Eramet investit pour relancer sa filiale Société Le Nickel (SLN), déficitaire depuis presque 10 ans. Le géant français de l’extraction minière et de la production métallurgique compte injecter 250 millions d’euros d’ici 2025 pour relancer l’exploitation minière sur plusieurs sites historiques du Caillou.
L'annonce n’est en rien dû au hasard. Elle intervient une semaine après que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ait autorisé l’augmentation des exportations du nickel de 4 à 6 millions de tonnes par an.
Cette annonce a permis ce mardi 15 février 2022 la signature d’une convention entre les autorités locales et la SLN, filiale d’Eramet, pour l’exploitation du nickel calédonien. Cette convention signifie surtout que les partis entendent poursuivre leur relation économique puisque la SLN est l’opérateur historique du nickel extrait sur le Caillou. Pour rappel, les trois provinces de Nouvelle-Calédonie détiennent 34 % du capital de la SLN. Louis Mapou, président indépendantiste de l'exécutif collégial, déclarait à l'occasion de la signature du document que "cette convention est une étape fondamentale dans l'évolution des relations entre la Nouvelle-Calédonie et la SLN".
Pour retrouver de la rentabilité, la SLN va investir dans différents sites miniers, et en priorité son usine métallurgique (production de ferronickel) de Doniambo située à proximité de Nouméa. La fragilité budgétaire de la SLN pouvait laisser dubitatif quant au bien fondé de ce nouvel investissement. Cependant le but est que ces investissements soient "autofinancés" grâce aux recettes tirées de la hausse des exportations, sans résorption en contrepartie de l'endettement de la SLN.
L’extraction et la transformation du nickel en Nouvelle-Calédonie est aussi un enjeu stratégique majeur de cet espace indopacifique, où tous les regards se portent vers la Chine, un grand consommateur de nickel raffiné. Pékin cherche sans cesse à sécuriser ses approvisionnements en minerais stratégiques et développe à cet effet des opérations d’influence sur le territoire calédonien. Les liens interpersonnels tissés avec des personnalités de l’île (autorités politiques, associations telle que l’association “Amitié sino-calédonienne” ou “Réunification pacifique de la Chine en Nouvelle-Calédonie”, etc.) ne sont pas dénués d’arrières pensés. En cherchant à influencer le futur politique de l’île, la Chine compte bien récupérer une part du gâteau minier.
C’est d’ailleurs avec la société chinoise Tsingshan, le numéro un mondial de l’acier inoxydable que le groupe Eramet a relancé son projet argentin d’ouverture d’une usine de traitement de lithium.
Enfin les enjeux socio-politiques sont également à considérer à l’occasion du renforcement des liens entre la SLN et la Nouvelle-Calédonie. Dans l’esprit de cette convention la SLN s’engage en effet à réduire son empreinte environnementale (décarbonation de sa production, meilleure intégration de ses sites dans le paysage local) tout en améliorant son impact social (création d’une École des mines calédonienne, d’emplois locaux). L'exploitation minière est un poumon économique de l’île puisque l'exploitation du nickel représenterait 24 % des emplois directs ou indirects du privé en Nouvelle-Calédonie, selon des données de l'INSEE. La SLN promet la création de 200 emplois directs et indirects.
Cependant l’incertitude qui pèse sur l’avenir politique de l’île, depuis les résultats en demi-teinte du dernier référendum marqué par la forte abstention des votants indépendantistes, pourrait impacter le futur de la SLN.
Pour Eramet, l'incertitude politique ne fait pas bon ménage avec une vision de long terme sur l'exploitation d'un minerai stratégique. La SLN pourrait-elle éventuellement voir son rôle d'opérateur historique être concurrencé par des concurrents ? Par cette annonce, le statu quo doit demeurer au moins pour 3 ans, un répit bienvenu pour l'industrie minière française.
Pierre-Marie Durier
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