Face à l’augmentation des risques de prise de contrôle de certaines sociétés, l’Australie vient de consolider son dispositif de contrôle des investissements étrangers, sur fond de tensions avec la Chine et d’accroissement mondial de la vigilance à l’égard des participations exogènes à l’écosystème économique local.
Le 5 juin, le ministre australien des Finances Josh Frydenberg annonçait une réforme de la loi de 1975 sur les investissements et rachats étrangers (Foreign Acquisitions and Takeovers Act). Elle porterait sur la réévaluation des critères et du périmètre de sécurité nationale, la possibilité pour le ministre d’examiner toute acquisition menaçant les intérêts vitaux de l’Australie en dehors de ce périmètre, l’élargissement des pouvoirs d’application et de sanction et enfin, la standardisation des procédures pour les actifs jugés non stratégiques. L’entrée en vigueur de ces réformes interviendrait en janvier 2021.
Deux mois avant cette annonce, le même gouvernement du premier ministre Scott Morrison avait chargé le FIRB (Foreign Investment Review Board – équivalent du bureau Multicom 4 de la Direction Générale du Trésor de Bercy ou du CFIUS américain) de filtrer provisoirement tous les investissements extérieurs sans condition de montant dans un délai de six mois (au lieu de 30 jours), en raison des opportunités offertes par la dévalorisation liée au coronavirus des entreprises intéressant la sécurité nationale australienne. D’ordinaire et en fonction des secteurs, ce filtrage est activé entre 50 millions et 1,1 milliard de dollars australiens pour les investisseurs originaires d’un Etat signataire d’un accord de libre-échange avec le pays-continent.
Pointée du doigt pour l’ampleur de son empreinte économique sur l’Australie et sa politique d’acquisitions locales, la Chine n’apparaît que comme le neuvième exportateur d’IDE vers cet Etat (78,2 milliards de dollars australiens en 2019). Cette position inattendue ne l’empêche pas de devenir concessionnaire du port de Darwin en 2015, faisant réfléchir ses hôtes à l’opportunité de délocaliser sa base militaire et muscler la politique d‘investissements étrangers relative à la sécurité nationale.
Ces nouvelles dispositions réglementaires s’inscrivent dans une tendance mondiale de fond de renforcement du contrôle des flux entrants, comme on peut le constater en France, en Suisse (où on assiste à l’émergence du débat), au Japon et en Belgique, conformément aux recommandations de l’Union Européenne.
Louis-Marie Heuzé