Falcon 9 pour Galileo au détriment d’Ariane 6, trahison allemande ou difficulté du lanceur lourd européen ?

Un des secteurs qui souffre des sanctions contre la Russie est le secteur spatial. Partenaire stratégique de l’ESA, la Russie a annoncé retirer ses équipes de Kourou, obligeant la Commission européenne à réfléchir à une nouvelle solution pour mettre en orbite les satellites de Galileo. Alors qu’Ariane 6 semble être le choix évident pour les européens, certains acteurs réfléchissent à se tourner vers SpaceX – interrogeant ainsi la pertinence d’Ariane 6 qui accumule les retards.

C’est une annonce qui pourrait apparaître comme une trahison envers l’industrie spatiale européenne de la part d’un acteur engagé dans le secteur, particulièrement au regard des nouveaux impératifs de souveraineté. OHB est une société allemande pleinement engagée dans l’aventure Ariane (actionnaire à 10 % d’Ariane 6 et responsable de 10 % de la conception du deuxième étage de la fusée européenne). Pourtant, on peut s'étonner de sa proposition à la Commission européenne de soutenir SpaceX comme opérateur pour mettre en orbite trois satellites du système de géolocalisation européen Galileo au détriment d’Ariane 6, avançant l’argument du retard dans le programme Ariane 6. 

Le tir inaugural devait se dérouler mi 2020 mais Ariane 6 accumule les retards à cause de la Covid et des mesures de restriction mais aussi à cause d’innovations techniques plus difficiles à mettre en œuvre. Elle ne devrait être prête pour le premier lancement qu’en 2023. En parallèle, le dernier lot d’Ariane 5 a été annulé. Pas assez compétitive par rapport à la concurrence américaine, Ariane 5, bien que très fiable, est remplacée par Ariane 6 qui est moins chère et plus modulable. Mais le délai de latence entre les deux fusées européennes rend l’Europe dépendante à court terme des Américains. Ensuite, ces tirs peuvent être différés car la constellation Galileo est déjà en place et les trois lancements en question ne doivent mettre en orbite que des satellites d'urgence. 

Enfin, la réglementation européenne et ses clauses de sécurité obligent les lancements européens à décoller du sol européen, ce qui obligerait de changer la législation en cas de choix de SpaceX pour autoriser un lancement du sol américain. 

Alors que la Commission européenne, propriétaire de Galileo, a son mot à dire, la proposition d’OHB semble en décalage avec la politique de souveraineté spatiale défendue par Thierry Breton. Ainsi une question subsiste, pourquoi le deuxième maître d’œuvre des fusées Ariane fait-il une telle proposition ? Rappelons qu’en mars 2021, Olivier Andriès, patron de Safran qui détient 50 % du capital d’ArianeGroup, accusait certains acteurs européens de ne pas jouer le jeu de l’Europe spatiale…

 

Arnaud Sers

 

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