Pour la première fois en 30 ans, le ministère de la Défense russe a refusé de participer à un séminaire organisé par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) sur les doctrines militaires, présidé par les Etats-Unis. Cet acte démonstratif fait peser le risque d’une détérioration des relations entre la Russie et l’Europe déjà bien entamée depuis plusieurs années.
Le vendredi 12 février 2021 la Russie a refusé de participer à la réunion de l’OSCE ayant lieu tous les cinq ans. Cette organisation a été créée pour la coopération en Europe sur les sujets tels que la sécurité. Le refus de participation de la Russie provoque un nouvel accroissement des tensions entre la Russie et les autres membres de l’OSCE comme les États-Unis. Sergueï Gavrilov, député russe a expliqué ce refus, justifiant que « les Américains nous ont invités, il y avait une demande. […] À une époque où ils interprètent l’élargissement de l’OTAN comme un moyen de dissuasion pour la Russie, le ministère de la Défense a refusé de participer au séminaire ». Le second motif repose sur les déclarations du représentant des Etats-Unis à l’OSCE qui ont choqué la Russie, Moscou dénonçant l’emprise du gouvernement américain sur l’OSCE tout comme sur l’OTAN.
L’OSCE est aujourd’hui devenu une institution très présente dans l’espace est-européen et centre-asiatique et qui pourrait donc menacer directement l’influence russe. Malgré cela, la Russie a toujours participé aux différents sommets organisés par l’Organisation. L’intérêt pour elle via cette organisation est de rester ouverte aux dialogues et de montrer qu’elle souhaite coopérer sur des sujets sensibles comme les règles de l’armement et des doctrines militaires. Ces dernières permettent de gérer les stocks d’armes légères et de petits calibres en Europe. La coopération sur les doctrines militaires permet aux différentes armées de comprendre comment les autres armées s'entraînent, s’organisent et s’engagent sur des théâtres d’opérations.
La Russie a toujours été attachée à l’OSCE, il s’agit de la seule organisation européenne de sécurité dans laquelle les Russes disposent d’un droit de veto. Le pays estimait que via son influence, l'OSCE en viendrait à dépasser les compétences de l'OTAN, que la Russie voit comme une menace directe pour sa sécurité. En effet, en 2008 Moscou décide de couper les vivres de la mission de l'OSCE en Géorgie. Cette dernière ayant débuté en 1992 et renforcée après la guerre du mois d'août 2008 en Ossétie du Sud, s’était déclarée région indépendante” de la Géorgie avec l'aide militaire de la Russie. Depuis, les relations entre la Russie et l’OSCE se sont dégradées sans oublier, un nouvel épisode de tensions vis-à-vis de la situation ukrainienne en 2014, la Russie ayant posé son véto pour que le sujet ukrainien soit traité lors de la réunion de l’OSCE de 2014. Cette crise a déjà aggravé les tensions entre la Russie et l’Union européenne avec différentes sanctions prises par cette dernière à l’encontre de Moscou comme l’embargo alimentaire depuis 2014.
La décision de Moscou illustre bien que, malgré l'arrivée au pouvoir du nouveau président américain, les tensions ne se sont pas encore apaisées entre la Russie et l’Occident. Au contraire, cela pourrait avoir des conséquences diplomatiques avec la nouvelle administration américaine. De plus, ce refus ainsi que ce regain de tension diplomatique peuvent s’expliquer par la pression Occidentale, surtout de la part des États-Unis à l’encontre de la Russie. Ces réactions font suite à la supposée tentative d’empoisonnement ainsi qu’à l’arrestation de l’opposant politique Alexeï Navalny par la Russie. Le secrétaire d’État Blinken, lors d’un communiqué venant confirmer l’extension du traité de désarmement New Start avec la Russie, rappelle que : « En même temps que nous travaillons avec la Russie pour promouvoir les intérêts américains, nous allons aussi travailler pour que la Russie rende des comptes pour ses actes antagonistes et ses violations des droits humains, en étroite coordination avec nos alliés et partenaires ».
L’OSCE une histoire de dialogue et de coopération avec la Russie
Originellement l’OSCE était la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). Cette organisation créée dans les années 1970 est le fruit d’une période de détente entre les deux blocs. L'URSS est l'un des membres fondateurs ayant proposé sa création en février 1954. La CSCE est parvenue à un accord sur l’Acte final d’Helsinki, signé le 1er août 1975 et contient un certain nombre d’engagements en matière de sécurité, politique, économique et des droits de l’Homme. Cet accord autrement appelé « le Décalogue d’Helsinki » permet donc de régir le comportement des États les uns envers les autres. L’objectif étant d’éviter un risque d’escalade militaire suite à la mauvaise interprétation de manœuvres militaires. Un autre objectif s’adresse aux minorités et aux populations pour garantir leur sécurité sur les territoires des différents États membres. Cet accord a été l'occasion d’un rapport de force entre l’URSS avec sa vision des droits et des libertés et la vision occidentale.
La CSCE est devenue l’OSCE en décembre 1994 lors du Sommet des chefs d’État ou de gouvernement de Budapest. Avec la fin de la guerre froide l’OSCE s’est trouvé un nouvel objectif : rassembler les anciennes républiques soviétiques pour former une Europe unie. Devenue un des symboles de la démocratie libérale, l’organisation entendait garantir les libertés fondamentales dans les anciennes républiques soviétiques.
Hary Biddulph pour le Club Risques de l'AEGE
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