions d'euros – est actuellement examinée par le ministère de l'Économie et la décision finale sur l'autorisation devrait être prise dans les prochaines semaines. S’il venait à valider cette opération, le gouvernement fédéral s'opposerait à l'avis de l'Office fédéral de protection de la Constitution, un des services de renseignement allemand. Selon les informations du Handelsblatt, ce dernier a déconseillé l'autorisation de la transaction et a souligné le risque d'une dépendance croissante vis-à-vis de la Chine sur le marché des semi-conducteurs.
Ce rachat s'inscrit dans le cadre de l'ambitieuse stratégie de Pékin qui vise à transformer la Chine en une puissance de premier plan dans le domaine des technologies du futur d’ici à 2049, année du centenaire de la République populaire. Dans cette optique, le secteur des semi-conducteurs apparaît donc comme primordial – ce marché gigantesque, destiné à doubler, devrait peser 1 000 milliards de dollars d’ici 2030 – d’autant plus que son principal concurrent dans ce domaine est Taïwan, qui concentre près de 60 % de la production mondiale.
Fragilisé par le tollé provoqué par son soutien à la vente d’un terminal du port de Hambourg à une entreprise chinoise, cette révélation tombe au plus mal pour le chancelier Olaf Scholz qui doit se rendre à Pékin début novembre. En effet, elle pose une fois de plus la question de l’ingérence de la Chine dans l’économie allemande et de la dépendance de plus en plus grande de celle-ci à l’Empire du Milieu, son premier partenaire commercial. Elle met également en danger la fragile construction d’une indépendance stratégique européenne. Dans son édition du 11 août 2022, le quotidien Die Zeit se demandait « Comment se tirer des griffes de la Chine ? ». Le gouvernement allemand ne semble pas se poser cette question.
Simon Rousselot
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