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Terres rares : découverte en Suède du plus gros gisement connu en Europe

Jeudi dernier, la compagnie minière suédoise LKAB a annoncé avoir découvert « le plus grand gisement européen connu » de terres rares dans la région de Kiruna, au nord de la Suède. Alors qu’aucun pays d’Europe n’exploite de mine de ce type, cette découverte pourrait être un véritable tournant sur un marché dominé par la Chine et dont le caractère stratégique est renforcé par les enjeux de souveraineté énergétique auxquels fait face l’Union européenne.

Dans un communiqué de presse publié ce jeudi 12 janvier 2023, Jan Moström, PDG du groupe suédois LKAB, qualifie cette découverte de « bonne nouvelle, non seulement pour LKAB, la région et le peuple suédois, mais aussi pour l'Europe et le climat ». La société minière estime pour l’instant que le gisement abriterait plus d’un million de tonnes d’oxydes de terres rares. Pour rappel, la Commission européenne travaille actuellement sur un règlement européen sur les matières premières critiques, visant à établir les priorités de la stratégie européenne dans la course mondiale à l'approvisionnement et au recyclage de matières premières essentielles.

 

Un marché dominé par la Chine

Sur la période 2010-2021, les principaux pays producteurs de terres rares dans le monde sont tous extra européens : la Thaïlande, la Russie, l’Inde, la Birmanie, les États-Unis, et, en tête du classement, la Chine. Alors que selon l’IFP Énergies nouvelles (2021) la production minière de terres rares a « quasiment triplé en 25 ans, passant de 80 000 tonnes en 1995 à 213 000 tonnes en 2019 », la Chine domine le marché, produisant 132 000 tonnes cette même année. Ainsi, Pékin exerce un quasi-monopole sur l’extraction des ressources, mais également sur l’aval de la chaîne de valeur et les activités de séparation de terres rares, qui demandent de lourds investissements. Cet important coût de maîtrise de l’ensemble de la chaîne explique d’ailleurs que le Vietnam et le Brésil, pourtant classés 2e et 3ème en termes de réserves brutes derrière la Chine et ses 44 millions de tonnes de terres rares,  ne figurent pas au classement des principaux producteurs mondiaux. 

 

L’une des clés de l’indépendance ?

L’absence d’acteurs européens dans le classement des principaux pays producteurs de terres rares est dûe au fait qu’aucune mine en exploitation n’existe dans la région. Pourtant, selon les estimations de la Commission européenne, une hausse critique de la demande est attendue d’ici à 2050, pour faire face notamment à l'électrification du parc automobile européen, et plus globalement aux enjeux environnementaux et énergétiques : les éoliennes surtout, mais également les batteries de certains véhicules électriques, les panneaux solaires et de nombreuses technologies numériques sont d’importants consommateurs de minerais rares.

La découverte de cet important gisement en Suède représente donc une opportunité pour l’Europe de s’affranchir, au moins en partie, de la domination chinoise, à condition que les investissements nécessaires soient réalisés pour créer puis soutenir des chaînes de valeur européennes, de l’amont à l’aval. En 2010,  pour faire face à une hausse sans précédent de la demande interne en terres rares, la Chine a instauré des mesures de restriction des exportations. Selon l’IFP Énergies nouvelles (2021), « la réponse des marchés a été immédiate : les cours se sont envolés et, anticipant des opportunités de gains futurs importants, les projets d’exploration et d’ouverture ou de réouverture de sites miniers ont proliféré (Mountain Pass en Californie, Mount Weld en Australie) ». Pourtant, à ce jour, la totalité des terres rares extraites sur le site de Mountain Pass (États-Unis), est vendue à des raffineurs chinois qui procèdent à la séparation des minerais, puis à leur transformation en produits intermédiaires. 

Ainsi, l’indépendance de l’Europe vis-à-vis de la Chine en matière de terres rares repose tant sur une exploitation propre que sur l’existence d’infrastructures en aval de la chaîne de valeur. Le règlement européen sur les matières premières critiques en cours d’élaboration doit également faciliter les autorisations administratives, puisqu'aujourd'hui, sur la base de son expérience, « LKAB estime que même en déposant une demande d'exploitation en 2023, il ne faudrait pas escompter de premières livraisons de terres rares au marché avant dix à quinze ans »

Compte tenu de l'état actuel du marché et du contexte global, la découverte du « plus gros gisement connu » viendra-t-elle bouleverser la réponse européenne aux enjeux miniers et industriels ?

Anne Bakupa pour le club Europe de l’AEGE

 

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