Sous-marins de classe Taigei : la Marine japonaise renforce ses ambitions en mer de Chine.

Le Japon doit faire face aux ambitions hégémoniques chinoises en mer de Chine. Les objectifs chinois dans cette région sont incompatibles avec les intérêts stratégiques de Tokyo. La sécurité maritime japonaise est particulièrement vulnérable face aux ambitions de Pékin. Le Japon a par conséquent décidé de renforcer les capacités de sa marine militaire en lançant une nouvelle classe d’unités de sous-marins d’attaque : la classe Taigei.

L’affirmation de la Chine comme puissance maritime régionale représente l’un des principaux défis auxquels sont confrontés les stratèges japonais. L’augmentation croissante des tensions entre Pékin et Tokyo pour le contrôle de la mer de Chine compromet en effet la stabilité de l’Asie orientale. La question de la souveraineté des îles Senkaku-Diaoyu, situées au nord-ouest de Taiwan, annexées par le Japon en 1895 à la suite du traité de Shimonoseki, représente le principal contentieux territorial entre les deux pays. Les doutes existants sur la réelle disponibilité des États-Unis à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour défendre l’archipel en cas d’agression chinoise obligent le Japon à accélérer sa politique de réarmement. L’importance du réarmement est mise en lumière par la constante augmentation du budget de la défense, récemment passé à 53.8 milliards de dollars, équivalent à 1.3% du PIB, et par la volonté d’une partie de la classe dirigeante japonaise de modifier l’article 9 de la constitution, qui prévoit notamment la renonciation à la guerre du peuple japonais en tant que droit souverain.

Une des principales armes dont dispose Tokyo pour assurer la défense de ses intérêts maritimes est sa marine militaire. Considérée par de nombreux analystes internationaux comme l’une des marines les mieux équipées au monde, la force maritime d’autodéfense japonaise (JMSDF) a deux objectifs stratégiques fondamentaux : défendre l’intégrité territoriale du pays et garantir au Japon un accès constant aux routes commerciales maritimes. Une interruption de l’accès aux routes maritimes internationales, due aux activités d’acteurs étatiques hostiles aux intérêts de Tokyo, auraient des conséquences dévastatrices sur l’industrie nationale japonaise. Le Japon est un pays historiquement pauvre en ressources naturelles. Par conséquent, l’atténuation des risques liés à la dépendance des importations en matières premières nécessaires au bon fonctionnement de son industrie est la priorité stratégique absolue pour le pays du Soleil Levant. La préservation des intérêts commerciaux provenant des exportations, principalement par voie maritime (15.5% du PIB en 2020), est également une question d’importance vitale pour le Japon.

Dans le but de réaliser ces objectifs, la JMSDF s’est notamment dotée d’une flotte de sous-marins à l’avant-garde dont les classes Soryu « dragon bleu » et Taigei « grande baleine » sont les derniers exemples. Le « dragon bleu » et « la grande baleine » sont des sous-marins d’attaque conventionnels. Les sous-marins d’attaque sont principalement conçus pour intercepter et détruire des bâtiments de surface ou des sous-marins ennemis. Ces sous-marins ont également d’importantes fonctions de renseignement, de surveillance, de reconnaissance, et de soutien aux opérations de groupement tactique.

 

Une nouvelle classe de sous-marins entièrement propulsée au lithium-ion 

Avec l’entrée en service des deux derniers exemplaires de la classe Soryu  – l’Oryu et le Toryu –  en 2015 et 2017, le Japon a été le premier pays à doter ses sous-marins de batteries lithium-ion, remplaçant ainsi les batteries au plomb, traditionnellement utilisées par les sous-marins. Le choix de la marine japonaise de doter ses sous-marins de batteries lithium-ion se base sur les caractéristiques opérationnelles avantageuses présentées par ce type de batterie, notamment une plus grande énergie stockée par unité de poids et de volume et une plus grande capacité utile que les batteries plomb-acide. Les batteries des sous-marins japonais sont produites par GS Yuasa, une entreprise japonaise leader dans la production de batteries lithium-ion. 

L’expertise japonaise dans la production de ce type de batteries et le succès opérationnel de l’Oryu et du Toryu ont permis au Japon de se doter d’une nouvelle génération de sous-marins entièrement propulsée par des batteries lithium-ion : la classe Taigei

Le Taigei est un sous-marin d’attaque propulsé par un système diesel électrique qui utilise des batteries au lithium-ion plus puissantes que celles utilisées par ses prédécesseurs. Nommée en honneur d’un ravitailleur de sous-marins de la marine impériale converti en porte-avion léger, la « grande baleine» devra à terme remplacer les sous-marins de classe Oyashio, en service depuis 1998. 

L’entrée en service de la classe Taigei permet à la JMSDF de continuer la modernisation et le renforcement de sa flotte de sous-marins d’attaque, répondant pleinement aux exigences fixées par les lignes directrices de la New National Defense Program Guidelines (NPDG) de faire passer la flotte sous-marine japonaise de 16 à 22 unités. La JMSDF est actuellement dotée de 8 Oyashio, 12 Soryu et 2 Taigei

 

La flotte sous-marine japonaise face à la Chine

Le renforcement des capacités sous-marines japonaises coïncide avec l’essor de la flotte sous-marine chinoise, composée d’environ 70 unités, dont des sous-marins nucléaires d’attaque (Type 093) et lanceurs d'engins (Type 094). L’apparition d’une nouvelle génération de SSBN chinois contraint en effet la JMSDF à hâter le renouvellement de sa flotte sous-marine pour ne pas se faire distancier dans la course au contrôle des fonds marins de la mer de Chine.

La marine chinoise présente cependant certaines faiblesses que le Japon pourrait exploiter en cas de conflit. Le principal problème auquel est confrontée la marine chinoise est de nature géographique. Les bases de la flotte sous-marine chinoise se trouvent en eau peu profonde. Cependant, les sous-marins à propulsion nucléaire ont besoin d’être en eau profonde pour mettre à profit leurs capacités furtives sans être détectés. Ne disposant pas d’un accès direct aux profondeurs de l’océan Pacifique, la flotte sous-marine chinoise doit, par conséquent, traverser une série de goulets d’étranglements (en anglais choke points), principalement des îles et détroits, situés dans les eaux territoriales japonaises et taïwanaises. La flotte sous-marine à propulsion électrique japonaise serait particulièrement adaptée à défendre ces choke points. La mission serait principalement de nature stationnaire, avantageant le caractère silencieux des sous-marins à propulsion électrique de la marine japonaise. Selon Tom Shugart, ex-officier de la marine américaine, les choke points pourraient être complètement bouchés par la JMSDF dans l’éventualité d’un conflit avec la Chine, réduisant ainsi l’impact des sous-marins à propulsion nucléaire chinois en cas de conflit.

 

Alexandre Brans pour le Club Défense de l'AEGE

 

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