OPEP+: La Russie gagne son bras de fer avec l’Arabie Saoudite

Subissant de plein fouet les effets économiques de la pandémie du Covid 19, le cours du pétrole est plus que jamais sujet à des luttes d’influence entre les pays producteurs dont la majorité de leurs revenus dépendent de son exportation. En mars 2020, l’Arabie Saoudite et la Russie s’étaient livrées à une guerre des prix suite à l’échec des négociations lors du sommet de l’OPEP+ tenu à Vienne. Mais alors que les deux pays s’étaient mis d’accord sur une limitation de la production, la Russie pourrait en vérité avoir gagné la bataille.

Pendant quelques semaines, la crise de la Covid 19 a fait resurgir le spectre des crises pétrolières du début des années 70. Le krach boursier qui a frappé les économies mondiales en mars 2020, s'inscrit directement dans le prolongement du bras de fer engagé entre Moscou et Riyad au sujet des prix du pétrole. En effet, pour répondre aux fortes turbulences sur la demande mondiale et soutenir le cours, les membres de l’OPEP+ avaient convenu sous l’impulsion de l’Arabie Saoudite, de réduire la production d’or noir de 1,5 millions de barils par jour supplémentaire. Cependant, le Kremlin s’était immédiatement opposé à l’accord afin de protéger son économie (très largement dépendante de la production d’hydrocarbures) et d’étrangler un peu plus les producteurs de schiste américain ayant besoin d’un pétrole cher pour dégager de la rentabilité. En effet, pour amortir au minimum les dépenses de la totalité du cycle de production américain, le baril doit osciller entre 60 et 90 dollars ; le Kremlin souhaitait donc par ce biais riposter contre les sanctions américaines sur le projet Nord Stream 2.

Pour répondre à cette opération de guerre économique, le Royaume saoudien a alors procédé à une baisse drastique de ses prix à la livraison et une augmentation de sa production dans le but de lui faire perdre des parts de marché. Cette stratégie risquée compte tenu des conséquences économiques qu’elle entraîne a pourtant permis de ramener la Russie à la table des négociations dès le mois d’avril. A cela s'ajoute le fait que ni Riyad ni Moscou n'avaient prévu un effondrement de la demande mondiale de pétrole aussi violent début mars.

Alors que depuis cet évènement les tensions entre les deux pays sont atténuées, Riyad a annoncé le 5 janvier que sa production connaîtrait une réduction supplémentaire pour février et mars 2021 de 1 million de barils par jour. La Russie de son côté a réussi le tour de force d’obtenir une autorisation d’augmenter sa production sur la même période et de poursuivre sa stratégie initiale sans riposte de Riyad. Sa stratégie basée sur les parts de marché plutôt que sur les prix cherche donc à limiter une reprise dynamique du pétrole de schiste américain. Par ailleurs, tandis que le cours du pétrole est en forte croissance depuis novembre, cette décision pourrait coûter à l’Arabie Saoudite 34 millions de dollars par jour avec ce million de barils en moins d’exports quotidiens.

Riyad table sur un ralentissement à venir du marché et baisse sa production pour maintenir le cours. En outre, une baisse durable en dessous de 50 dollars le baril est difficilement supportable pour son budget. Les mois à venir avec l’apparition du nouveau variant britannique du Covid-19 mais aussi l’intensification des campagnes vaccinales pourraient avoir des nouveaux effets sur la demande d’or noir et venir attiser de nouvelles tensions. Quoiqu’il arrive, l’Arabie Saoudite a trouvé en la Russie un adversaire à sa taille au sein même de l’OPEP+, ce qui laisse à penser que l'existence des organisations de régulations de la production (OPEP, OPEP+) pourrait être remise en cause.

 

Evan Tirologos

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