L’avenir de l’automobile français mis en balance par le projet de loi sur le malus automobile

Depuis peu une nouvelle bataille dans le domaine automobile est instaurée. La raison, un projet de loi qui vise à instaurer un malus au poids pour les automobiles de plus de 1,8 tonnes, adopté par le Palais Bourbon le 13 novembre. Le Sénat, en réponse au projet, a adopté un amendement venant à supprimer cette disposition houleuse. Cette situation montre le rapport de force engagé le gouvernement et l’avenir d’une industrie automobile française, doublement affaiblie par un retournement de cycle et la crise sanitaire.

C’est un euphémisme de dire que le secteur automobile se porte mal. Sur l’année 2020, le solde commercial du secteur automobile va dépasser les 15,3 milliards de déficit atteint en 2019. Il s’agit ici du deuxième secteur au plus mauvais résultat en France derrière les hydrocarbures. Cette tendance n’est pas prête de s’arrêter au vu du bilan de novembre pour les entreprises françaises (540 000 véhicules vendus en moins que l’année 2019). Comme le souligne Rexecode, le coût horaire dans l’industrie en France est de 37,5 euros, contre 28,6 au Royaume Unis, 22 en Espagne, 19,5 en Slovénie, près de 12,88 en Slovaquie et 7,5 en Roumanie. Face à ce constat la délocalisation de la production en dehors de la France ne fait que de s’accélérer, à l’instar de la nouvelle Peugeot 208, et de la Citroën C3  produites en Slovaquie. Les petits SUV n’échappent pas à la délocalisation. Les dernières en date, à savoir la Peugeot 2008 II et Captur II qui sont fabriqués en Espagne .

C’est dans ce contexte que le Sénat se positionne en protecteur de l’industrie automobile et engage un rapport de force déjà fortement consumé depuis le début du mandat du Président de la République. La droite majoritaire au Sénat adopte une vision libérale, préférant laisser un cadre juridique non restreint au secteur de l’automobile particulièrement touché par la crise sanitaire  pour établir l’orientation stratégique de son renouvellement. Elle qui, déjà par le passé a défendu l’automobile contre toute application de taxe. La nature de ce malus peut être mise en lien avec la décision du Conseil d’Etat qui a demandé à l’Etat de justifier ses engagements concernant le réchauffement climatique. Il semble que le gouvernement veuille donner un cap à l’industrie automobile française, d’autant plus que ce projet de loi est issu des propositions de la convention citoyenne faisant pression auprès de la majorité dans le cadre de son engagement.

Dans les coulisses du projet de loi, le gouvernement peut compter sur le soutien du lobby vert qui a démontré son intérêt sur le sujet dans le débat public. Pierre Cannet, directeur du plaidoyer WWF France appelant « le gouvernement à introduire un critère poids dans la fiscalité des véhicules via un malus pour les véhicules de plus de 1,3 tonne. Nous appelons le gouvernement à l'introduire dans le projet de loi de finance ». Celui-ci ne sera écouté qu’à moitié puisque le gouvernement préfère se référer au seuil de 1,8 tonnes tout en ajoutant de nombreuses exceptions et abattements.

Pour autant, au-delà du lobbying, l’angle de l’intelligence juridique démontre tout son intérêt sur la question. Comme le souligne la ministre Barba Pompili, ce seuil de 1,8 tonnes ne représente que 2 à 3 % des immatriculations. Dans une période où les SUV français naviguent à vue du fait de la crise du Covid-19, la création d’un cadre juridique permettant l’équilibre entre la pérennité de notre industrie et l’application des objectifs de décarbonationdoit être un objectif commun.

Il reste que dans l’attente d’une nouvelle discussion parlementaire le dernier mot revient à la chambre basse.

 

Pierre Coste

 

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